Intervention de Éric Alauzet

Réunion du 4 novembre 2015 à 21h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

L'article 60 du projet de loi de finances, qui passionne moins les foules, ce soir, que l'article 58, propose opportunément de fusionner le fonds d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles et celui dédié aux victimes de calamités publiques dans une nouvelle dotation unique, dite « de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques ».

Il y a deux ans, lors du débat sur le PLF pour 2014, j'avais déjà alerté le Gouvernement sur le fait que les crédits de paiement consacrés à cette action devaient être sauvegardés. Ils l'ont été puisqu'ils s'élevaient à 21,9 millions d'euros et qu'en 2015 les subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques sont de 24 millions d'euros. Cependant, pour les prochaines années, ce fonds semble subir une baisse sensible et inquiétante. Certes, on observe une quasi-stabilité pour 2016 – 23,2 millions d'euros –, mais la baisse qui suit est beaucoup plus importante. L'estimation des subventions exceptionnelles pour calamités publiques est de 13,9 millions d'euros en 2017, et de 7,1 millions en 2018. Certes, ces montants sont susceptibles d'évoluer en fonction de l'avancée des projets conduits par les collectivités territoriales ou des indemnisations consécutives à un événement naturel exceptionnel, mais il y a dans cette trajectoire une hypothèque et une incertitude, alors que les catastrophes climatiques s'accentuent et se multiplient et que, parallèlement, les assureurs augmentent le montant des primes. Cette baisse programmée est incompréhensible.

J'aimerais connaître précisément le fonctionnement de ce nouveau fond issu de la fusion des deux anciens fonds et en savoir plus sur les modalités d'application qui seront publiées par décret pour être informé plus précisément des conditions, de la nature des biens pris en compte et des montants éligibles pour les collectivités.

Si la baisse de 11 milliards d'euros de DGF sur trois ans est dure et brutale pour les collectivités nous devons aussi avoir tous conscience des efforts consentis par ailleurs pour atténuer ses effets. Je pense au milliard d'euros du fonds d'aide à l'investissement, aux 140 millions d'euros qui viennent abonder le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), aux mesures prises l'an dernier en loi de finances, au soutien accordé aux départements l'année précédente. On peut considérer que 1,5 milliard d'euros sont consacrés à atténuer la brutalité de la baisse pour le bloc communal.

La réforme de la DGF est ajournée. Elle reste pourtant indispensable en raison de la sédimentation des critères d'attribution au cours de l'histoire, qui la rend totalement illisible et injuste. Pourtant, c'est une véritable gageure d'amplifier la péréquation horizontale alors que la baisse de 11 milliards d'euros des dotations aux collectivités est drastique. J'ajoute que nous n'avons disposé de simulations que tardivement et que de nombreux points restent à préciser. Avouons que tout cela ne nous sécurise guère au moment où nous devrions prendre une décision !

Pour certains, la baisse de 11 milliards d'euros est la raison précise pour laquelle il faut engager la réforme immédiatement afin de « sauver » les collectivités les plus fragiles. Pour d'autres, c'est au contraire le plus mauvais moment car cette mesure ajouterait « une baisse à la baisse » – pour le tiers des collectivités qui pâtissent de la réforme – au détriment des investissements que nous cherchons pourtant tous à les consolider. Sachant que la diminution des dépenses de fonctionnement prend quelques années, c'est inévitablement l'investissement qui trinquera ! Madame la ministre, vous nous annoncez que deux tiers des collectivités bénéficieront de la réforme ; cela signifie qu'un tiers d'entre elles seront mises à contribution. Même si ce sont les plus riches, cela s'ajoutera à la perte de 11 milliards d'euros : cela fait beaucoup !

Si l'on suit le nouveau calendrier, l'articulation et les critères de calcul des trois composantes de la DGF – une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité – feront l'objet d'un travail en 2016 pour 2017. Je m'interroge notamment sur cette « DGF locale », distincte de celle des communes, qui serait calculée à l'échelle du territoire intercommunal. Son versement continuerait d'être effectué par l'État aux communes et aux EPCI, et la répartition au sein du territoire serait effectuée en fonction de critères communs prévus par la loi, reste à déterminer lesquels ! Nous avions entendu parler de possibilités de dérogation en matière de répartition de l'enveloppe entre communes et EPCI par un vote à la majorité renforcée au sein de l'EPCI ; qu'en sera-t-il réellement ?

Le rapport de pouvoir entre les maires et les EPCI constitue un vrai sujet, et je crains que le flou dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui contribue malheureusement à exacerber demain les tensions et les craintes au sein des collectivités territoriales. Il faudra très rapidement remettre l'ouvrage sur le métier afin de trouver un point d'équilibre pour 2017.

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