Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00
Prévention des risques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Monsieur le président, le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour procéder à la transposition de plusieurs directives et règlements issus de l’Union européenne, destinés à renforcer la protection face aux risques environnementaux.

Dans le cadre d’une loi de transposition des normes communautaires, notre marge de manoeuvre est réduite. Il n’est certes pas question de procéder à des « sur-transpositions » ou de légiférer en contradiction avec les normes européennes, mais vous n’êtes pas sans savoir que la France s’apprête à accueillir la COP21, et que notre pays se doit d’être un modèle et un moteur dans tous les domaines de la protection environnementale. Le contexte appelle tout notre bon sens et toute notre audace.

Il serait plus que souhaitable de profiter de l’occasion qui nous est offerte pour tendre avec ambition vers le « mieux disant environnemental », c’est-à-dire faire le choix de la solution la plus écologiquement intéressante et devenir le fer de lance de l’excellence environnementale, pour reprendre les termes du Président de la République. En outre, il serait bienvenu de profiter de l’examen du présent texte pour procéder à un renforcement opportun et significatif du principe de précaution.

Le groupe écologiste et moi-même sommes favorables à la majorité des transpositions qui nous sont proposées. Vous n’ignorez pas l’impact extrêmement néfaste de l’émission de gaz fluorés. Nous soutenons en conséquence la directive sur la baisse des gaz à effet de serre fluorés, dont la transposition a été enrichie à l’Assemblée : le montant de la sanction en cas de dépassement de quotas, fixé à 75 euros la tonne, pourra évoluer corrélativement à l’évolution de la composante carbone de la TICPE, pour laquelle la loi sur la transition énergétique fixe une trajectoire à 100 euros en 2030. Nous nous en félicitons.

Le groupe écologiste et moi-même ne sommes toutefois pas entièrement en accord avec la façon dont le texte traite la problématique de l’utilisation des biocides.

L’alinéa 15 de l’article 15 permet au ministre de l’écologie d’autoriser les biocides interdits préalablement par l’Union européenne, et cela nous paraît contradictoire avec l’esprit du texte et certaines de ses dispositions. Nous avons souhaité restreindre et conditionner cette possibilité à des situations de péril imminent pour les êtres vivants et les végétaux : cet amendement va dans le bon sens, et nous nous en félicitons.

Néanmoins, nous aurions voulu qu’une évaluation des risques permette de faire émerger un tel péril imminent. Associer le Parlement à cette démarche aurait donc relevé du bon sens, même s’il est question de situations d’urgence. Une solution aurait consisté à former un organe parlementaire mobilisable à tout moment pour y procéder.

Je ne peux également m’empêcher de vous faire part de mon étonnement à propos de l’abandon du contrôle des biocides avant leur utilisation.

Sur ce point, le projet de loi se place aux antipodes de la prévention des risques écologiques avec le régime transitoire qu’il souhaite mettre en place. Alors que la logique voudrait que le contrôle des biocides avant leur utilisation soit renforcé, le texte supprime toute vérification des risques toxicologiques et écotoxicologiques dans le régime transitoire.

Il est prévu qu’un nouveau régime de contrôle soit instauré à la suite des conclusions européennes sur le sujet, mais celles-ci sont attendues au plus tôt pour l’année 2018. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre aussi longtemps. Il est inconcevable de ne pas contrôler les industries et leur utilisation des biocides pendant plusieurs années : la pratique nous montre bien trop souvent que le manque de contrôle provoque des catastrophes aux conséquences irréversibles. Nous les avons tous en tête.

J’aimerais donc interpeller encore une fois le Gouvernement, monsieur le ministre, sur l’absence d’un quelconque contrôle sur les biocides avant leur utilisation et leur mise sur le marché, et vous alerter sur les dérives irrémédiables que susciterait l’absence de contrôle.

C’est sur la question des organismes génétiquement modifiés que les interrogations des écologistes sont les plus fortes. Je ne pourrai pas vous faire part de toutes nos inquiétudes, mais souhaiterais porter deux problèmes à votre connaissance.

La directive OGM ou 2015412 permet un régime d’autorisation à la carte à travers les pays de l’Union. Les écologistes souhaiteraient une politique européenne harmonisée et intégrée sur le sujet, notamment à l’échelle continentale. En effet, un risque important de contamination transfrontalière des champs nous guette, et nous devons être vigilants.

À ce sujet, et nous le répétons, la commande d’un rapport au Gouvernement sur ces différents risques de contamination nous paraît nécessaire, et ce même si nous attendons un avis du Haut conseil des biotechnologies prochainement. Nous insistons sur ce point.

Nous aurions soutenu un texte prévoyant l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM. Près de 80 % de l’alimentation des élevages est constituée d’OGM. Les consommateurs l’ignorent totalement, et ne sont donc pas en capacité de se positionner de manière éthique, contrairement à ce qu’ils peuvent faire pour les autres produits contenant des OGM. Outre le fait que le risque sanitaire est avéré, nous voudrions insister sur le fait qu’un tel étiquetage est réclamé par près de 200 000 citoyens, dont de nombreux agronomes, qui ont signé la pétition « Consommateurs, pas cobayes ! ».

Le Gouvernement a estimé qu’un tel débat n’était pas opportun lors de l’examen du présent texte. L’argument avancé était que l’étiquetage était un aspect entièrement réglé par le droit communautaire. Mais dès lors que nous avons des législations différenciées en Europe, il serait logique que l’étiquetage soit lui aussi adapté aux choix nationaux. Nous estimons qu’il aurait été cohérent, dans l’esprit du texte, d’insérer de telles dispositions, tout comme d’associer de façon plus large le public aux projets d’autorisation de mise en culture.

À l’heure où nos concitoyens sont dans l’angoisse pour leur sécurité face à un terrorisme barbare, il importe de les rassurer sur nos activités industrielles, et plus particulièrement sur l’exploitation d’hydrocarbures et le stockage souterrain de gaz. Nous devons dépasser le seul argument administratif, celui du coût, et nous montrer plus exigeants. Nous vous suivons sur ce point.

Malgré le fait que le présent texte nous paraît à bien des égards aller dans le bon sens, le volet relatif aux OGM suscite chez les écologistes des inquiétudes qui ne sont pas encore levées. En conséquence, le groupe écologiste et moi-même avons choisi de nous abstenir sur le texte de la commission mixte paritaire.

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