Intervention de Luc Belot

Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00
Dématérialisation du journal officiel de la république française — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, c’est un honneur d’accélérer le calendrier d’examen de ce texte puisqu’il s’agit de libérer la matinée de jeudi pour l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence. Je remercie ceux de nos collègues qui se sont investis sur ce texte d’avoir maintenu leur mobilisation et adapté leur agenda pour être présents dans l’hémicycle à cet instant.

Présentant au Premier consul le projet de code civil, Portalis indiquait que « dans un gouvernement, il est essentiel que les citoyens puissent connaître les lois sous lesquelles ils vivent et auxquelles ils doivent obéir. () Il est nécessaire que le peuple sache ou puisse savoir que la loi existe, et qu’elle existe comme loi ».

Faire connaître la loi, c’est le rôle du Journal officiel de la République française et l’esprit des deux textes, de loi et de loi organique, qui nous occupent aujourd’hui. Ces deux propositions s’inscrivent dans la logique qui prévaut depuis la création du Journal officiel en 1868 : d’abord, conserver les caractéristiques essentielles du Journal officiel de la République française et ensuite poursuivre l’ensemble du travail de connaissance de la loi, notamment autour des aspects dématérialisés.

Puisque, madame la secrétaire d’État, vous avez présenté l’essentiel du contenu de ces deux propositions de loi, je voudrais concentrer mon propos sur les modifications apportées par le Sénat.

Celui-ci a adopté un amendement permettant à tout administré de demander à l’administration communication sur papier de l’extrait concerné du Journal officiel de la République française, considérant qu’« un certain nombre de citoyens sont incapables de manipuler l’outil informatique, alors que d’autres, qui vivent dans des secteurs de notre territoire situés outre-mer ou dans l’Hexagone, n’ont pas accès à internet ou, en tout cas, ne disposent pas d’un débit suffisant. » J’ai eu l’occasion d’exprimer mes réserves tant vis-à-vis de ces arguments que quant au bien-fondé de l’ajout d’un tel alinéa.

La publication dans le seul format électronique constitue en effet un indéniable progrès par rapport au Journal officiel dans son format papier, qui n’est de fait disponible que moyennant un règlement de 360 euros, coût de l’abonnement annuel. Sous réserve d’avoir accès à l’Internet, les citoyens pourront disposer du Journal officiel de la République française et des versions consolidées des textes de manière permanente et gratuite, comme c’est le cas aujourd’hui dans ce format.

Le nombre d’abonnés au format papier n’a cessé de diminuer, passant de 43 450 exemplaires en 2000 à 2 261 en 2015, tandis que le nombre d’abonnés à la version électronique ne cessait de croître, atteignant presque 66 000 aujourd’hui. En outre, 97 % des abonnés à la version papier sont des professionnels, dont on peut légitimement penser qu’ils ont accès à internet. Il s’agit d’abonnements publics à 76 %, dont 90 % des collectivités territoriales ; environ 20 % sont le fait de personnes de droit privé, dont 3 % d’avocats, 4 % de notaires et 87 % d’entreprises. La dématérialisation du Journal officiel constitue donc déjà une réalité quotidienne.

Il reste aujourd’hui, sur tout le territoire, une soixantaine d’abonnés « physiques », dont rien n’indique d’ailleurs qu’ils ne disposent pas d’une connexion à l’Internet. En outre, l’argument tiré des besoins spécifiques de l’outre-mer ayant été évoqué au Sénat, il faut rappeler que la DILA n’y compte que huit abonnements, et aucun d’une personne physique. Il faut parallèlement insister sur les fonctionnalités de la version numérique en termes d’accessibilité pour les personnes handicapées.

Il existait dans la version du Sénat un vrai risque de détournement de ce nouveau droit à communication d’un extrait papier. Le sénateur Alain Richard a justement fait remarquer qu’il ne fallait pas minimiser le risque de campagnes de mobilisation, notamment sur l’Internet, tendant à adresser à l’administration des demandes outrancières de reproduction de telle ou telle page en milliers d’exemplaires, en vue d’épuiser ses ressources en papier et en temps de travail et de nuire au projet qui pourrait être concerné par ladite page. Cela pourrait notamment se produire à l’occasion de débats environnementaux.

L’amendement adopté par notre commission à l’initiative du Gouvernement apporte une vraie réponse aux craintes exprimées quant à ce risque de détournement de procédure. Je me suis donc rallié à cette solution de compromis, sans toutefois partager les raisons qui ont conduit le Sénat à adopter cet alinéa.

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