Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, Daech, ce sont des criminels, porteurs d’une idéologie de mort, qui veut réduite à néant les valeurs universelles de l’humanité et qui bafoue l’idée même de civilisation.

Malgré la tragédie qui frappe notre pays, les victimes, leurs familles, nous n’oublions pas les attentats commis au Danemark, en Tunisie, en Égypte, au Liban, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Turquie, en Lybie et contre la Russie, ni les otages norvégiens et chinois récemment exécutés. Les victimes se comptent par milliers, elles ont tous les visages et toutes les nationalités.

L’action de la France repose sur quatre piliers. Il s’agit tout d’abord d’obtenir une coordination accrue de tous ceux qui peuvent effectivement lutter contre Daech. Dans ce but, le Président de la République s’est rendu hier à Washington et sera demain à Moscou. Au Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution proposée par la France a été adoptée à l’unanimité samedi dernier.

Contrairement à ce que certains prétendent, tout à l’heure encore, ici même, la France parle avec la Russie, avec l’Iran, avec les pays arabes de la région, comme évidemment avec les Américains et nos voisins européens, c’est-à-dire avec tous les acteurs de ce drame.

Le Président de la République et les ministres des affaires étrangères n’ont pas attendu le 13 novembre, ni même le 7 janvier, pour entretenir un dialogue direct avec les Russes, sur l’Ukraine, mais aussi sur la Syrie et le Moyen-Orient. Les Russes semblent frapper Daech davantage qu’auparavant à Raqqa et à Déir ez-Zor. C’est une évolution positive qui reste à confirmer et à amplifier dans les jours et les semaines qui viennent. Car il ne s’agit pas seulement de contenir Daech mais de détruire cette organisation, dont les populations civiles sont les premières victimes.

Deuxième axe, il s’agit de frapper résolument Daech en Syrie comme en Irak. En Irak, la coalition militaire à laquelle la France participe a déjà réussi, avec les forces de sécurité irakiennes et les peshmergas, à faire reculer Daech, notamment à Baïji et à Sinjar.

En Syrie, le Président de la République a décidé d’intensifier les opérations aériennes qui ont été engagées au mois de septembre, et de les prolonger. Comme le Gouvernement le demande aujourd’hui, nous devons autoriser nos forces aériennes à continuer leur engagement au-dessus du territoire syrien pour accentuer nos bombardements et détruire, comme nous l’avons fait récemment à Raqqa, des centres d’entraînement, des postes de commandement, des infrastructures pétrolières et gazières qui servent à financer Daech. Nous devons également augmenter notre appui à ceux qui combattent au sol, notamment aux Kurdes.

Le troisième axe est d’aboutir à une solution politique en Syrie mais aussi dans les autres conflits au Moyen Orient. Daech se nourrit avant tout des crises politiques et des conflits internes. La solution doit donc être politique et globale. En Libye, la formation d’un gouvernement d’union nationale est urgente et cruciale. En Irak, il faut continuer à aider le Gouvernement de M. Abadi à mettre en oeuvre le processus de réconciliation nationale. Et n’oublions pas le conflit israélo-palestinien, ni la dure guerre au Yémen. En Syrie, bien sûr, il faut une transition politique. Tant que le pays n’aura pas un gouvernement inclusif, accepté par tous, la guerre continuera et l’extrémisme gagnera du terrain.

La dernière réunion qui s’est tenue à Vienne le 14 novembre et qui a rassemblé tous les acteurs, y compris la Russie et l’Iran, ouvre enfin une perspective. Un calendrier et des objectifs précis ont été approuvés : des négociations entre le régime et l’opposition non-terroriste, pour établir une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire, respectant l’unité de la Syrie, pour mettre en place un cessez-le-feu, adopter une nouvelle constitution, organiser des élections conformes aux normes internationales, sous l’égide des Nations unies.

Une transition politique, conduisant au départ d’Assad, s’impose pour une raison simple. Il n’y a pas d’autre moyen de réunir les Syriens et l’ensemble des pays de la région.

Le dernier axe est de tarir les financements et lutter contre la radicalisation.

Éradiquer Daech sera long et difficile, et dépend de notre capacité à agir sur plusieurs fronts.

Il faut priver Daech de ses sources de financement : le trafic de pétrole, la prédation sur les populations, le recel d’antiquités. Les frappes de la coalition ont permis de détruire un nombre important de raffineries mobiles ainsi que des points de chargement de pétrole et de gaz. Le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2199 contre ces trafics et le groupe d’action financière, le GAFI, agit contre le blanchiment de l’argent sale.

La lutte se mène aussi sur notre territoire national. Michel Sapin avait déjà annoncé en mars dernier un plan d’action, qu’il vient de renforcer.

Agir contre la radicalisation est l’affaire de tous. Dans cette lutte, les États ne peuvent pas tout faire. Nous avons besoin des sociétés civiles. Les États doivent fournir des outils contre la radicalisation mais il appartient à la société civile de bâtir un contre-discours et de le diffuser sur internet.

Avec une stratégie commune et cohérente contre Daech, ces 30 000 combattants peuvent être vaincus. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je dis très franchement à ceux qui se perdent dans les polémiques, et qui sont malheureusement les mêmes qui ont pris des décisions désastreuses, comme en Libye : « Privilégiez l’unité nationale et approuvons la prolongation de l’engagement de nos forces aériennes au-dessus du territoire syrien. »

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