Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 18 novembre 2015 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

À la suite des attentats coordonnés ayant frappé Paris vendredi dernier, l'état d'urgence a été déclaré par décret pris en Conseil des ministres à l'initiative du Président de la République. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, la gravité de ces attentats, leur caractère simultané et la permanence de la menace établie par les indications de nos services de renseignement ainsi que le contexte international justifiaient pleinement cette décision.

L'état d'urgence donne aux autorités administratives des moyens d'action supplémentaires pour lutter contre les menaces terroristes. Les préfets ont ainsi la possibilité de prévenir la commission de nouveaux actes par des perquisitions administratives dans les domiciles à toute heure du jour et de la nuit. Ils peuvent également agir sur les rassemblements sur la voie publique ou dans les lieux publics, en prononçant la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boisson ou lieux de réunion de toute nature, ainsi qu'interdire des réunions dans le but de préserver l'ordre public et de protéger les populations. Le ministre de l'Intérieur peut, en outre, assigner à résidence des personnes considérées comme représentant une menace terroriste.

Ces outils ont été pleinement utilisés, depuis vendredi, par le Gouvernement et les autorités administratives, et ils ont vocation à continuer de l'être dans les semaines qui viennent. Le maintien de la menace à un niveau inédit sur l'ensemble du territoire national justifie la prorogation de l'état d'urgence au-delà des douze jours relevant de la décision du Conseil des ministres. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutient bien évidemment la demande du Gouvernement de proroger de trois mois l'application de la loi du 3 avril 1955.

Il est également apparu nécessaire d'adapter et de moderniser immédiatement certaines dispositions de cette loi, d'une part, pour s'assurer de leur parfaite efficacité dans la lutte contre les menaces nouvelles et, d'autre part, pour garantir que les mesures mises en oeuvre sous l'empire de ce régime juridique pourront faire l'objet d'un contrôle juridictionnel effectif.

Des améliorations sont ainsi proposées s'agissant du régime des assignations à résidence, qui constituent un outil puissant pour surveiller, contrôler et isoler les individus radicaux. Des modifications sont également proposées en matière de perquisitions administratives. En 1955, en effet, les ordinateurs n'existaient pas. Or, aujourd'hui, les terroristes usent quotidiennement d'internet et des téléphones portables pour communiquer. L'autorité administrative doit être en mesure de perquisitionner ces données. Par ailleurs, lutter concrètement contre le radicalisme, l'extrémisme, suppose de pouvoir agir sur ses lieux et vecteurs de propagation et donc de pouvoir dissoudre les associations ou groupements de fait qui les constituent.

Moderniser l'état d'urgence, c'est aussi l'adapter aux exigences modernes en matière de droit au recours. En effet, nous voulons agir de manière pragmatique, sans faiblesse, et donner de la vélocité à nos services au moyen d'outils adaptés, mais nous sommes attentifs à ce que ces procédures soient respectueuses, malgré leur cadre exceptionnel, des règles de notre État de droit.

Enfin, je souhaiterais évoquer une interrogation partagée par de nombreux membres de notre groupe concernant les mesures de la loi de 1955 permettant « d'assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». Le projet de loi supprime ces possibilités, pour des raisons qu'a exposées le ministre. Les temps ont évolué, et il ne s'agit pas, pour nous, de prôner la censure ou d'interdire la diffusion du « Déserteur » de Boris Vian sur les ondes de la radiotélévision française. Toutefois, nous nous interrogeons – comme le Conseil d'État, semble-t-il – sur la pertinence d'une forme d'amoindrissement des possibilités, pour l'autorité administrative, de contrôler, non pas la presse libre, mais les sites, blogs ou expressions de nature à inciter à la haine ou faisant l'apologie de ce que, précisément, l'état d'urgence a vocation à mieux combattre. Des amendements ont donc été déposés en ce sens. Nous avons pleinement conscience de l'impérieuse nécessité de trouver le bon équilibre, afin que les deux chambres soient en situation politique de voter le texte dans les mêmes termes d'ici à vendredi soir. Mais il serait, selon nous, opportun d'apporter, d'ici à l'examen du projet de loi en séance publique, une réponse adéquate à cette préoccupation.

C'est dans cet esprit de responsabilité et de détermination que le groupe SRC apporte tout son soutien au projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.

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