Intervention de Denis Jacquat

Séance en hémicycle du 23 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre nation, nous nous devons d’être solidaires. C’est dans cet esprit de cohésion que je vous proposerai, mes chers collègues, de rétablir l’article 38 de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui fixe les objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour 2016 et que le Sénat a supprimé, en cohérence avec la suppression des articles d’équilibre qui conditionnent l’ensemble des recettes et des dépenses.

Mais cet esprit de rassemblement autour de ce qui fait notre modèle social ne doit pas nous faire oublier que les enjeux de santé et de sécurité au travail sont trop rarement abordés dans cet hémicycle. À cet égard, je ne peux que regretter que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 ne comporte toujours aucune mesure nouvelle concernant la couverture du risque accident du travail et maladie professionnelle – AT-MP.

Les auditions que j’ai menées en septembre dernier m’ont néanmoins permis d’identifier les sujets de préoccupation des partenaires sociaux, des associations représentant des accidentés du travail et des victimes de l’amiante ainsi que des représentants d’organismes institutionnels ou juridiques. J’ai alerté le Gouvernement sur ces sujets de préoccupation.

J’ai obtenu de Mme la ministre un certain nombre d’assurances en première lecture, notamment celle que la réforme des juridictions sociales ne modifierait en rien les principes qui régissent ces juridictions, à savoir la gratuité de la procédure et l’échevinage dans la composition des juridictions. Je vous en remercie, madame la ministre.

Pour ce qui est du versement dû à la branche maladie par la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles, vous m’avez renvoyé, madame la ministre, au rapport de la commission présidée par M. Jean-Pierre Bonin, qui, bien qu’élaboré en juin 2014, n’a été publié qu’en septembre 2015 sur le site Internet de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

Cela ne suffit pas, madame la ministre, à apaiser ma crainte de ce que le décuplement du montant de ce versement, qui est passé d’environ 100 millions d’euros en 1997 à un milliard d’euros dans les projets de financement de la Sécurité sociale pour 2015 et 2016, ne siphonne la branche AT-MP au point de menacer la logique assurantielle sur laquelle elle repose.

Ce risque est d’autant plus grand que l’annexe B du présent projet de loi organise en outre un transfert de cotisations de 0,05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général en 2016 et en 2017, afin d’améliorer le solde de la branche maladie de 250 millions d’euros pour chacune de ces deux années, soit 500 millions d’euros au total.

Si, malgré cette nouvelle ponction, le solde de la branche AT-MP devrait rester excédentaire en 2016, il devrait cependant se réduire pour atteindre 525 millions d’euros, alors qu’il était de 691 millions en 2014, ce qui représente une baisse de près de 25 %.

De telles mesures peuvent être fort décourageantes pour les partenaires sociaux, car la situation excédentaire de la branche AT-MP est le fruit d’importants efforts de restructuration ainsi que de réformes de la tarification et des processus d’instruction des dossiers.

Nombre des organisations que j’ai entendues ont fait part de leur crainte que la branche AT-MP ne devienne une variable d’ajustement pour combler les déficits de la branche maladie. Je partage cette crainte et leur souhait que les excédents de la branche AT-MP soient mobilisés à des fins autres que le versement de sommes à la branche maladie au titre de la sous-déclaration.

Ces sommes devraient être plutôt affectées à l’amélioration de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui fera, je l’espère, l’objet de mesures pertinentes et efficaces dans le cadre du projet de loi que la ministre du travail, Mme Myriam El Khomri, devrait présenter au début de l’année prochaine.

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