Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Société a bas carbone prise en compte de l'outre-mer dans les négociations de la cop 21 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les attentats, qui ont endeuillé notre capitale, le pays tout entier et qui ont provoqué un mouvement de solidarité internationale avec la France, loin de faire passer l’intérêt de la COP 21 au second plan, doivent au contraire nous convaincre plus encore de la tragique, essentielle et urgente nécessité de trouver un accord.

Les dérèglements climatiques, les saccages écologiques que produit notre modèle de développement, basé sur le recours massif aux énergies fossiles et sur la surexploitation des ressources naturelles, font entrer l’humanité dans une nouvelle ère géologique, caractérisée par l’influence prédominante de l’homme sur la planète et sa capacité à la transformer : c’est l’anthropocène.

Mais cette destruction de nos écosystèmes concourt également au désordre géopolitique du monde. Monique Barbut, la secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification a démontré qu’en Afrique sahélienne les cartes de la désertification, de l’insécurité alimentaire et de la présence de groupes islamistes armés se superposaient. En Syrie, la sécheresse qui a sévi de 2006 à 2010 a entraîné l’exode d’un million de paysans vers les villes et joué un rôle dans le déclenchement de la guerre civile.

Partout dans le monde, le changement climatique, en entraînant des exodes de population et des conflits pour l’appropriation des territoires, de l’eau et de la nourriture, accroît l’instabilité et la violence, en affectant en premier lieu les pays les plus pauvres et les plus déshérités. Ces nouvelles inégalités s’ajoutent à celles qui déstructurent déjà notre monde, dans lequel 1 % de la population possède autant que les 99 % restant. Le terrorisme se nourrit de ces injustices, de ces souffrances, de cette absence d’avenir et de sens, de cette perte des valeurs humaines.

Chers collègues, la lutte contre le changement climatique s’impose non seulement pour sauver l’espèce humaine, en préservant ce que l’on appelle les biens communs au sein de l’espace géographique qu’est la planète et au sein de l’espace temporel que constitue l’ensemble des générations, mais également pour bâtir un monde plus juste et plus solidaire. La COP 21 actera, nous l’espérons tous, un accord résultant de la prise de conscience des pays participants, de la mobilisation de la société civile et du travail de notre diplomatie et de notre gouvernement, autour de Laurent Fabius, Ségolène Royal et Annick Girardin ; mais la tâche et la responsabilité de la France ne s’arrêteront pas le 11 décembre. Notre pays continuera à présider la COP durant une année entière. Après avoir joué le rôle du pays facilitateur, qui doit trouver un compromis entre 195 délégations, la France pourra alors mettre en avant ses propres convictions et soutenir un certain nombre d’initiatives, au plan national bien sûr, mais aussi au sein de l’Union européenne et sur la scène internationale.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la proposition de résolution que nous présentons aujourd’hui. Son titre expose son ambition : accéder, au-delà de la COP 21, à une société à bas carbone.

J’ai déjà expliqué la nécessité de se situer après le rendez-vous de décembre à Paris, aussi important soit-il. Je voudrais maintenant dire quelques mots sur cette société que j’appelle de mes voeux.

L’extraordinaire accélération des émissions de gaz à effet de serre, surtout ces quarante dernières années, et leur accumulation dans l’atmosphère au-delà de 100 000 ans imposent un changement de paradigme et une transition vers un monde tout entier réorganisé autour de la nécessité d’une faible émission de carbone. Il ne s’agit donc pas simplement de changer la motorisation de nos véhicules, mais bien de transformer l’ensemble de nos façons de produire, de consommer, de travailler, de financer, d’habiter, de circuler et d’échanger. Cela, il faut le comprendre, aura un impact sur l’ensemble des actes de nos vies, revues à l’aune de l’efficacité et de la sobriété, et notamment sur notre consommation des ressources naturelles, qu’il s’agisse des matières premières, y compris énergétiques, des sols, des océans, des forêts ou des eaux douces.

Pour s’engager sur la voie de ce monde décarboné, je souhaite que les députés, le moment venu, votent – bien sûr – l’accord qui sera trouvé à la COP 21 de Paris. Mais ils ne devront pas en rester là : en tant que représentants des citoyens et de la société civile, qui est de plus en plus mobilisée à travers les territoires, les députés devront guider l’action du Gouvernement.

C’est le sens des différentes adresses que détaille la proposition de résolution pour une société à bas carbone. Je ne les citerai pas toutes, mais je tiens à mettre l’accent sur certaines d’entre elles, qui ont déjà été rappelées au cours des interventions des précédents orateurs. Nous demandons ainsi que notre pays fasse de ses territoires d’outre-mer – qui sont particulièrement concernés, et répartis à travers le monde – des espaces prioritaires d’innovation en matière d’adaptation et d’atténuation face au changement climatique, et qu’il affecte une part plus importante de ses financements dédiés au climat à l’adaptation des pays les plus vulnérables, y compris sous forme de dons.

Nous souhaitons ensuite que l’Union européenne concrétise la taxe sur les transactions financières, rénove la gouvernance du système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, et intègre la question climatique dans plusieurs de ses politiques, notamment agricole, d’investissement et de recherche.

Enfin, nous pensons qu’il est indispensable que le Gouvernement travaille dans plusieurs directions au plan international. Il faut d’abord former une avant-garde climatique de pays qui s’engageraient sur la voie d’un corridor carbone. Il faut ensuite créer un club pour les technologies propres susceptibles d’aider la transition vers la société à bas carbone. Il faut en outre fixer des objectifs de croissance neutre en carbone des secteurs aérien et maritime, et soutenir la création d’un fonds pour la restauration des sols pollués et dégradés, afin qu’une fois remis en culture ou replantés d’arbres, ils fixent à nouveau le carbone. De plus – et cela résonne d’autant plus fort depuis les attentats terroristes – nous souhaitons que le respect des droits humains et l’égalité entre hommes et femmes soient réaffirmés fortement dans toutes les politiques relatives au changement climatique.

Mes chers collègues, madame la ministre, vous comprendrez qu’une telle proposition transcende les partis et courants politiques. J’espère donc qu’elle sera votée par le plus grand nombre d’entre vous ; je vous en remercie par avance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion