Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le vote de cette loi de finances pour 2016 se fait dans des circonstances pour le moins exceptionnelles, gravissimes pour le pays. L’effroi, l’horreur, la barbarie viennent de frapper vilement la République en plein coeur. Le terrorisme, la lâcheté, viennent d’emporter d’innombrables vies innocentes, de meurtrir des familles. La tristesse, l’indignation sont en chacun de nous, pour longtemps.

Oui, notre pays a été attaqué lâchement ; oui, les défis auxquels nous devons faire face sont immenses ; plus que jamais, la République doit être forte et les Français unis, soudés, solidaires, car face à la terreur, le pire serait la division. Le pire peut arriver, mais aussi le meilleur, comme nous l’avons vu avec la formidable mobilisation de nos services de secours, de santé et de sécurité. Je tiens, une nouvelle fois, à leur rendre hommage.

Notre pays, notre peuple, ont surmonté bien des événements dramatiques au cours de leur histoire ; nous voyons aujourd’hui que notre pays aspire à plus de solidarité, au renouveau du vivre ensemble. La réponse de l’État doit être à la hauteur ; à l’évidence, cette réponse ne peut se faire qu’avec des moyens et des services publics consolidés, permettant à l’État d’accomplir ses missions essentielles : sécurité, éducation, justice, emploi, culture, cohésion sociale.

Après les événements de ce vendredi noir, la question de la sécurité est évidemment fondamentale. Nous ne pouvons plus continuer à affaiblir les effectifs de sécurité. Je rappelle que 13 700 emplois ont été supprimés entre 2007 et 2012, ce qui a mis à terre l’ambition d’une police et d’une gendarmerie de proximité. Je rappelle également la réorganisation permanente de l’administration des douanes et les 3 000 suppressions de postes que nous n’avons cessé de dénoncer, budget après budget. Les annonces faites par le Président de la République au Congrès vont assurément dans le bon sens, et nous espérons que ces engagements seront garantis dans le temps.

Mes chers collègues, l’unité nationale que nous devons à nos concitoyens sera d’autant plus forte qu’elle intégrera la diversité républicaine et son expression. Aussi, c’est à l’aune des valeurs de notre république – liberté, égalité, fraternité et laïcité – que les députés du Front de Gauche et du groupe GDR forgent leur appréciation sur ce budget. L’heure n’est pas aux disputes puériles ; elle n’est pas non plus à l’effacement de la diversité.

Les questions que nous nous posons aujourd’hui sont essentielles. Ce projet de budget pour 2016 est-il susceptible de répondre aux enjeux d’égalité, de solidarité et de développement de notre pays ? Peut-il répondre aux inquiétudes de nos concitoyens quant à leur sécurité, mais aussi à leur peur du lendemain, à leur crainte de la précarité et du déclassement ? Relève-t-il le défi de la cohésion nationale ? Redonne-t-il à l’expression populaire et aux choix souverains leur juste place face à une finance démesurée ? Nous avons noté que le renforcement des effectifs de sécurité sera fait en s’affranchissant des dogmes budgétaires de l’Europe qui ont fait tant de mal à nos peuples.

Quand neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté ; quand cinq millions d’entre eux sont inscrits à Pôle emploi ; quand de plus en plus de retraités fréquentent les associations caritatives ; quand nombre d’artisans et commerçants ne peuvent se verser un salaire, quand notre jeunesse n’a pas de perspectives, il est temps de déclarer la guerre aux inégalités, la guerre au règne et aux règles de la finance. À l’évidence, la riposte sécuritaire ne saurait suffire. Notre pays, la France, est grand non seulement par les valeurs universelles qu’il porte, mais aussi par ses réussites, sa vitalité culturelle, la force de ses territoires. Nous créons tant et tant de richesses qui devraient nous permettre de faire vivre la République et ses valeurs !

Malheureusement, une nouvelle fois, l’effort budgétaire sera ciblé quasi exclusivement au bénéfice des entreprises, avec des aides massives accordées sans sélectivité, sans contrepartie, dont les effets sur le chômage sont invisibles. Ce faisant, on continue d’assécher l’État et nos territoires, au détriment de l’emploi, des services publics, des investissements, bref, du lien économique et social local ! Disons-le clairement : c’est d’un pacte de fraternité dont nous avons besoin, en lieu et place du mal nommé pacte de responsabilité.

Les moyens existent : substituons aux 18 milliards d’euros annuels du CICE un grand plan de politiques publiques audacieuses au service de l’égalité des territoires, de l’éducation, de la solidarité et de la culture, qui sont les vrais remèdes contre l’obscurantisme. Regrettant que les conditions budgétaires soient loin d’être réunies pour garantir la cohésion et un avenir ambitieux et juste pour notre pays et sa jeunesse, les députés du Front de gauche voteront contre ce projet de loi de finances.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion