Intervention de Élie Aboud

Séance en hémicycle du 24 novembre 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlie Aboud :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’adresser un message d’admiration et de soutien, comme vous l’avez fait, au corps médical, au corps soignant et à toute cette chaîne de soin dans notre pays. Leur courage, leur professionnalisme et surtout leur disponibilité méritent d’être salués par les représentants du peuple que nous sommes.

Permettez-moi aussi, madame la ministre, de remercier toutes les organisations médicales, syndicats, ordres ou autres ayant arrêté leur mouvement de grève malgré leur profonde colère. Je veux saluer ici leur dignité. Nous restons, madame la ministre, profondément solidaires de leurs préoccupations et de leurs angoisses.

J’aurais préféré aborder ce débat dans un contexte plus serein, moins tendu, mais le Président de la République l’a dit lui-même : la vie continue – et quel joli mot, la vie, quand on parle d’une loi santé. Je serai certainement mesuré et respectueux dans mes propos madame la ministre, vu le contexte actuel, mais profondément en désaccord avec ce que vous nous proposez.

Quand on demande aux citoyens français quelles sont leurs attentes et leurs préoccupations en matière de santé publique, leur réponse est simple, évidente et remplie de bon sens : ils veulent des médecins, des pharmaciens, des dentistes et des infirmières, partout sur le territoire. Or, quand un gouvernement propose ce qui est supposé être la grande loi du quinquennat pour la santé et que cette question n’y est même pas abordée, c’est que, madame la ministre, il y a au minimum une incompréhension, au pire une profonde insuffisance.

Je saluais tout à l’heure la dignité du corps médical et paramédical, mais je veux aussi être solidaire de leur cause. On ne peut pas, madame la ministre, avoir raison seul contre tous. Le corps médical est blessé, il ne comprend pas ce qui a justifié cette décision. Ils ne comptent pas leurs heures, ils sont dévoués et on est en train de les déresponsabiliser, en les mettant sous tutelle administrative, eux qui ont tellement le sens du devoir et du service.

Les premières victimes de ce texte demeurent bien évidemment les médecins. Comment peut-on si peu les considérer qu’on leur impose des réformes dont, à l’unanimité, ils ne veulent pas ? Comment construire une politique de santé sans eux ? Comment les obliger à consacrer une grande partie de leur temps à des tâches administratives chronophages ?

En fait, au-delà de cette déresponsabilisation, nous sommes en train de compliquer leurs tâches, en y ajoutant un temps administratif qu’ils sont incapables d’assumer aujourd’hui vu leur surcharge de travail. Vous touchez là, madame la ministre, à un sujet ultrasensible dans notre société : quand tous les médecins nous demandent de rester vigilants et de ne pas menacer leur quotidien, c’est bien qu’ils ont des raisons d’avoir peur.

En réalité, ce texte cumule les inconvénients : non seulement, il n’apporte aucune solution aux nombreux problèmes que connaît aujourd’hui le monde de la santé, mais il en ajoute de nouveaux, comme l’infantilisation généralisée des patients et des personnels soignants, avec cette généralisation du tiers payant. C’est totalement déresponsabilisant. Il n’est pas vrai qu’une large concertation a préexisté à l’élaboration de ce texte. Demandez donc aux médecins, aux infirmières, aux kinésithérapeutes et à tous les autres s’ils ont l’impression d’avoir été écoutés. Évidemment non !

En revanche, le texte est plutôt pauvre en idées nouvelles. L’accès aux soins, quoi que l’on fasse, demeurera insuffisant tant que l’on n’arrivera pas à remplacer les cohortes de généralistes qui s’en vont. La politique antialcoolisme se noie dans un verre d’eau, celle contre le tabac tue à petit feu nos buralistes.

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