Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 5 novembre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Au-delà de leur intérêt, la variété de vos questions reflète bien la diversité des activités du ministère de l'écologie. De fait, et c'est ce qui le rend passionnant, ce ministère s'occupe aussi bien de la vie quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse de leur pouvoir d'achat – je pense au coût de l'énergie – ou de la santé publique – à travers la lutte contre la pollution –, que de la préparation de l'avenir, en participant, par exemple, à l'élaboration de stratégies bas carbone. Mais vos questions, qui traduisent à la fois des préoccupations concrètes, témoignant ainsi de votre proximité avec nos concitoyens, et le souci de l'équilibre planétaire soulignent également combien nous devons être attentifs à l'articulation entre le global et le local. Les actions opérationnelles de terrain doivent ainsi permettre de contribuer à préserver l'avenir de la planète. C'est donc avec grand plaisir que je vais vous répondre, tout en vous présentant les grandes lignes de la mission budgétaire que nous examinons aujourd'hui.

Tout d'abord, le ministère de l'écologie participe équitablement au redressement des comptes publics, en particulier grâce à la mobilisation de moyens complémentaires et à une nouvelle ingénierie financière qui permettent de financer la transition écologique et énergétique, notamment dans les territoires. J'assume – c'est assez rare pour être souligné – les économies qui seront réalisées en 2016 : pour réduire les impôts, il faut bien consentir des efforts de réduction de la dépense ! Je les assume d'autant plus que la capacité d'action ministérielle se mesure, non pas au taux d'augmentation de ses crédits, mais à son efficacité. J'ai du reste démontré, pendant les dix ans durant lesquels j'ai présidé la région Poitou-Charentes, que l'on pouvait dépenser mieux sans augmenter l'impôt. C'est ce que je vous propose aujourd'hui : diminuer la dépense publique pour baisser les impôts, en dépensant mieux et plus efficacement.

Il est vrai que, parallèlement, et grâce à votre contribution, des solutions opérationnelles permettent de consacrer des moyens au financement de la transition énergétique et écologique. Ainsi, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, que nous vous proposons de reconduire, représente un effort de 1,4 milliard d'euros qui, en aidant les Français à rénover leur logement et à réaliser des économies d'énergie, vont directement dans leur portefeuille. Les collectivités territoriales, quant à elles, bénéficient directement du Fonds de transition énergétique dans le cadre des contrats de territoire à énergie positive. Enfin, les moyens financiers de Bpifrance, qui est la banque de la transition énergétique, et le programme des investissements d'avenir permettent aux entreprises d'investir. En outre, les tarifs de rachat, qui sont régulièrement publiés, et les appels à projets offrent à celles d'entre elles qui appartiennent au secteur des énergies renouvelables une sécurité pour investir dans les technologies du futur qui participent à la transition énergétique et écologique.

Depuis un an, beaucoup a été fait, grâce notamment à vos excellents travaux parlementaires. Je pense tout d'abord à la promulgation, le 17 août dernier, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nous donne une base opérationnelle pour agir. Je précise d'ailleurs que M. Šefčovič, vice-président de la Commission européenne à l'énergie, a très clairement indiqué que cette loi devait servir de modèle aux autres pays européens, la France étant le seul d'entre eux à avoir transcrit dans la loi ses Intended nationally determined contributions (INDC), c'est-à-dire les engagements internationaux qu'elle devra présenter lors de la conférence sur le climat. Le texte couvre en effet tous les aspects de la transition énergétique : efficacité énergétique, énergies renouvelables, économie circulaire, place des entreprises et des territoires. La France est également le seul pays à avoir inscrit dans la loi le prix du carbone, à hauteur de 56 euros la tonne en 2020 et de 100 euros la tonne en 2030. Or, dans le cadre de la préparation de la conférence sur le climat, tous les pays s'interrogent sur le prix du carbone. Même les entreprises, y compris celles qui produisent des énergies fossiles, demandent qu'un prix du carbone soit débattu et fixé lors de cette conférence, afin d'envoyer un signal fort et irréversible en matière de stratégie bas carbone. Enfin, je rappelle que la France est un des rares pays à avoir présenté sa stratégie bas carbone, adoptée par le Conseil de la transition énergétique, avec son mix énergétique.

Le débat parlementaire n'a, certes, pas été facile. Mais, parce que nous avions conscience, les uns et les autres, de notre responsabilité, nous sommes parvenus, malgré des positions parfois très divergentes selon la nature des diverses énergies, à adopter une loi, dont je précise que la moitié des décrets d'application seront prêts d'ici à la fin de l'année, pour l'ouverture de la conférence de Paris sur le climat. Surtout, nous avons d'ores et déjà mis en place le Fonds de transition énergétique, de sorte qu'à l'heure où je vous parle, plus de 400 contrats de Territoire à énergie positive ont été signés, par des élus de toutes sensibilités politiques du reste, ce qui est formidable. Il faut saluer l'imagination et la créativité des territoires et la prise de conscience d'une bonne articulation entre le local et les objectifs nationaux.

Les financements destinés à accompagner la mise en oeuvre de cette loi sont là : le CITE permettra, en lien avec l'ANAH, de soutenir la rénovation des logements des ménages modestes ; l'ADEME, qui va contribuer aux efforts d'économies par un prélèvement sur son fonds de roulement, verra néanmoins sa capacité d'engagement inchangée, puisqu'elle s'établit à 590 millions d'euros ; enfin, le Fonds de transition énergétique disposera de 250 millions d'ici à la fin de l'année. L'appel à projets « Villes et territoires à zéro gaspillage et zéro déchet » a reçu un écho très positif, si bien qu'un second appel à projets a été lancé. J'ajoute que vingt villes ont été candidates à un autre appel à projets intitulé « Villes respirables ». Il s'agit de communes de droite et de gauche – je tiens à le souligner, car je crois qu'il faut dépolitiser la transition énergétique. Les citoyens, les territoires s'en saisissent : nous avons besoin de tout le monde pour réussir la mise en place du nouveau mix énergétique.

Le soutien aux mobilités propres, dont la mobilité électrique, sera poursuivi, avec le maintien du bonus pour les véhicules électriques et l'extension de la prime à la conversion de 10 000 euros aux véhicules diesel de plus de dix ans.

J'en viens au volet fiscal des lois de finances. Vous avez adopté l'amorce de la convergence des fiscalités du diesel et de l'essence, et vous serez appelés à voter, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, une réforme de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui a un triple objet : sécuriser le financement de la transition énergétique grâce à un cadre juridique rénové, améliorer le contrôle parlementaire sur les ressources et les charges de l'électricité en les inscrivant directement dans le budget de l'État et poursuivre la trajectoire de progression de la composante carbone de notre fiscalité énergétique, ce qui permettra de renforcer le prix du carbone, de stabiliser la fiscalité de l'électricité en 2017 et de faire mieux contribuer les énergies fossiles au financement de la transition énergétique.

Cette réforme est essentielle, car elle mobilise, faut-il le rappeler, un effort public de 6,3 milliards d'euros en 2015, dont 4 milliards en faveur des énergies renouvelables. Cet effort sera porté à 7 milliards en 2016 et, potentiellement, à 7,5 milliards en 2017. Ces sommes, qui ne figurent pas directement dans le budget du ministère, sont trop souvent oubliées ; elles sont pourtant la preuve de l'effort financier considérable que nous consacrons à la transition énergétique.

Alain Vidalies aura l'occasion de revenir longuement sur la mobilité durable, qui concerne les infrastructures et les services de transport modernes. L'année 2016 confirmera la priorité donnée à l'amélioration de la qualité et de la sécurité. Suite à l'accord conclu le 9 avril dernier entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, celles-ci apporteront un soutien supplémentaire à la maintenance du patrimoine routier. Grâce aux discussions menées ces derniers mois, la polémique sur l'écotaxe est derrière nous. Nous avons trouvé, via la fiscalité du gazole et en accord la profession, un moyen simple et peu coûteux de faire contribuer le transport routier au financement des infrastructures. Ainsi, les moyens de l'AFITF permettront de couvrir près de 1,9 milliard d'euros de dépenses d'investissement, soit un niveau équivalent à celui de 2015.

Par ailleurs, nous continuerons de favoriser le rééquilibrage et la complémentarité des modes de transport. Alain Vidalies reviendra sur les actions menées en faveur du fret ferroviaire, du transport fluvial et maritime et du secteur de la logistique. Je rappelle, en outre, qu'entre 2015 et 2017, le Fonds de financement de la transition énergétique soutiendra le transport combiné à hauteur de 10 millions d'euros par an. Nous ne devons pas oublier, dans ce domaine, la promotion des mobilités actives : l'indemnité kilométrique vélo, votée dans la loi de transition énergétique, sera fixée à un niveau significatif de 25 centimes par kilomètre.

L'année 2016 sera également celle – vous avez été nombreux à m'interroger sur ce point – de l'adoption de la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – le texte sera examiné en première lecture au Sénat en début d'année – et de la création de l'Agence française pour la biodiversité, dont la préfiguration se poursuit de façon satisfaisante. Avec 276 millions d'euros, les moyens consacrés à ces actions sont en légère augmentation, de manière à accompagner l'adoption du projet de loi. L'accent sera mis sur les milieux littoraux et marins, avec la création de nouveaux parcs naturels marins, au Cap Corse et en Martinique, portant le nombre de ces parcs à dix ; rappelons que la France, grâce à l'extension récente du plateau continental, est devenue la première puissance maritime du monde. J'ai du reste prévu qu'une journée soit exclusivement consacrée, lors de la conférence de Paris sur le climat, à la question de l'océan.

Je m'aperçois en effet que les propositions de la France sont très attendues, qu'il s'agisse de l'exploitation durable des ressources considérables de l'océan, des énergies renouvelables liées à la mer et à l'océan ou de la prise en compte de la fragilité de ce milieu qui pâtit du réchauffement climatique ainsi que de l'acidification et de la montée du niveau des océans. Nous aborderons donc ces problématiques dans toutes leurs composantes, ce qui ne s'était jamais fait. Encore une fois, l'ensemble des pays à rivages et les États insulaires attendent beaucoup de la France en la matière.

Des moyens importants seront également affectés à la concrétisation de la trame verte et bleue. L'ensemble des schémas régionaux de cohérence écologique doivent être approuvés avant la fin de l'année : 66 millions d'euros seront consacrés aux parcs nationaux, 31 millions au réseau Natura 2000, 21 millions aux réserves naturelles nationales, 8 millions aux parcs naturels régionaux et 12 millions à d'autres actions liées à la trame verte et bleue. Cette politique, qui vise à assurer la continuité écologique sur le territoire national et la résilience des écosystèmes, revêt une importance particulière dans le contexte du changement climatique puisqu'ils en sont à la fois les victimes et la solution – je pense à la reconquête de la nature en ville.

Par ailleurs, les nouveaux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux pour la période 2016-2021 seront adoptés d'ici à la fin de l'année et permettront d'accentuer l'amélioration de la qualité des eaux ainsi que la restauration des zones humides et de s'adapter aux évolutions liées au changement climatique. Un prélèvement de 175 millions d'euros sur les agences de l'eau a été arbitré pour les années 2015-2017, mais il préservera, dans le cadre des dixièmes programmes, un niveau d'intervention ambitieux équivalent à celui des neuvièmes programmes.

Pour améliorer la qualité du cadre de vie, ce budget permet également de renforcer l'action en faveur des paysages, dans le cadre du plan d'action pour la reconquête des paysages que j'ai lancé, et de poursuivre leur protection grâce au classement de nouveaux sites, qui viennent s'ajouter aux sites déjà classés, lesquels couvrent désormais près de 2 % du territoire.

Un mot sur la prévention des risques, qui est d'une importance majeure, comme en témoignent les récentes inondations meurtrières dans le sud-est de la France : l'ensemble des crédits sont préservés.

La subvention attribuée à Météo France tient compte des gains de productivité permis par la réforme de son organisation territoriale et permet de maintenir un niveau d'investissement soutenu, indispensable pour continuer d'améliorer la qualité de la prévision. Les moyens de fonctionnement et d'investissement en lien avec la prévision ont été maintenus entre 27 millions et 30 millions d'euros par an.

Par ailleurs, je poursuis l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques autour des risques SEVESO, avec de nouvelles instructions ; 85 % d'entre eux sont aujourd'hui approuvés, et je viens de publier une ordonnance afin de simplifier et d'accélérer leur mise en oeuvre. Le plan national « santé environnement » sera également l'une des priorités de l'année 2016, avec la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens et la feuille de route sur l'économie circulaire, qui concerne aussi la santé publique.

En matière de sûreté nucléaire, monsieur Mariton, monsieur Goua, le Gouvernement continue d'augmenter les effectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire à hauteur de dix renforts par an, conformément à la programmation triennale. Les moyens de l'ASN et de l'IRSN sont par ailleurs préservés et les crédits globaux de prévention des risques maintenus. Le redéploiement de 20 millions d'euros s'explique par des facteurs techniques : d'une part, les délais de mise en oeuvre des plans de prévention des risques sont un peu plus longs que prévus, du fait de la conjoncture économique, qui ralentit les projets d'investissement des entreprises ; d'autre part, le changement de régime fiscal du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui n'a plus à collecter la TVA sur les subventions qu'il reçoit, explique une baisse cosmétique de 3 millions d'euros.

Il est proposé d'allouer, cette année, 1,4 milliard d'euros aux organismes de recherche pour faire progresser la connaissance, fournir les données nécessaires à l'éclairage des politiques et soutenir l'innovation. C'est un levier essentiel, notamment dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche énergétique. Les crédits du programme de recherche contribuent notamment au développement des nouvelles technologies en s'appuyant sur les compétences du Commissariat à l'énergie atomique, de l'IFP Énergies nouvelles ainsi que de l'Institut français des sciences et technologies des transports de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Cet institut, auquel sont attribués en 2016, 87 millions d'euros, est mobilisé sur des projets tels que la route dite de cinquième génération, c'est-à-dire la fameuse route solaire à énergie positive, sur laquelle la France est particulièrement en avance.

Enfin, le ministère poursuivra, en 2016, son effort de réduction des emplois : 671 emplois budgétaires seront supprimés, soit un taux de baisse de plus de 2 %, comparable à celui des établissements publics sous tutelle. Mais les actions d'intervention du ministère ne diminueront pas pour autant, grâce à une meilleure organisation – et j'en remercie les chefs de mon administration, ici présents, très engagés à la fois dans la rédaction et l'application des textes et dans la restructuration administrative du ministère. Un plan triennal de requalification des emplois de la catégorie C vers la catégorie B et de la catégorie B vers la catégorie A concernera 2 150 agents sur trois ans, dont 1 650 agents de la catégorie C.

En conclusion, dans moins d'un mois débutera la conférence de Paris sur le climat, et je remercie l'ensemble des parlementaires pour leur implication dans son organisation. Je souhaite vivement, mesdames, messieurs les députés, que vous fassiez partie de la délégation française : je vous adresserai sous peu une invitation afin que vous puissiez bénéficier des accréditations nécessaires pour pénétrer dans la zone bleue et me faire part de vos attentes et de vos souhaits à cet égard. Grâce à vos travaux, la France s'est dotée d'une législation très avant-gardiste que nous nous devons d'appliquer dans le cadre de ce projet de budget et des actions d'accompagnement que vous menez sur vos territoires. Conscients de la responsabilité qui nous incombe en tant qu'hôtes de la conférence, nous avons cherché à être exemplaires, et je crois que nous y sommes parvenus. Bien entendu, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le maintien du réchauffement climatique en deçà de deux degrés exigent un travail de longue haleine qui se déroulera sur plusieurs années. La France, qui fait figure d'exemple, a un message à diffuser au monde entier. Elle le doit aux actions qu'elle conduit dans le domaine de l'écologie, et je veux vous en remercier très chaleureusement, car je sais l'énergie que cela vous a demandée.

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