Intervention de Michèle Delaunay

Séance en hémicycle du 24 novembre 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à toutes les victimes des jours tragiques que nous avons vécus et de saluer mes confrères et l’ensemble des soignants pour leur engagement : ils peuvent être fiers d’avoir sauvé des vies, évité des amputations et des drames plus grands encore. Non, les métiers du soin, du secours et de l’aide ne sont pas des métiers ordinaires, comme n’est pas ordinaire la santé, sans laquelle aucune de nos valeurs ne trouve son plein exercice.

Le texte que nous allons de nouveau examiner a un caractère décisif, dont aucun article n’est exempt. Il est décisif pour les Français, pour leur accès aux soins, pour leur longévité. À nous tous d’être à la hauteur de ce grand rendez-vous qu’est une loi de santé publique. Ce texte est décisif, aussi, pour l’avenir de notre système de santé et celui de notre Sécurité sociale, pilier de notre République, unique trésor de ceux qui n’ont rien.

Trois clefs nous permettront d’assumer à la fois le coût de ce formidable cadeau qu’est la longévité et les remarquables progrès technologiques et thérapeutiques que connaît la médecine : premièrement, la prévention ; deuxièmement, la prévention ; troisièmement, la prévention. La prévention, c’est la réduction des maladies évitables et de leur formidable coût sanitaire et social.

Nous devons mener une politique de prévention ferme, assumée dans ses objectifs – ce qui n’est pas toujours le cas – et convaincue pour avoir une petite chance d’être convaincante. Bien loin de celle, trop souvent incantatoire, que nous pratiquons depuis des décennies, dont les résultats sont maigres, et qui n’a eu d’autre effet que d’augmenter la fracture entre ceux qui ont un accès privilégié aux soins et ceux qui, au contraire, en sont culturellement et matériellement les plus éloignés. Leur santé doit être, pour nous, une priorité plus grande encore.

Faisons un rêve : celui de voir proposé à notre ambition et à celle des Européens, au lieu du CAC 40, du DAX ou du Dow Jones, un baromètre de la santé sociale prenant en compte le taux de mortalité prématurée, le taux de suicide, la prévalence du tabagisme, l’alcoolisme des jeunes, ou encore la couverture vaccinale. Les Européens auraient certainement plus de fierté d’en être les champions du monde que d’entendre, à longueur de journée, les cours de la bourse.

Le renforcement de la prévention, qui constitue l’un des piliers de ce texte, est cependant fragilisé par des initiatives qui veulent satisfaire des intérêts autres que la santé publique. Mes chers collègues, dans une loi de santé, il ne doit être question que de la santé, rien que de la santé ; pas de tourisme, d’intérêts financiers, territoriaux ou non, ni même d’accompagner les buralistes dans l’évolution de leur métier – ce que nous voulons pourtant faire – tant qu’ils n’accepteront pas que les revenus qu’ils tirent du tabac soient indépendants du volume vendu.

Ayons une vision politique de la santé si nous ne voulons pas, demain, avoir à privatiser la maladie. Demain, si nous ne faisons rien, nous serons tous comptables des dégâts sanitaires causés par le tabac et l’alcool – 220 morts part jour du fait du tabac, 130 à cause de l’alcool – et des milliers de jeunes entrant en addiction. Nous savons, comme nous savions pour l’amiante : ne laissons pas dire demain que nous n’avons rien fait.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion