Intervention de Ibrahim Aboubacar

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Société a bas carbone prise en compte de l'outre-mer dans les négociations de la cop 21 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, dans quelques jours l’humanité aura un rendez-vous crucial avec son destin à la COP 21.

Notre pays y joue un rôle moteur, ce dont nous nous félicitons tous. En présentant cette proposition de résolution tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer dans les négociations de la COP 21, aux côtés de la proposition de résolution défendue par le président Chanteguet, nous tenions à rappeler l’existence de ces 2,6 millions de Français vivant dans onze territoires répartis dans les trois océans de la planète. Leur situation est particulière au regard des défis soulevés par le dérèglement climatique ; la nécessité de prendre en compte ces territoires dans ces négociations complexes, aux enjeux infinis et aux intérêts si contradictoires en apparence, est impérieuse. Nous tenions à rappeler par ailleurs que ces outre-mer peuvent représenter un atout considérable pour la France dans ce dialogue mondial.

La proposition de résolution pour une société à bas carbone que nous examinons en discussion commune, et dont nous approuvons les orientations, souligne l’urgence à agir dans ces territoires, compte tenu des menaces qui pèsent sur leur biodiversité, et suggère d’en faire des espaces d’innovation. Nous approuvons ces préconisations générales, et souhaitons aller plus loin dans les enjeux que représente, pour les outre-mer, le dérèglement climatique. D’abord, il convient de souligner la vulnérabilité de ces territoires, liée à leur situation géographique, et exacerbée – pour la plupart d’entre eux – par leur insularité. Ces outre-mer, qui représentent 97 % de la zone économique exclusive française, regroupent 80 % de sa biodiversité, qui est particulièrement exposée aux menaces liées au changement climatique.

De nombreux écosystèmes – récifs coralliens, mangroves, herbiers – vitaux pour la protection de ces territoires, pour la sauvegarde de leurs ressources, ou pour leur valeur dans l’activité économique, sont aujourd’hui menacés de destruction. Oui, dans les outre-mer, nous serons souvent les premiers touchés par les effets du changement climatique, au même titre que certains petits États insulaires, dont nous comprenons et partageons les vives préoccupations.

Du reste, nous ressentons déjà l’impact du changement climatique ; il ne fera que se renforcer dans les décennies à venir. Il se traduit notamment par le déplacement et l’intensification des phénomènes cycloniques – qui nous touchent souvent – et des régimes de précipitations, par l’élévation du niveau de la mer, la salinisation des sols, l’augmentation de la température et l’acidification des océans. Oui, dans la plupart de ces territoires, la mer nous entoure, et quelles que soient les relations que nos populations entretiennent avec elle, tout ce qui touche à la mer nous concerne.

C’est pourquoi nous n’insisterons jamais assez sur la prise en compte de la dimension océanique dans le mandat de négociation européen, compte tenu de son rôle de principal régulateur du climat et de l’importance de sa protection pour nos territoires. C’est cela, prendre en compte nos territoires d’outre-mer.

Mais aussi vulnérables soient-ils, ces territoires représentent également des atouts considérables dans les débats à venir sur les évolutions du climat. D’abord, parce que leur positionnement géographique nous permet d’être des sentinelles de la plupart de ces phénomènes, tant en termes d’observations, de mesures, que de comparaison avec des situations non affectées par les actions anthropologiques – je rappelle qu’en effet, certains de ces territoires sont inhabités.

Ensuite, parce qu’un certain nombre de solutions d’atténuation y trouvent des développements exceptionnels notamment dans les énergies renouvelables. Ce n’est pas un hasard si, dans nos territoires, les ambitions dans ce domaine sont très élevées.

Enfin parce que les acteurs locaux y sont parmi les plus actifs en termes de solutions d’adaptation ; les exemples sont nombreux dans l’agenda des solutions outre-mer. Sur ces trois sujets, nos territoires constituent des points d’appui considérables en termes d’émergence de solutions concrètes. Nous sommes capables de nouer un dialogue riche et des échanges constructifs avec les États insulaires qui nous entourent, pour peu que ces initiatives soient davantage soutenues, coordonnées et suivies.

C’est pourquoi nous insistons pour favoriser l’accès des collectivités d’outre-mer aux financements multilatéraux des actions d’adaptation et d’atténuation ou, à défaut, pourcréer un dispositif européen ou national de solidarité permettant de lever les ressources nécessaires. De même, nous insistons pour que ces collectivités puissent jouer plus que jamais leur rôle dans les dialogues régionaux. À ce sujet, nous aurions tout intérêt à créer des espaces de responsabilité leur permettant de coopérer de la manière la plus fonctionnelle possible avec les pays voisins sur les problématiques liées au changement climatique.

Ce débat sur le changement climatique reprend, en définitive, l’interrogation profonde que chacun de nous doit avoir sur sa relation avec la Nature. C’est sans doute sous cet aspect que l’apport des outre-mer est fondamental pour notre Nation. La prise en compte des relations que ces populations entretiennent encore avec leur environnement, de leur vision du monde, exprimée ou non, que chacun pourrait appréhender en étant attentif à l’autre : c’est en cela que nous considérons légitime que les outre-mer soient pleinement associés à la mise en oeuvre ultérieure des décisions prises lors de la COP 21. Il convient ainsi de mettre en place, au niveau national, des mécanismes qui permettront leur consultation automatique dans le cadre des discussions internationales sur le climat.

Telles sont les préoccupations qui ressortent des débats que nous avons eus au sein de la délégation à l’outre-mer au sujet du changement climatique outre-mer, sous la présidence de Jean-Claude Fruteau, que je supplée aujourd’hui à cette tribune. Maina Sage – qui, m’a-t-elle dit, a dû partir pour se rendre au sommet France-Océanie – Serge Letchimy et moi avons cosigné un rapport d’information sur cette question. Je remercie tous les collègues qui se sont investis dans les travaux préparatoires à ce rapport d’information, notamment Marie-Anne Chapdelaine, vice-présidente de la délégation, qui s’investit particulièrement pour les outre-mer. Nous avons également apprécié le soutien décisif du président Bartolone.

Ces débats ont nourri la proposition de résolution tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer dans les négociations de la COP 21 que nous vous appelons à adopter, pour que les outre-mer français restent pleinement dans le sens de l’histoire.

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