Intervention de Olivier Faure

Réunion du 5 novembre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Faure, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, et les services nationaux de transport conventionné de voyageurs :

La France accueillera, le 30 novembre prochain, la COP21. L'enjeu est de limiter l'augmentation de la température à deux degrés d'ici à la fin du siècle. Les transports publics ne représentant que 1 % du total des émissions de dioxyde de carbone produits en agglomération, la démonstration n'est plus à faire : il faut développer les transports collectifs.

Permettez-moi une considération, liée au débat actuel sur le code du travail.

Le législateur s'est beaucoup intéressé, au cours du XXe siècle, à la relation au travail, et il a eu raison. Je ne vous propose pas de rajouter quelques pages supplémentaires au code du travail, mais de prendre en considération une réalité devenue quotidienne pour de nombreux salariés, pour lesquels, avant ou après le travail, il y a le temps passé dans les transports. Il m'arrive trop souvent de rencontrer des salariés pour lesquels le temps de trajet est devenu équivalent au temps de travail !

C'est dire l'importance que nous devons accorder à cette mission pour assurer sécurité, régularité, ponctualité, accessibilité et confort minimum aux Français. C'est la condition d'une réduction drastique de la pollution, la possibilité d'ouvrir droit à une mobilité quotidienne de qualité ; bref, c'est l'intérêt de la planète, des salariés et des entreprises qui les emploient.

Le décor étant posé, venons-en à l'action 10 du programme 203, dont je suis chargé de rapporter les crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires.

Cette action est, sans mauvais jeu de mots, le « poids lourd » du programme : avec 2,48 milliards d'euros, elle concentre 77 % des crédits du programme et quasiment la moitié des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je tiens à exprimer ma satisfaction concernant la stabilité des crédits par rapport à 2015, stabilité résultant de la sacralisation du concours versé à SNCF Réseau pour la gestion de l'infrastructure ferroviaire, qui constitue l'exclusivité des crédits de l'action 10, suite à la suppression de la subvention budgétaire allouée à l'AFITF en 2015. Ces crédits permettront de poursuivre les opérations de modernisation et de maintenance du réseau tant attendues.

Mais un rapporteur qui ne s'inquiète pas est un rapporteur qui dort… Je tiens à vous faire part d'une certaine inquiétude à propos de l'AFITF. S'il faut se réjouir de la pérennisation de la nouvelle ressource provenant de l'attribution d'une part du produit de la TICPE, comment ne pas s'alarmer de voir cette dernière diminuer sensiblement à 715 millions d'euros, soit une baisse de 37,2 % par rapport à 2015 ? Le budget de l'agence n'atteint ainsi que 1,9 milliard d'euros, mettant en péril le financement du scénario n° 2 de la commission « Mobilité 21 », pourtant soutenu par le Gouvernement et hypothéquant le financement des engagements pluriannuels des nouveaux contrats de plan État région.

Dans ce contexte, j'avais déposé, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement visant à relever de 2 centimes d'euro supplémentaires par litre de gazole le niveau de TICPE applicable en 2016. Je l'ai retiré, suite au dépôt d'un amendement du Gouvernement prévoyant d'augmenter d'un centime d'euro le litre de gazole et de diminuer parallèlement d'un centime le prix de l'essence. Je me félicite de la convergence progressive de la fiscalité des carburants et du signal prix ainsi adressé au marché, qui met fin à l'incitation implicite des pouvoirs publics à rouler au diesel. Mais je m'interroge sur l'utilisation du solde de 245 millions d'euros résultant du différentiel entre consommation de diesel et d'essence.

Le Gouvernement a décidé d'affecter cette ressource à la neutralisation de la suppression de la demi-part des veuves, votée en 2008. Personne n'en contestera donc l'utilisation. Mais ne serait-il pas plus naturel de consacrer ces recettes de fiscalité écologique au financement d'alternatives à la voiture diesel ?

Si les annonces du Gouvernement ne sont pas contredites l'an prochain par une hausse soudaine du prix du baril, ne serait-il pas plus judicieux de consacrer les recettes tirées de la hausse progressive de la TICPE au financement, d'une part, de nos infrastructures de transports via l'AFITF, d'autre part, à l'augmentation du bonus écologique pour l'achat de véhicules propres ou à la création du crédit d'impôt pour l'adjonction de filtres à particules pour les particuliers qui n'ont pas les moyens de changer de véhicule ? Poser la question, c'est, d'une certaine façon, y répondre. Mais dans ce combat intragouvernemental et inter-administrations, vous avez, monsieur le secrétaire d'État, besoin de nous, et je tiens à vous assurer de mon soutien pour faire face à des forces qui ne sont pas celles du mal, mais qui sont parfois réellement obscures…

Par ailleurs, je me réjouis de l'accroissement des compétences dévolues à l'ARAFER – Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières –, suite à l'adoption de la loi pour la croissance et l'activité, qui va désormais permettre à cette agence de contrôler les pratiques des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Afin de mener au mieux ces nouvelles missions, l'Autorité a évalué à dix-sept le nombre d'équivalents temps plein qui devrait lui être alloué. Je note que le Gouvernement a déposé un amendement visant à relever de cinq équivalents temps plein le plafond actuel d'emplois. Lors de la discussion de cet amendement, je rappellerai les objectifs de l'ARAFER et les moyens qui doivent être dévolus à la mission.

Enfin, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par Philippe Duron sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire, qui a conduit le Gouvernement à dégager une feuille de route ambitieuse. En effet, l'État, autorité organisatrice des transports pour ces lignes, s'était trop longtemps désengagé et avait trop tardé à admettre que l'offre, extrêmement déficitaire, n'était plus adaptée aux besoins de mobilité actuels. C'est une part non négligeable des transports du quotidien et il fallait y venir.

Le renouvellement du matériel roulant est aussi urgent que nécessaire. J'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'État, dans quel cadre seront réalisés ces achats. Pour ma part, je considère qu'ils devraient être prioritairement réalisés sur la base du contrat cadre signé avec Alstom, car la multiplication des appels d'offres sur le matériel roulant constitue un motif de surcoût récurrent. Et quand l'État honore sa signature, c'est une garantie pour les industriels, qui se répercute à la baisse sur leurs prix, et inversement…

Monsieur le secrétaire d'État, plus, c'est mieux que moins, mais mieux n'est pas forcément synonyme de bien. Nous sommes donc pleinement à vos côtés pour que votre secrétariat d'État, qui est celui de la vie quotidienne, ait les moyens de nos ambitions partagées.

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