Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 2 novembre 2015 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances (PLF) pour 2016 s'élèvent à 1,25 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 4,5 % en AE et de 4,7 % en CP. En tant que rapporteur spécial de cette mission, je devrais me réjouir d'une telle hausse. Pourtant, ce n'est pas le cas car, comme chaque année, celle-ci est entièrement due à l'augmentation des crédits consacrés à l'aide médicale de l'État (AME). Les crédits alloués au programme « Protection maladie » s'accroissent en effet de près de 10 %, tandis que ceux du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminuent de 2,6 % en AE et de 2,4 % en CP. Cette situation n'est pas exceptionnelle puisque, depuis 2014, les crédits alloués à la prévention ont chuté de 27 %, notamment en raison de transferts vers la sécurité sociale, tandis que ceux consacrés à l'AME ont augmenté de 25 %.

Les crédits budgétés en faveur de l'AME pour 2016 s'élèvent ainsi à 744,5 millions d'euros. Je parle bien des crédits budgétés, et non pas des crédits qui vont être consommés, car la prévision sera bien en deçà de la consommation réelle et nécessitera des abondements massifs lors des collectifs de fin d'année, comme ce fut le cas les années précédentes : 155 millions d'euros en 2013 et en 2014, 100 millions d'euros en 2015. On peut donc tabler sur un dérapage de l'ordre de 15 % à 25 % dû à une sous-budgétisation systématique fondée sur des hypothèses très contestables. Malgré les mesures évoquées pour rationaliser les dépenses – baisse de la tarification des séjours hospitaliers, qui transfère une partie de la charge sur les hôpitaux, ou fin de la prise en charge des médicaments dont le service médical rendu est faible –, la hausse inexorable des dépenses d'AME se poursuit, portée par l'augmentation toujours croissante du nombre des bénéficiaires. Ceux-ci étaient près de 295 000 fin 2014 et, selon le « bleu » budgétaire, leur nombre devrait augmenter de 4,9 %, soit une hausse supérieure à celle prévue en 2015.

Par ailleurs, il est vrai, madame la ministre, que j'aime « mélanger les choux et les carottes », comme vous me l'avez dit l'an dernier lors de l'examen des crédits de cette mission. De fait, je considère que seules des données consolidées permettent d'assurer la transparence et la sincérité budgétaire que les pouvoirs publics doivent au citoyen et au contribuable, en particulier sur ce sujet contesté. Cette année encore, je me suis donc attelé à évaluer le coût global de la prise en charge des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière. J'ai ainsi ajouté à ma « salade » budgétaire non seulement le coût de la dette rampante envers la sécurité sociale et les crédits en faveur des soins urgents pris en charge par cette dernière, mais également une part des dépenses de santé à Mayotte puisque celles-ci, on le sait, bénéficient dans des proportions substantielles à des migrants en situation irrégulière. Et je parviens à un total qui dépasse le milliard d'euros, un milliard qui échappe au contrôle des pouvoirs publics ! Une telle somme n'a rien de dérisoire dans le contexte économique actuel, qui plus est lorsque le Gouvernement se targue de chercher de nouvelles sources d'économies structurelles. J'ajoute qu'il est d'autant plus nécessaire de présenter aux citoyens des chiffrages honnêtes que la crise des migrants est dans tous les esprits, même si celle-ci affectera d'abord le coût de la couverture maladie universelle (CMU).

Je dresserai un bilan radicalement opposé du second programme de la mission, consacré à la prévention, car d'importantes mesures sont prises afin de rationaliser la gestion des agences sanitaires et de réaliser des économies structurelles. Les crédits alloués au programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » s'élèvent ainsi à 501,5 millions d'euros, contre 515 millions en loi de finances initiale pour 2015, soit une baisse de 2,7 %. Son évolution réelle à plus long terme est cependant difficile à évaluer, car des compétences importantes, comme le financement de la formation médicale initiale, ainsi que plusieurs opérateurs – l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), la Haute Autorité de santé (HAS) et le Centre national de génotypage (CNG) –, rattachés antérieurement à la mission, ont été transférés depuis deux ans au budget de la sécurité sociale. L'ensemble de ces changements de périmètre représente environ 150 millions d'euros. Quant aux huit agences qui restent dans le giron de la mission, elles participeront encore en 2016 à l'effort de redressement des finances publiques : leurs subventions pour charges de service public diminuent de 3,7 % et elles rendront un total de 25 équivalents temps plein (ETP) sous plafond. Je salue, par ailleurs, la création de la nouvelle Agence nationale de santé publique qui, en regroupant l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'Établissement de préparation aux urgences sanitaires (EPRUS), marque une première étape en matière de mutualisation. De même, l'harmonisation budgétaire et comptable qui devrait être mise en oeuvre dès 2016 au sein des agences sanitaires, associée à un ambitieux projet d'uniformisation des systèmes d'information élaboré par la direction générale de la santé (DGS), constitue une évolution importante, conforme aux exigences de gestion auxquelles sont désormais soumis l'ensemble des opérateurs de l'État.

Le contraste entre les deux programmes est donc, vous en conviendrez, saisissant, tant en termes d'évolution budgétaire que d'effort de rationalisation de la gestion. Je ne vous poserai donc qu'une seule question, madame la ministre, toujours la même : quand le Gouvernement prendra-t-il ses responsabilités en engageant avec courage une réforme de fond de l'AME ?

En conclusion, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

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