Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 24 novembre 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Il y a un questionnaire à remplir, comme c’est déjà le cas aujourd’hui : si quelqu’un arrive dans un centre de transfusion et qu’on lui demande s’il est homosexuel ou s’il a des relations sexuelles occasionnelles avec un autre homme, c’est sa parole qui compte. C’est pourquoi il y a appel à la responsabilité collective.

J’ajoute que les données scientifiques dont nous disposons ne nous permettent pas d’écarter aujourd’hui de façon définitive tout risque si nous établissions d’emblée un délai d’ajournement inférieur à douze mois. Nous avons besoin pour cela de procéder à des études précises sur les dons de sang concernés. Plus il y en aura, plus nous pourrons aller vite dans ces études, l’objectif étant de passer un an après à l’étape définitive : celle de l’alignement sur le don de plasma, c’est-à-dire de ramener le délai d’ajournement de douze à quatre mois. Ne faites donc pas, monsieur Richard, comme si j’avais indiqué que la position proposée était définitive : j’ai dit que nous devions procéder par étapes.

M. Krabal ayant évoqué la même question, je viens par conséquent de lui répondre.

Madame Orliac, le tiers payant n’est pas une affaire « compassionnelle », pour reprendre votre qualificatif. Je vous dis franchement que l’emploi de ce mot m’étonne quelque peu. Je ne suis pas en charge de la compassion, même si j’y crois beaucoup, ainsi qu’à la bienveillance. Mais la compassion dépend de chacun dans sa subjectivité, et le rôle de la puissance publique, c’est de définir des droits, de permettre d’avancer dans la prise en charge égale de tous. À cet égard, je souhaite qu’avec le développement du tiers payant, des hommes et des femmes qui n’ont pas envie de faire état de leurs difficultés financières puissent accéder aux soins grâce à ce dispositif. Je souhaite un dispositif simple et qui nous facilite la vie, comme pour chacun d’entre nous chez le pharmacien. Nous reviendrons longuement, je n’en doute pas, sur le tiers payant lors de l’examen de l’article 18, mais je tiens d’ores et déjà à répéter qu’il est totalement contraire, à l’esprit comme à la lettre du texte, de subordonner les médecins aux organismes complémentaires. Je veux mettre en oeuvre le système de façon progressive afin que les professionnels de santé puissent, comme l’a dit M. Krabal, se l’approprier. C’est une démarche à la fois volontaire et progressive, qui doit nous permettre de couvrir à terme l’ensemble des professionnels concernés.

La territorialisation n’est pas confiée aux ARS, madame Orliac. Il pouvait certes y avoir une ambiguïté sur ce point en première lecture, mais les débats parlementaires ont abouti à modifier le texte de l’article 12 pour qu’il apparaisse clairement que la territorialisation des soins est du ressort des professionnels de santé eux-mêmes.

Enfin, il ne vous aura pas échappé, madame la députée, que votre assemblée a voté dans le PLFSS ce que vous appeliez de vos voeux, c’est-à-dire la mise en place d’un financement pour des contrats de coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes. Des contrats vont ainsi pouvoir être signés entre ces praticiens pour que, sur le modèle de l’expérimentation menée dans la région Pays de la Loire, la prise en charge soit meilleure pour nos concitoyens.

Monsieur Roumégas, vous avez évoqué ce que j’appelle volontiers le paradoxe français : une situation dans laquelle l’espérance de vie mesurée globalement est parmi les meilleures au monde, même si certains pays font mieux que nous, et où, dans le même temps, existe une surmortalité préoccupante pour certaines catégories de la population. L’espérance de vie globale mesure une moyenne qui ne rend pas compte des différences extrêmement marquées qui existent selon les catégories sociales, les territoires, les situations – je pense en particulier à la surmortalité des hommes de moins de soixante-cinq ans, nettement plus élevée en France que dans les autres pays de niveau comparable. Vous mettez l’accent, et vous avez raison, sur des facteurs tels que le tabac, l’alcool, tout en insistant aussi sur d’autres facteurs – la qualité de l’air, l’alimentation, l’exposition à des substances toxiques, par exemple à des perturbateurs endocriniens – qui constituent, eux aussi, une priorité.

Pour ce qui est de l’élimination du bisphénol A dans les jouets – par nature destinés aux enfants –, il est proposé que l’élimination totale de cette substance soit accélérée par rapport à d’autres pays d’Europe. Lors des débats au Sénat, le Gouvernement n’a pas cherché à revenir sur cette avancée importante ; sa seule préoccupation a été que l’on se donner les moyens de fixer un seuil de référence mesurable. Si on se contente de dire qu’il ne doit plus y avoir de bisphénol A sans se donner les moyens de le mesurer, la disposition proposée n’a pas de contenu. Des discussions actuellement en cours au niveau européen vont aboutir le mois prochain à fixer la valeur du seuil de migration à 0,1 milligramme par litre ; la France, elle, s’engage pour une valeur plus faible, fixant le seuil de migration à 0,04 milligramme par litre, ce qui est plus ambitieux et montre notre volonté d’aller plus loin. Vous le voyez : nous ne renonçons pas du tout aux dispositions que nous défendions. Au contraire, nous allons de l’avant.

Madame Fraysse, je vous remercie de votre intervention, très complète et aussi très transparente, y compris s’agissant des débats qui traversent votre groupe. Au-delà des points d’accord que vous avez mentionnés et sur lesquels je ne reviens pas, vous avez en particulier évoqué le tiers payant. Je veux saluer la position qui est la vôtre quand vous dites qu’un grand nombre de médecins sont légitimement inquiets car j’y suis sensible : ma volonté, c’est que tous les médecins prêts à s’engager dans cette démarche, et ils sont beaucoup plus nombreux qu’on le croit mais veulent être assurés que ce sera simple et que leur indépendance sera garantie, soient certains qu’elle sera progressive pour répondre à leur préoccupation.

Vous avez aussi évoqué la question des groupements hospitaliers de territoire. On ne peut pas d’un côté appeler à la territorialisation des politiques de santé, ce que nous faisons tous sous des formes diverses, et considérer que l’organisation hospitalière serait immuable. L’hôpital fonctionne aujourd’hui tourné vers lui-même. Nous devons faire en sorte qu’il s’ouvre davantage sur son territoire et vers les professionnels libéraux – c’est l’enjeu de la lettre de transmission – et vers les autres établissements de son secteur. D’où le projet de ces groupements hospitaliers de territoire, dont je redis qu’ils seront fondés sur un projet médical parce que c’est bien cela l’enjeu. L’hôpital de demain sera territorialisé, ce qui veut dire que les différents établissements d’un même territoire doivent pouvoir coopérer.

Vous avez exprimé la volonté que la tarification à l’activité évolue. C’est également le sens de la politique que je conduis : j’ai engagé dès 2012 une réforme de la tarification à l’activité, qui va franchir une nouvelle étape avec le renouvellement de la composition du comité de réforme de la tarification hospitalière alors mis en place, la présidence de ce comité étant confié à votre ancien collègue Olivier Véran. Je peux déjà vous dire que dès l’année prochaine, 300 établissements de proximité auront un financement mixte, fondé à la fois sur une tarification à l’activité et un financement global. Il s’agira donc d’une dotation modulée à l’activité. De même, dès l’année prochaine et de façon progressive, les soins de suite et de réadaptation vont basculer de la tarification à l’activité à cette dotation modulée. À partir de 2017, des activités spécifiques pour lesquelles le financement à l’activité n’a pas de sens vont évoluer vers des dotations globales, je pense en particulier à la réanimation, aux soins intensifs ou encore à la prise en charge de certaines maladies chroniques.

Mesdames, messieurs les députés, nous allons maintenant engager l’examen des articles. C’est pour moi l’occasion de remercier à nouveau les rapporteurs, tout particulièrement Gérard Sebaoun, qui a pris le relais d’Olivier Véran pour la première partie de ce texte. Le travail qu’ils ont effectué…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion