Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 19 novembre 2015 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Ce faisant, nous avons achevé l’oeuvre de François Mitterrand et de Robert Badinter. Ce dernier, dès le 17 juillet 1981, pour sa première prise de parole devant l’Assemblée nationale en qualité de garde des sceaux, avait défendu la suppression de la Cour de sûreté de l’État. Un an plus tard, la loi du 21 juillet 1982, présentée par le même ministre de la justice, supprimait les tribunaux permanents des forces armées. En quelques mois, la majorité d’alors rejetait avec raison les stigmates d’une époque révolue où l’arbitraire pouvait passer pour une marque de volonté politique.

Il restait une scorie, que les drames d’aujourd’hui nous permettent de faire disparaître à jamais. Les arguments utilisés à l’époque résonnent toujours aujourd’hui avec une force particulière. Robert Badinter stigmatisait une « justice politique permanente d’exception », une « intrusion intolérable du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire » et l’institutionnalisation de l’exception. Le rapporteur Philippe Marchand ajoutait d’ailleurs des arguments d’inconstitutionnalité. On ne peut que souscrire à ce raisonnement qui, trente-cinq ans plus tard, reste toujours aussi pertinent.

La démocratie, c’est aussi un chemin et toutes les raisons du monde ne parviendront jamais à expliquer qu’on laisse des militaires juger des civils en temps de paix. C’est précisément parce que nous souhaitons non pas créer un régime d’exception mais doter l’État d’armes à usage exceptionnel que nous devions supprimer cet archaïsme.

Troisième et dernier point : en confiant des pouvoirs renforcés au pouvoir exécutif, le Parlement va parallèlement décider d’accroître sa capacité de contrôle.

La place des assemblées fut un sujet évoqué dans cet hémicycle lorsque fut également instauré l’état d’urgence en 1985 puis en 2005. Les parlementaires avaient réclamé en 1985 de jouer un plus grand rôle et avaient réitéré leur voeu vingt ans plus tard. À chaque fois, le Gouvernement s’y était montré favorable, mais les textes adoptés le 25 janvier 1985 et le 18 novembre 2005 n’en portaient que très marginalement la trace. Tel ne sera pas le cas du présent texte.

Nous nous montrons en effet beaucoup plus ambitieux. Sur ma proposition, la commission des lois a unanimement adopté un amendement installant le Parlement comme autorité de contrôle durant toute la durée de l’état d’urgence.

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