Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 2 novembre 2015 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Je n'ai aucune prise sur la médecine scolaire, pas plus que sur la médecine du travail. C'est une particularité de notre pays, en effet, que la médecine du travail y dépende du ministère du travail, et la médecine scolaire du ministère de l'éducation nationale.

Quoi qu'il en soit, on ne peut balayer d'un revers de main le fait que 78 000 personnes meurent tous les ans à cause du tabac. Le plan national de réduction du tabagisme est donc bien une priorité de santé publique. Le tabagisme étant la première cause de mortalité évitable dans notre pays, le Gouvernement, et donc le ministère de la santé, doivent s'en préoccuper.

Vous avez par ailleurs insisté sur la nécessité de développer le « sport santé », inscrit dans le projet de loi de modernisation du système de santé. Des actions peuvent être financées par le FIR lorsqu'elles répondent à des projets innovants que les ARS souhaitent mobiliser. Mais comme j'ai eu l'occasion de le dire, aujourd'hui, il n'y a pas de financements émanant de la sécurité sociale.

Lorsque nous avons évoqué le sujet en séance, nous avons rappelé les initiatives prises par certaines villes ou certaines associations. C'est ainsi que depuis un certain temps, la ville de Strasbourg prend en charge l'abonnement Vélhop sur prescription médicale du cardiologue, lorsque celui-ci considère que l'exercice est bon pour la santé de son patient. Des projets de ce type-là sont financés par le FIR, mais pas par l'assurance maladie puisqu'il n'y a pas de remboursements prévus. Mais ils sont tout à fait identifiés.

Enfin, s'agissant des soins palliatifs, je vous répondrai que le financement de 40 millions d'euros que vous avez évoqué est prévu au budget de l'assurance maladie, et non au budget de l'État.

M. Richard, pour sa part, a regretté que je ne préoccupe pas de résoudre le problème de la désertification médicale – critique que l'on entend régulièrement lors des débats parlementaires. Je pense donc qu'il aura à coeur, comme d'autres de ses collègues, de saluer le plan que j'ai annoncé aujourd'hui, et qui vise à renforcer l'attractivité des carrières des praticiens hospitaliers. En effet, ceux qui prendront un poste dans un territoire sous-doté, ou dans une discipline qui manque de professionnels, bénéficieront d'une prime d'engagement significative, représentant plusieurs mois de carrière, et d'une accélération de carrière qui leur permettra, au bout de cinq ans, de se prévaloir de sept ans d'ancienneté, ce qui est tout à faire appréciable. À ce dispositif s'ajouteront d'autres mesures, sur lesquelles je ne reviens pas, qui visent à encourager la prise de postes hospitaliers par les jeunes praticiens.

M. Richard m'a également interrogée, ainsi que Mme Carrillon-Couvreur – mais pas exactement de la même façon – à propos des maladies chroniques et neurodégénératives.

Je rappelle que la baisse des crédits pour les maladies chroniques correspond à la baisse de la dotation attribuée à l'INCa, que M. Richard a relevée. Mais cela ne se traduit pas par une baisse des actions. Ce sont en effet des prélèvements sur le fonds de roulement, qui n'entraînent aucune dégradation des ressources allouées à la santé publique. La lutte contre le cancer est bien pour nous une priorité.

Par ailleurs, après trois plans Alzheimer successifs, nous avons fait le choix de proposer une démarche nouvelle concernant plusieurs maladies neurodégénératives, et fondée sur le soin, l'accompagnement et la recherche. Ces maladies sont incontestablement devenues un enjeu majeur de santé publique : en France, 850 000 personnes sont touchées par la maladie d'Alzheimer, 150 000 par la maladie de Parkinson et 100 000 par la sclérose en plaques.

À la question précise posée par Mme Carrillon-Couvreur, je répondrai que, depuis décembre 2014, la gouvernance du suivi du plan « maladies neurodégénératives » est installée et opérationnelle, tant au niveau national qu'au niveau régional. Les associations de patients sont membres du comité de suivi, présidé par le professeur Michel Clanet.

En juin 2015, sept centres régionaux d'excellence – dont Bordeaux, Grenoble, etc. – sont d'ores et déjà labellisés. Ces centres fonctionnent bien, mais nous devrons faire, dans quelques mois, le bilan de ce qu'ils nous apportent.

Le 1er septembre dernier, j'ai délégué les crédits permettant aux ARS d'augmenter, à hauteur de la cible à atteindre, le nombre de places dans les différentes structures des personnes malades et des aidants – pôles d'activités et de soins adaptés (PASA), unités d'hébergement renforcées (UHR), plateformes d'accompagnement et de répit. Je rappelle d'ailleurs que la loi d'adaptation de la société au vieillissement prévoit des mesures pour les aidants de personnes âgées. Mais les personnes âgées souffrant de maladies neurodégénératives bénéficieront aussi des aides prévues par cette loi.

Enfin, pour favoriser le développement de l'éducation thérapeutique, une enveloppe de 2 millions d'euros a été prévue au sein du FIR pour 2015, et elle sera reconduite chaque année sur toute la durée du plan. Donc, contrairement à ce que disait M. Richard, il n'y a pas du tout de diminution des moyens accordés en ce domaine.

Monsieur Reitzer, la situation des travailleurs frontaliers qui exercent une activité professionnelle en Suisse nous occupe depuis maintenant un certain temps. Je vous remercie d'ailleurs de la façon dont vous m'avez interrogée : très posément. Il est exact que nous rencontrons aujourd'hui une difficulté – même si je ne l'analyse pas de la même façon que vous – qui est celle de la double cotisation.

L'idée était de proposer aux frontaliers le choix du pays d'affiliation. La règle, qui prévalait depuis les accords entre l'Union européenne et la Suisse, était que le choix fait par un travailleur frontalier était définitif, tant que sa situation personnelle n'avait pas changé – départ en retraite, chômage… Or une décision juridictionnelle suisse a considéré que le choix d'affiliation d'un travailleur frontalier allemand, dans son pays de résidence, devait avoir été formulé de façon expresse et formelle pour être définitif.

Cette décision a semé quelque trouble parce que la notion de « choix express et formel » ou de « décision tacite » peut donner lieu à des appréciations différentes, les cantons suisses ayant en jusqu'en 2013 des procédures diverses pour formaliser le choix d'affiliation des travailleurs frontaliers.

Nous considérons pour notre part qu'une décision juridictionnelle suisse ne peut pas produire d'effet direct en France. En outre, la diversité des pratiques administratives des cantons suisses ne saurait avoir des conséquences sur les règles d'affiliation. Les travailleurs frontaliers qui avaient fait le choix d'une couverture maladie en France, y compris auprès d'une assurance privée, avaient bien fait un choix express et formel, puisqu'ils avaient accompli des démarches auprès d'un assureur.

Nous considérons donc que l'assurance maladie a pu, à bon droit, refuser les demandes de radiation déposées par les travailleurs frontaliers ayant demandé une affiliation à la LAMal à la suite de cet arrêt. Si double cotisation il y a, et il peut y avoir double cotisation, elle résulte plutôt de la pratique de certaines administrations suisses, qui ont admis de manière systématique la réaffiliation en Suisse des travailleurs, sans tenir compte de l'option prise en faveur de la France.

Les autorités suisses avaient toujours reconnu que la fin du droit d'option pour l'assurance privée ne devait pas rouvrir la possibilité de choisir entre une affiliation en France ou en Suisse. Il y a néanmoins une difficulté, et c'est pour cela qu'avec mes collègues ministre des finances et secrétaire d'État chargé du budget, nous avons écrit au gouvernement suisse afin qu'il soit mis fin à ces doubles affiliations. Nous avons également saisi le comité mixte Union européenne-Suisse pour trouver les solutions adaptées aux situations concrètes.

Monsieur le député, nous n'avons pas la même analyse juridique de la manière dont la CNAMTS agit en la matière. Nous ne nions pas la difficulté que rencontrent les frontaliers concernés. Nous avons demandé à la Suisse de revoir sa position, et nous travaillons avec les autorités et les structures compétentes pour trouver une solution.

Madame Le Callennec a parlé du FIR, et s'est inquiétée à propos de la péréquation et du budget pluriannuel. Ce sont deux sujets différents.

La question de la péréquation se pose quant àla répartition des sommes qui, année après année, sont attribuées aux différentes ARS. Depuis l'origine, nous établissons une péréquation dont le champ a grandi pour tenir compte des régions qui rencontrent des difficultés plus importantes qu'ailleurs. Sans grande surprise, la région Nord-Pas-de-Calais a fait l'objet d'une péréquation plus importante, compte tenu des déterminants de santé observés.

Mais, indépendamment de cela, nous avons dit que si tous les fonds n'étaient pas consommés à la fin de l'année, donc dans le cadre de l'enveloppe attribuée une fois la péréquation faite, il n'y aurait pas de péréquation des sommes non dépensées.

Cela signifie que l'on ne répartira pas les sommes non dépensées entre les ARS. Nous avons décidé de donner à chaque agence la possibilité de disposer d'une marge de manoeuvre, pour que des projets en cours d'élaboration ne soient pas arrêtés parce qu'ils n'auraient pas pu faire l'objet d'un financement dans les délais.

Vous m'avez par ailleurs interrogée, madame Le Callennec, sur le financement des centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ceux-ci font l'objet d'un financement dans le cadre de l'assurance maladie. À ce jour, c'est leur seule source de financement. J'ajoute que je préfère qu'il en soit ainsi. En effet, la multiplicité des financements n'est pas forcément un atout. Prenez l'exemple des établissements médicosociaux, dont les financements viennent et de l'État, et du département, et de l'assurance maladie : cela ne facilite pas la fluidité de la prise de décision.

Ensuite, il est exact que certaines familles ont exprimé des inquiétudes à propos du Meningitec. Elles m'ont écrit, et des échanges se sont engagés avec la direction générale de la santé, qui les recevra prochainement.

S'agissant des troubles musculo-squelettiques (TMS) en entreprise, je n'ai pas très bien saisi votre demande, mais je tiens à rappeler que la politique de la santé au travail ne relève pas du ministère de la santé. Cela étant, l'assurance maladie intervient lorsque ces troubles se déclarent. En outre, des politiques de santé mentale et de prévention des risques sociaux peuvent être mises en place. C'est ainsi que le ministère de la santé développe des actions dans ce domaine pour les personnels de la fonction publique hospitalière, ce qui est nouveau.

Madame Bulteau, vous m'avez interrogée sur le financement de la chirurgie reconstructrice après cancer. La question a d'ailleurs été débattue dans l'hémicycle il y a quelques jours. À cette occasion, Mme Laclais a déposé un amendement demandant la remise d'un rapport de l'INCa sur ce sujet. J'avais accepté, en indiquant que ce rapport serait remis en 2017. Je peux affirmer aujourd'hui que cette remise aura bien lieu, mais dès 2016. En effet, l'INCa sera capable de répondre à vos préoccupations dans des délais plus rapprochés que ceux que j'avais moi-même envisagés.

Monsieur Jacquat, vous m'avez interpellée sur les maladies chroniques et l'éducation thérapeutique du patient. C'est évidemment un enjeu important. Au cours de la loi de modernisation de notre système de santé, l'Assemblée a voté – et vous aussi je pense – un article prévoyant l'expérimentation de dispositifs d'accompagnement des patients atteints de maladies chroniques. L'objectif est de favoriser le développement, notamment par les associations, de projets d'éducation thérapeutique innovants.

Enfin, je devrais recevoir prochainement recevoir le rapport de Mme Sandrine Hurel sur la politique vaccinale dans notre pays. À partir de là, nous pourrons lancer le débat. Je ne veux pas préjuger les éléments qui figureront dans le rapport, ni anticiper les conclusions que nous en tirerons. Mais j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises pour dire ma préoccupation devant la montée du sentiment de défiance vis-à-vis de la vaccination dans notre pays. On peut l'expliquer par plusieurs facteurs. En particulier, ce qui est passé au moment de la grippe H1N1 a eu un impact incontestable.

Votre question me donne l'occasion de rappeler que nous devons encourager ceux qui le peuvent à se faire vacciner de la grippe : ce n'est pas un simple gros rhume désagréable, c'est une maladie qui peut tuer. Il est donc très fortement recommandé aux personnes fragiles – femmes enceintes, personnes de plus de soixante-cinq ans, personnes malades – de se faire vacciner, d'autant plus que nous avons toutes les raisons de penser que, cette année, le vaccin comporte la bonne souche de virus et devrait, pour cette raison, être assez largement efficace. Indépendamment même de cela, il faut soutenir la vaccination, car c'est un élément important de la santé publique.

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