Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 5 novembre 2015 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur Mariton, vous vous souciez de la cohérence du dispositif du bonus-malus. Je m'en suis déjà expliqué, mais je vous précise que je ne suis pas favorable à votre idée de taxer les utilisateurs de feux de cheminée…

S'agissant du grand projet ferroviaire du sud-ouest (GPSO), vous m'avez demandé quelle était la nature de la décision annoncée par le Gouvernement. Rappelons que ce projet comporte deux branches, l'une reliant Bordeaux à Toulouse, l'autre Bordeaux à Dax, qui ont fait l'objet de deux enquêtes publiques. Elles ont été menées en même temps, compte tenu de l'existence d'un tronçon commun d'une soixantaine de kilomètres. Le Gouvernement n'a pas choisi de se ranger à l'avis défavorable de la commission d'enquête publique et a jugé indispensable de poursuivre la procédure, comme il l'a annoncé dans les derniers jours du mois de septembre. Pourquoi à cette date ? Il fallait donner aux préfets un délai suffisant pour s'assurer que les documents d'urbanisme des communes concernées soient mis en conformité, étape nécessaire avant la parution du décret de déclaration d'utilité publique pris en Conseil d'État prévu au mois de juin 2016. Il s'agissait donc d'un rendez-vous incontournable, compte tenu du délai de saisine.

Sur le fond, les appréciations divergent. J'observe toutefois, monsieur Mariton, que les élus concernés, quelles que soient la taille de leurs collectivités, sont favorables dans leur quasi-totalité à ce projet : je ne connais pas un président de conseil régional, pas un président de conseil général, pas un responsable de communauté d'agglomération ou de grandes villes qui s'y soit opposé. J'ajoute que les chambres de commerce dans leur ensemble se sont aussi montrées favorables. Les « autorités » auxquelles vous avez fait référence sont peut-être d'une autre nature… qui ne relève en tout cas pas du cadre démocratique et institutionnel.

Les enjeux diffèrent selon la branche considérée.

Pour la liaison entre Bordeaux et Toulouse, la question se pose en termes simples : la quatrième agglomération de France doit-elle encore rester à l'écart d'une liaison à grande vitesse avec Paris ? Ce n'est pas l'avis des élus toulousains. Leur détermination à raccourcir le temps de trajet reste totale, quelles que soient les alternances locales.

Pour la liaison atlantique, l'enquête publique s'est arrêtée à Dax, ce qui, je vous le concède, n'est pas des plus rationnels : l'objectif est bien d'aller vers l'Espagne. Cette décision a été prise à un moment où l'opposition locale au pays basque était extrêmement forte, ce qui a conduit à procéder en deux temps. La façade atlantique peut-elle se priver d'une liaison à grande vitesse qui la mettrait en situation difficile par rapport à d'autres territoires, notamment notre façade Est ? Et quelle réponse apportera-t-on lorsque les liaisons à grande vitesse espagnoles arriveront à nos frontières à l'horizon 2019-2020 ?

Un élément important a conduit le Gouvernement à poursuivre la procédure : cette ligne a été validée parmi les projets que la Commission européenne estime prioritaires parmi les grands corridors qu'elle considère comme indispensables pour l'équilibre des territoires à l'échelle européenne. Preuve en est que la phase d'études, portant en particulier sur les maîtrises foncières, est subventionnée à hauteur de 50 % par l'Europe.

La question du financement mérite, à l'évidence, d'être posée, comme elle peut l'être pour l'ensemble des grands projets. Il serait dommageable que, le moment venu, les collectivités locales et l'État constatent qu'ils n'ont pas les moyens de financer ou qu'ils ne veulent pas trouver les ressources, car d'autres pays, notamment l'Espagne, les ont trouvés. La priorité aujourd'hui est de se mobiliser pour obtenir un maximum de participations européennes dans la mesure où la Commission l'a classé comme prioritaire.

Le Gouvernement a donc souhaité poursuivre le projet, mais probablement pas – la décision n'est pas encore prise – sous la forme juridique mise au point pour la liaison Tours-Bordeaux dont la mise en oeuvre pratique se révèle d'une complexité rare. En l'absence de financements publics majoritaires, mieux vaut ne pas inventer des systèmes qui produisent des intérêts contradictoires. J'espère que la bonne volonté de chacun permettra le démarrage des travaux de cette ligne à grande vitesse dans de bonnes conditions, qu'il s'agisse de la desserte ou du financement.

Pour répondre à votre question, monsieur Mariton, la décision du Gouvernement est créatrice de droit dans la mesure où conduit à poursuivre la procédure. Elle correspond à la volonté des élus locaux, toutes tendances politiques confondues, et à une volonté de l'Europe, des arguments qui ne me paraissent pas justifier une mise à l'écart du projet.

Je ne vais pas arbitrer – même si je suis un peu tenté de le faire – entre vos arguments, monsieur Mariton, et ceux de M. Pancher. Vous auriez bien des difficultés à vous mettre d'accord pour définir une politique : l'un considère qu'il ne faut rien dépenser, l'autre que l'on ne dépense pas assez ! Comment concilier vos points de vue ? Je gage qu'il vous faudra un temps de réflexion complémentaire pour y parvenir…

Je suis assez d'accord, monsieur Pancher, avec le constat que vous faites de l'état des réseaux routiers et ferroviaire. Pour le réseau ferré, j'ai dit l'an dernier que ma priorité était la maintenance, et je ne me suis pas contenté de le dire : parce que je tenais à ce que les crédits soient concentrés sur l'entretien, j'ai différé de deux ans douze grands projets d'investissements dans le ferroviaire, notamment de nouvelles gares – ce qui ne m'a pas valu que des félicitations. L'objectif global résultera de la négociation du contrat de performance en cours de discussion. Quand on parle de « maintenance », on confond parfois restructuration et entretien quotidien et, lorsque le réseau vieillit, des restructurations deviennent nécessaires car l'entretien quotidien ne suffit plus. C'est ce qu'il faut rendre possible. Le réseau doit avoir et des objectifs de productivité et financiers, mais aussi des moyens, y compris en personnels. Je rappelle que, dans le contexte budgétaire que l'on sait, le Premier ministre a tranché l'an dernier en faveur du recrutement de 500 emplois supplémentaires pour Réseau ferré de France et de 350 cette année. Cela signifie que les moyens humains, indispensables, seront là. C'est une première approche pour parvenir à ce que nous souhaitons tous les deux : un entretien plus performant du réseau ferré.

Cela vaut aussi pour le réseau routier. Il est de bonnes qualités, mais la maintenance quotidienne est indispensable pour ne pas dépasser la limite qui le ferait se trouver, même si comparaison n'est pas raison, dans la situation que connaît aujourd'hui le réseau ferré. Le budget est stable cette année, mais je rappelle que nous avons pu débloquer 100 millions d'euros en cours d'année pour permettre des travaux supplémentaires. Ils ont permis de relancer l'activité du secteur des travaux publics et de faire un peu plus pour l'entretien des routes.

Je ne puis vous laisser dire, madame Abeille, que les aides à la pêche manqueraient de transparence ; je m'inscris en faux contre cette affirmation injuste, d'autant plus inexacte que la politique de la pêche est pour 99 % une politique européenne, et que l'Union européenne n'est pas réputée pour ne pas contrôler les conditions dans lesquelles les engagements pris sont respectés. Non seulement le contrôle des pêches est fait, mais le contrôle européen du contrôle français des pêches l'est aussi – et ce contrôle est compliqué par l'interdiction des rejets de poissons en mer. Alléguer qu'il n'en serait pas ainsi, c'est faire un mauvais procès, et cela ne correspond en rien à l'investissement des comités des pêches, des pêcheurs français et de la Commission européenne. Je ne dis pas que la situation est idyllique – la discussion à venir sur les quotas sera compliquée – mais, en France, des pêcheurs se sont engagés dans la mise en oeuvre des objectifs de la nouvelle politique commune de la pêche qui, en visant le respect du rendement maximal durable en 2020 au plus tard, objectif déjà atteint pour 60 % des espèces, a été conçue pour que ce que l'on prélèvera une année n'affecte pas la ressource future. Vous devriez plutôt, madame Abeille, accompagner cette démarche ; le moins que je puisse dire est que je ne partage pas votre opinion.

Le modèle économique des autoroutes ferroviaires a longtemps été hésitant, monsieur le président Chanteguet. Outre que l'équilibre des comptes dépendait des subventions publiques, les discussions opposaient les partisans des autoroutes ferroviaires, où l'on met directement les camions sur les trains, aux tenants du transport combiné, c'est-à-dire de l'utilisation de conteneurs. Le modèle des autoroutes ferroviaires est en train de trouver son équilibre financier. L'équation est difficile à résoudre, et l'un des problèmes tient à la longueur des trains. Parce que l'on peine à équilibrer les comptes quand les trains sont longs de 750 mètres, certains envisagent des trains de 1 000 mètres, mais avec des convois de 850 mètres on parvient déjà à l'équilibre. C'est une bonne chose pour le report modal. Un nouveau service sera ouvert en janvier 2016 entre Calais et Perpignan, avec deux allers-retours quotidiens représentant le transport annuel de 40 000 semi-remorques sur un trajet de 1 500 kilomètres. C'est une nouvelle positive.

En revanche, j'ai été amené à stopper le projet d'autoroute ferroviaire Atlantique, pour lequel une concession avait été envisagée par l'État, en raison de sa localisation : l'implantation d'une plateforme en milieu urbain aurait eu pour conséquence que ces longs trains auraient bloqué deux passages à niveau en même temps, dix fois par jour pendant sept minutes dans l'agglomération de Bayonne… Les risques juridiques pour l'État étant considérables, nous avons décidé de ne pas persister dans ce projet. Mais l'Espagne entendant créer un terminal multimodal à Vitoria, de l'autre côté de la frontière, il n'y avait pas à faire preuve de nationalisme mal placé : j'ai rencontré fin juillet mon homologue Ana Pastor, et encore la semaine dernière à Bordeaux, avec le coordonnateur européen pour le corridor atlantique. Nous avons décidé de relancer le projet ensemble, avec le soutien de l'Union européenne. En résumé, une autoroute ferroviaire deviendra réalité en janvier et l'autre est relancée.

Un mot, aussi, pour vous dire que la Commission européenne a accepté que nous relancions « l'autoroute de la mer » entre Nantes et Vigo, trajet un peu différent de la ligne qui reliait précédemment Montoir-de-Bretagne à Gijón, fermée en raison de son déficit chronique. Peut-être la présence des usines Peugeot et le soutien de l'Union européenne permettront-il que ce très beau projet de report modal trouve, cette fois, son équilibre économique, seul moyen de pérenniser la ligne.

Le Premier ministre avait demandé à MM. Michel Destot et Michel Bouvard de cerner la faisabilité juridique et technique du financement du projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin dans les conditions prévues par la directive Eurovignette, qui autorise les États à percevoir des majorations de péages destinés à financer une infrastructure dans un périmètre défini. Leur travail remarquable alimente la réflexion du Gouvernement, mais aucune décision n'est encore prise à ce jour.

Je vous ferai transmettre, monsieur Duron, une réponse écrite sur la relance du programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres, le PREDIT.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion