Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 5 novembre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Lorsque l'on parle de budget du transport, il faut avoir conscience que l'on évoque en réalité trois budgets différents : premièrement, le budget de l'AFITF, de 1,9 milliard, qui finance les grandes infrastructures en cours de réalisation, les études et les projets validés par la commission « Mobilité 21 » ; deuxièmement, le budget du ministère des transports proprement dit, d'un montant de 3,2 milliards, qui finance essentiellement l'entretien des réseaux ; troisièmement, le budget de la SNCF qui consacre environ 2,5 milliards d'euros par an à l'entretien du réseau ferroviaire.

Ces budgets sont-ils suffisants ? La réponse est clairement non. Leur faiblesse chronique menace dangereusement la qualité de notre réseau, fait peser des charges supplémentaires sur les contribuables et usagers ces prochaines années, voire ces prochaines décennies. Elle paralyse les projets d'investissements nouveaux pourtant promis et asphyxie davantage encore les entreprises du secteur des travaux publics qui ne voient toujours rien venir. Le bilan est désastreux.

Avec 1,9 milliard d'euros, le budget de l'AFITF ne permet pas d'engager quoi que ce soit de nouveau. On se consolera en constatant qu'on n'a pas sorti les dossiers des placards et qu'aucune dépense supplémentaire n'est par conséquent engagée. Mais lorsque l'on fera le bilan à la fin de votre mandat des grands projets d'infrastructures demandés par les territoires, mis à part le canal Seine-Nord et la liaison Lyon Turin, projet lui-même fortement contesté, votre bilan sera marqué par un vide spectaculaire. Pour 2016, il aurait été sage d'au moins retenir le scénario de notre collègue Philippe Duron, soit un budget à hauteur de 2,3 milliards d'euros de façon à constituer des réserves pour s'engager dans la réalisation des grandes priorités – noeud ferroviaire lyonnais, noeud ferroviaire marseillais, autoroute À 31. Ce ne sera pas le cas. Avec ce budget ridicule, il faudra aussi résorber une nouvelle dette de 700 millions de la SNCF. Quelles consignes allez-vous donner, monsieur le secrétaire d'État, autres que celle de faire de la cavalerie, c'est-à-dire de commencer à rembourser début 2016 et de faire traîner l'ensemble des autres factures, notamment celles des partenariats public-privé, tout au long de l'année 2016 ?

Il aurait été, me semble-t-il, d'autant plus prudent de commencer à augmenter le budget de l'agence qu'en 2017, les dépenses supplémentaires et obligatoires vont être spectaculairement plus importantes : 230 millions au titre des loyers des réalisations qui s'achèvent et 500 millions par an pour les premières tranches du tunnel Lyon-Turin et du canal Seine-Nord. La prochaine majorité devra-t-elle voter un collectif budgétaire sous forme de douche froide ?

Concernant le budget du ministère des transports proprement dit, sur un montant total de 3,2 milliards, 80 % sont consacrés à la SNCF dans le cadre de la compensation des péages. Parmi les 20 % restants, 320 millions vont à l'entretien des routes et 260 millions aux canaux. Il manque actuellement au moins 200 millions pour l'entretien de nos routes ainsi que le financement des petits projets. Le réseau national n'est plus correctement entretenu depuis plusieurs années et se détériore gravement. Outre les risques d'accidents, contenus par des limitations de vitesse désormais mises en place partout, signalons que la structure des chaussées se dégrade et que les observateurs considèrent dans leur ensemble que les travaux futurs seront d'un coût encore beaucoup plus élevé.

S'agissant des canaux, il manque au moins 30 millions d'euros pour leur entretien. La situation s'aggrave également depuis plusieurs années et beaucoup de nos canaux dits secondaires ne sont plus du tout entretenus. Que se passera-t-il en cas de grosses fuites ? Qui indemnisera les dégâts ? C'est un grand mystère. Je me suis rendu ces dernières semaines en bateau sur le canal de l'Est qui traverse une partie de mon département. Je vous invite à venir aussi, monsieur le secrétaire d'État : vous serez édifié !

Reste la SNCF. Elle consacre actuellement 2,5 milliards par an à l'entretien du réseau ferroviaire. Il est urgent de passer le plus rapidement possible à 3,5 milliards car le réseau lui aussi se dégrade. Il suffit de prendre régulièrement le train pour être confronté à des ralentissements, voire des arrêts liés au mauvais état des chemins de fer. Et je ne parle pas de l'abandon méthodique des voies de chemin de fer dites secondaires et de celles consacrées au transport de marchandises. Il est nécessaire d'autoriser la société nationale à augmenter la part de son budget consacrée à l'entretien du réseau. Ses dirigeants, me semble-t-il, le souhaitent, car ils craignent que leurs bilans se détériorent à la suite de la dévalorisation de leurs actifs. Bercy s'y oppose. Pourquoi ? Avez-vous la possibilité de nous l'expliquer, monsieur le secrétaire d'État ? La situation est grave. Il existe neuf catégories de réseaux selon le type de trafic : ceux des catégories de 7 à 9, c'est-à-dire les moins fréquentés, ne sont déjà plus entretenus ; sur ceux des catégories de 4 à 7, on considère que les trains pourraient encore circuler ces prochaines années, mais l'état des voies se détériore fortement.

Faute de temps, je n'évoquerai pas la résorption de la dette du réseau ferroviaire. Nous faisons confiance aux acteurs, mais il y a débat. Je n'ai pas le temps non plus d'évoquer la question des infrastructures du Grand Paris, question sur laquelle il y a beaucoup à dire. Je voulais conclure en vous faisant part de ma très forte inquiétude face à la paralysie du financement de nos infrastructures. Je ne comprends toujours pas la faute lourde qu'a constituée l'abandon de l'écotaxe, qui aurait permis de rapporter au moins 1 milliard par an, ni la grave erreur qui a consisté à ne pas augmenter la taxe sur les carburants alors que les prix sont historiquement bas.

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