Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien

Manuel Valls, Premier ministre :

Je répondrai aux orateurs par respect du Parlement mais aussi parce que, tout en saluant la qualité et la hauteur de vue de chacune des interventions, j’estime qu’il faut aller jusqu’au bout des arguments.

Je vous remercie, monsieur le président Le Roux, pour votre soutien et pour la justesse de vos analyses et de vos arguments – dont beaucoup rejoignent ceux que Mmes Élisabeth Guigou et Patricia Adam ont développés – sur les conditions d’une solution politique à la crise syrienne ainsi que sur l’aspect humanitaire de cette crise et ses conséquences s’agissant des réfugiés.

Vous avez aussi évoqué la Russie : j’y reviendrai.

Par ailleurs, nous avons tous souligné la continuité de notre combat contre le terrorisme du Sahel au Levant.

Vous avez enfin martelé un argument essentiel : aucune de nos actions militaires n’a d’autre but que de frapper et d’éliminer Daech. Il faut le rappeler sans cesse. Lorsque l’on considère objectivement ce qui s’est passé ces derniers mois et ces dernières années, cela n’est évidemment pas le cas du régime syrien, cela n’est pas le cas de l’Iran, et cela n’est pas le cas de la Russie, du moins ces dernières semaines.

Vous avez raison, monsieur Folliot : en France comme au Levant, notre combat contre Daech doit être total. J’apprécie que vous ayez évoqué la situation des chrétiens d’Orient, qui ont été trop souvent les victimes et les oubliés de la crise irakienne et syrienne. Je garde en mémoire ma rencontre avec les chrétiens de Mossoul à Amman – j’étais accompagné de MM. Jean-Yves Le Drian et Jean-Marie Le Guen – et les messages qu’ils nous ont transmis à cette occasion.

Merci pour votre soutien aux décisions que nous prenons quant à nos moyens militaires, notamment le maintien des effectifs jusqu’en 2019, et merci à votre groupe pour son vote en faveur de la prolongation d’une opération essentielle pour notre sécurité et notre liberté.

Merci, madame la présidente Pompili, pour le soutien du groupe écologiste à la politique que nous menons en Syrie et pour ce vote positif. Vous avez raison de souligner la nécessité de la solidarité européenne, point que j’ai développé dans mon intervention liminaire. Cette solidarité peut en effet s’exprimer de multiples façons, y compris – et, pour ceux qui n’interviennent pas, surtout – par un partage des coûts de nos interventions. Lorsque nous intervenons au Sahel, nous n’agissons pas uniquement pour notre compte : nous agissons pour le compte de la communauté internationale et de l’Union européenne. J’ai pris bonne note de la suggestion de votre groupe de réunir une nouvelle conférence internationale sur les minorités du Moyen-Orient. Nous sommes prêts à évoquer cette initiative avec vous.

Monsieur Saint-André, vos propos pleins de justesse sur le financement du terrorisme résonnent dans cette assemblée. Michel Sapin a eu déjà l’occasion de s’exprimer sur ce point, Élisabeth Guigou y faisait référence : mener la guerre contre Daech, c’est aussi casser les circuits de financement du djihadisme, c’est exiger une transparence et une coopération exemplaires de tous les pays, notamment, bien sûr, de tous les pays de la région et des pays arabes, pour empêcher ces financements. Toutes les ambiguïtés doivent être levées, le ministre de la défense l’a dit.

Vous avez eu raison d’évoquer la situation politique en Irak. Il y a un risque, et nous sommes peut-être au-delà, d’éclatement communautaire dans ce pays et il faut absolument que le gouvernement irakien s’engage dans une réconciliation entre sunnites et chiites irakiens. C’est d’ailleurs l’un des sujets sur lesquels je reviendrai parce qu’il est au coeur de la réponse que nous devons apporter dans cette région.

Je vous remercie bien sûr pour votre vote positif.

Monsieur Candelier, vous connaissez parfaitement ces sujets, vous vous exprimez souvent. Nous sommes bien d’accord avec vous sur le fait que la solution à la crise syrienne ne peut pas être que militaire. Elle sera forcément politique, nous le disons tous, et c’est le sens de la diplomatie française.

Vous posez la question, mais Jean-Yves Le Drian y a répondu, du cadre légal de notre intervention. En Irak, nous agissons à la demande du gouvernement irakien. En Syrie, nous sommes en état de légitime défense. La résolution 2245 votée vendredi dernier par le Conseil de sécurité à l’unanimité renforce, même s’il faut aller plus loin, François Fillon le soulignait, la légitimité de cette action.

Vous avez raison d’évoquer le soutien que nous devons aux Kurdes. S’il y a un pays qui soutient les Kurdes et ils sont les premiers à le reconnaître, c’est bien la France. C’est un soutien politique, bien sûr, mais, par bien des aspects, c’est aussi un soutien humanitaire à la population kurde.

Dommage que vous n’alliez pas jusqu’au bout de votre soutien en préférant l’abstention, mais vos réflexions ont été, me semble-t-il, très utiles à ce débat, et je ne doute pas bien sûr de votre engagement total et absolu contre le terrorisme.

Madame Guigou, madame Adam, merci d’avoir rappelé tous les autres conflits de la région parce que ce sont des solutions globales qui devront être apportées.

Vous avez eu raison, madame la présidente de la commission, d’insister sur la nécessité d’agir contre les infrastructures pétrolières qui sont tombées entre les mains de Daech. Les Américains et les Russes frappent les camions, enfin. Il était temps. Nous avons nous-mêmes ciblé des infrastructures pétrolières et les effets sur les ressources de Daech vont se faire sentir très rapidement.

Enfin, je terminerai par l’intervention de François Fillon, qui s’est excusé parce qu’il avait une autre obligation. Je lui réponds ainsi, bien sûr, qu’à l’ensemble du groupe Les Républicains.

Nous sommes d’accord, et sans nous payer de mots, nous le disons depuis le début, nous sommes bien en guerre.

Vous dites que nous avons perdu du temps. Mais qui voulait agir militairement en Syrie dès l’été 2013 ? La question de Daech ne se posait d’ailleurs pas du tout dans les mêmes termes, Jean-Yves Le Drian l’a rappelé. Daech était à ce moment-là en Irak. Si, aujourd’hui, la Syrie est l’épicentre du terrorisme, la base politique, nous le savons bien, c’est cette alliance d’Al-Qaïda et des anciens cadres du régime irakien, d’où vient Daech, l’État islamique. À l’époque, je crois que nous étions un grand nombre, pas forcément tous, à être d’accord, sur la rupture des relations diplomatiques en mars 2012, décision du Président Nicolas Sarkozy quand François Fillon était Premier ministre, position réitérée à de nombreuses reprises. Qui a empêché la France d’agir alors qu’il était temps à ce moment-là ? Je rappelle quelle a été la position et de la Chambre des communes de nos amis britanniques et évidemment du Président Obama.

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