Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du 18 novembre 2015 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Au nom du groupe Les Républicains, je formulerai trois séries de remarques.

Premièrement, nous approuvons – le président de notre groupe l'a dit au Congrès – le fait que l'état d'urgence ait été déclaré par le Président de la République pour faire face au péril imminent auquel notre nation est confrontée comme nous approuvons l'adoption prochaine par notre Parlement du projet de loi prorogeant l'application de l'état d'urgence. Il est pertinent de chercher à améliorer les dispositions de la loi de 1955 pour les rendre plus efficaces et donner, par des moyens juridiques adaptés, des instruments au corps préfectoral et aux forces de l'ordre. Nous participons aux débats en commission et en séance publique avec une seule préoccupation : que le dispositif adopté soit le plus opérationnel possible pour répondre aux nécessités de l'instant.

Deuxièmement, je soulignerai que les travaux que nous menons renforcent le texte de 1955 au plan constitutionnel. Nous avons lu l'avis rendu par le Conseil d'État. Il est très important de rappeler ici qu'en 1985, le Conseil constitutionnel avait déjà jugé que la loi de 1955 n'avait pas été abrogée par la Constitution de 1958 et qu'en 2006, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, dans l'arrêt Robin, avait jugé que cette même loi était compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Au fond, tout cela est normal. L'état d'urgence, tel qu'il a été conçu en 1955, est totalement cohérent avec la théorie du droit public à la française, notamment la théorie des circonstances exceptionnelles qui a été dégagée à la fin du XIXe siècle et qui s'est développée tout au long du XXe siècle.

Ce rappel ne relève pas seulement de la doctrine. Il est important de souligner que loin de déroger à l'État de droit, nous le confortons : l'État de droit doit être fort ; s'il ne l'est pas, il n'y a plus d'État, il n'y a plus de droit, et c'est la loi de la jungle djihadiste qui l'emportera.

J'en viens à une troisième série de remarques, de nature plus technique, sur les modifications dont nous sommes saisis.

La première porte sur le régime des perquisitions. Je ne pense pas qu'il soit impératif d'amender le texte sur ce point, même si nous prenons en compte les interrogations que formule le Conseil d'État dans son avis sur les saisies administratives et leur articulation avec les dossiers judiciaires.

La deuxième se rapporte au régime de l'assignation à résidence. Nous sommes convaincus, comme divers membres du parti Les Républicains ont eu l'occasion de le souligner, que la responsabilité première des pouvoirs publics est de tout faire pour neutraliser, c'est-à-dire mettre hors d'état de nuire, les individus qui veulent détruire notre société en portant très gravement atteinte à l'ordre public. Pour cela, il faut utiliser à plein le régime de l'assignation à résidence, régime de police administrative que la loi de 1955 prévoit. Nous constatons, pour nous en réjouir, que le présent projet de loi renforce très significativement les contraintes pesant sur les individus faisant l'objet d'une assignation à résidence.

Je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous preniez en compte la lecture que nous faisons de la nature des lieux qui pourront être fixés par le ministre de l'Intérieur pour l'assignation à résidence. Nous considérons qu'il peut s'agir de tout lieu, et pas seulement du lieu du domicile ab initio. Il est essentiel de le préciser car nous voyons bien ce que cela implique en pratique : la possibilité d'écarter les personnes concernées de leur résidence habituelle.

Les dispositifs de pointage que vous proposez sont très importants. Nous nous interrogeons toutefois sur deux points précis, qui font l'objet d'amendements déposés par notre groupe.

L'article 4 prévoit expressis verbis que le ministre de l'Intérieur pourra décider d'assigner un individu à résidence dans la limite de huit heures par vingt-quatre heures. Nous nous interrogeons sur la pertinence d'une telle limitation car elle signifie que pendant les seize heures restantes, la personne concernée pourra être ailleurs que dans le lieu fixé pour l'assignation à résidence. C'est la raison pour laquelle nous défendrons un amendement visant à supprimer cette limitation, en étendant la durée de l'assignation à vingt-quatre sur vingt-quatre, dans certains cas et sous le contrôle du juge administratif saisi en référé.

Nous défendrons un autre amendement, qui vise à donner au ministre de l'Intérieur la faculté d'assortir l'assignation à résidence d'un placement sous surveillance électronique afin de contrôler plus étroitement les déplacements de l'individu concerné. Ce serait une disposition inédite car nous savons qu'en dehors du cadre de l'état d'urgence, le placement sous surveillance électronique appartient à la sphère judiciaire et qu'il est considéré dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale comme une mesure alternative à l'incarcération et même à la détention provisoire, s'agissant de prévenus faisant l'objet d'une mise en examen, comme le prévoit la loi pénitentiaire de 2009.

Ma troisième remarque technique porte sur la procédure de dissolution des groupements et associations. Le Gouvernement a raison de prévoir une accélération de cette procédure remontant au vieux décret-loi de 1936, codifié dans le code de la sécurité intérieure, qui permet de dissoudre les ligues, les groupes armés, les associations ou groupements de fait incitant à la haine, à la violence, au terrorisme. Le dispositif que vous proposez est pertinent et il aura des effets – j'appelle votre attention sur ce point – après la fin de l'état d'urgence puisqu'il n'est pas question de permettre au groupe ou à l'association ayant fait l'objet d'une dissolution de se recréer. Nous présenterons néanmoins un amendement pour que cette procédure soit la plus effective possible, en nous rangeant à l'avis du Conseil d'État, qui a considéré qu'une seule des deux conditions cumulatives prévues par le Gouvernement était suffisante. Une association participant à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public peut être dissoute sans qu'il soit nécessaire de prouver que, par ailleurs, l'un de ses membres fait l'objet d'une assignation à résidence.

Quatrième remarque : le ministre de l'Intérieur a évoqué les expulsions administratives ; or je ne crois pas avoir vu dans le texte de mesures visant à faciliter ces expulsions pour motif de troubles à l'ordre public, sous l'empire de l'état d'urgence. Pourrais-je avoir des précisions à ce sujet ?

Dernière remarque : nous proposons dans un amendement que, pendant que l'état d'urgence s'applique, les fonctionnaires de la police nationale puissent être autorisés par le ministre de l'Intérieur à porter leurs armes en dehors de leurs heures de service.

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