Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 24 novembre 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, alors que le pays était ébranlé par des actes terroristes violents et atroces, nous avons constaté la réactivité professionnelle de tous les acteurs de santé, qu’ils soient urgentistes, médecins, chirurgiens publics comme libéraux. Paradoxalement, cette situation se superpose avec la colère que ceux-ci manifestent à l’encontre de ce texte.

Il est regrettable, madame la ministre, de ne pas avoir reporté cette nouvelle lecture à une date ultérieure, comme nous vous le demandions.

Dans sa sagesse, le Sénat a voté une version amendée du projet de loi issu de l’Assemblée nationale au mois d’avril dernier, laquelle nous convenait.

La CMP, bien entendu, n’a pas trouvé d’accord sur un texte consensuel.

Notre commission, quant à elle, a étudié à marche forcée et au galop environ 700 amendements dont le seul but était de détricoter le texte sénatorial. Elle a aussi été asphyxiée par des textes différents examinés à la hussarde, que ce soit le projet de loi santé, la proposition de loi sur la protection de l’enfance ou, encore, le PLFSS, examiné en deux heures. Les parlementaires et les administrateurs de cette commission – que l’on doit remercier – ont dû travailler jour et nuit.

Comment le Gouvernement peut-il être satisfait de son travail ? Le Premier ministre a programmé une grande conférence de santé le 11 février prochain, dont on sait déjà qu’elle sera boycottée par les principaux intéressés.

Votre loi « santé » a cristallisé les mécontentements tous azimuts. Même le conseil national de l’Ordre des médecins, lors de son assemblée générale, a appelé l’attention du Premier ministre sur les risques d’un texte inspiré par la philosophie d’une médecine administrée, sans contre-pouvoirs dans les régions.

Légiférer d’abord, ouvrir le dialogue ensuite, c’est un vrai gâchis que vous orchestrez. Le front unique créé par les syndicats professionnels pourrait certainement se prolonger dans le champ conventionnel qui doit s’engager dès le début de l’année prochaine.

Souvenez-vous, ici, en première lecture, le texte est passé de 57 à 210 articles. Le rapporteur du Sénat l’ayant jugé obèse, il a maigri et a été remanié profondément par la Haute assemblée. En particulier, vos marqueurs idéologiques tels que le tiers payant généralisé obligatoire et la création du paquet neutre avaient disparu. Ils ont été cependant bien vite remis sur le tapis par voie d’amendements socialistes, à l’Assemblée, en commission.

Rarement une décision gouvernementale n’a suscité autant d’incompréhension de la part des professionnels concernés, car cette modification en profondeur du système de santé de médecine de ville n’est étayée par aucun argumentaire probant et n’est en aucun cas réclamée par les assurés sociaux, ni même par les organismes d’assurance maladie.

Vous manipulez l’opinion avec des sondages réalisés à la va-vite en laissant croire que ce sera du « tout gratuit ». C’est une erreur dogmatique. Chaque professionnel de santé a compris que le but véritable du tiers payant généralisé est de rendre les libéraux concernés et l’assurance maladie directement dépendants. Les organismes pourront alors moduler les montants suivant des critères qui échappent au partenariat contractuel conventionnel.

Autre incompréhension, cette fois entendue dans le monde des buralistes, ces commerces de quartier comme des territoires ruraux : ils estiment être en danger de mort parce que vous passez outre la directive européenne que vous avez signée, qui a été acceptée par tous les pays, pour proposer le paquet neutre, dont l’efficacité est encore douteuse.

Lors de la discussion, ces prochaines heures, nous aurons l’occasion de contester aussi les points importants de l’organisation des communautés territoriales professionnelles, des groupements hospitaliers de territoire et des services publics hospitaliers, qui excluent les établissements privés et qui manquent de souplesse – sans oublier bien entendu les salles de shoot pour toxicomanes, qui organisent une dépénalisation larvée.

Madame la ministre, bien que la procédure accélérée soit engagée, ce projet de loi reste très largement contesté et traduit des erreurs politiques fortes.

La partie n’est toujours pas gagnée parce que vous ne traiterez pas des questions médicales sans les médecins. Je le répète ici : dès l’alternance de 2017, nous abrogerons certains de vos choix.

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