Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 16 janvier 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces francaises au mali et débat sur cette déclaration

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

…présents au nord du Mali, AQMI, le MUJAO et Ansar Eddine, ont regroupé leurs forces afin de lancer l'offensive contre les villes commandant l'accès à Mopti à l'Est, et à Ségou à l'Ouest, en direction de Bamako.

Dès le 9 janvier, le président du Mali a lancé à la France une demande d'assistance militaire. La prise de Konna, le 10, a achevé de nous convaincre que nous étions bien devant une agression caractérisée qui mettait en jeu l'existence même de l'État malien et que les forces armées maliennes n'avaient pas les moyens d'y résister seules.

Le Conseil de sécurité a confirmé dès le 10 janvier cette menace directe pour la paix et la sécurité internationales. Le Président de la République a donc décidé le vendredi 11 que la France devait intervenir militairement, sans attendre, en appui aux forces armées maliennes.

Face à des adversaires dangereux, bien équipés et déterminés, la France poursuit des objectifs parfaitement clairs. Je souhaite les rappeler devant vous.

Le premier objectif est d'arrêter l'avancée des groupes terroristes vers Bamako. Le deuxième consiste à préserver l'existence de l'État malien et à lui permettre de recouvrer son intégrité territoriale. Le troisième est de favoriser l'application des résolutions internationales à travers le déploiement de la force africaine de stabilisation et l'appui aux forces armées maliennes dans leur reconquête du Nord.

Le Président de la République l'a affirmé avec détermination : notre intervention durera le temps nécessaire pour atteindre ces trois objectifs. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Les moyens engagés y répondront strictement. Aujourd'hui, 1 700 militaires français sont engagés dans l'opération Serval, dont 800 sur le territoire malien. Notre dispositif aérien est composé de douze avions de chasse et de cinq ravitailleurs. Notre dispositif terrestre comprend actuellement un état-major tactique, deux compagnies de combat et un escadron blindé. L'ensemble de nos moyens continue à monter en puissance.

Les efforts se concentrent, d'une part, sur l'aide aux forces armées maliennes, pour arrêter la progression des groupes terroristes, en combinant une action aéroterrestre des forces spéciales, engagées dès les premières heures, des frappes aériennes et un appui par des unités terrestres. Les premiers éléments des compagnies françaises arrivées à Bamako ont commencé leur progression vers la zone de combat.

Les efforts portent, d'autre part, sur les actions aériennes mobilisant nos avions de chasse basés à N'Djamena ou en métropole. Elles visent, dans la profondeur, les bases arrière des groupes terroristes, pour leur infliger les pertes les plus importantes possibles et neutraliser leur capacité offensive sur l'ensemble du territoire malien.

À cet égard, il ne saurait être question de figer l'actuelle ligne de front, laquelle n'est rien d'autre que le résultat d'une division artificielle du Mali et d'un rapport de forces que nous avons précisément la volonté de modifier.

La France agit, je le rappelle, à la demande des autorités légitimes du Mali qui, à deux reprises, lui ont lancé un appel à l'aide. Elle s'inscrit dans le respect de la charte des Nations unies et de son article 51, en parfaite cohérence politique avec les résolutions du Conseil de sécurité.

Le secrétaire général des Nations unies a d'ailleurs salué notre réponse à la demande souveraine du Mali. Au Conseil de sécurité, une grande majorité d'États membres a rendu hommage à la rapidité de notre intervention, dont l'opportunité et la légalité sont incontestées.

De fait, la France n'est pas seule. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Notre décision bénéficie d'une large approbation internationale. Elle a été accueillie, je dois le rappeler, avec soulagement par les États africains unanimes, lesquels sont d'ailleurs prêts à se mobiliser. L'Algérie nous a accordé les autorisations de survol nécessaires. À cet égard, je me suis entretenu il y a quelques instants avec le premier ministre algérien, qui a confirmé la fermeture de la frontière avec le Mali pour ne laisser pénétrer aucune des forces terroristes qui seraient amenées à s'échapper à la suite de notre intervention. (Nouveaux murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Nos partenaires européens sont eux aussi au rendez-vous, mettant à notre disposition des moyens logistiques de transport ou de ravitaillement en vol. Le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et le Danemark devraient très rapidement être rejoints par d'autres.

Nous pouvons aussi compter sur le soutien des États-Unis et du Canada, sans compter les propositions que nous recevons d'autres pays.

Nous sommes intervenus en urgence pour éviter un effondrement du Mali, qui aurait rendu vaine toute initiative internationale. Nous avions donc le devoir d'agir vite. C'est ce que le Président de la République a décidé après le conseil de défense réuni vendredi dernier.

La priorité consiste à accélérer le déploiement de l'opération africaine, qui doit aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle de leur pays.

D'ores et déjà, un échelon précurseur de l'état-major de la force africaine est arrivé à Bamako. De nombreux pays susceptibles d'envoyer des troupes ont exprimé leur volonté de participer à cette opération. Je pense au Nigeria, au Sénégal, mais aussi au Bénin, au Burkina Faso, à la Côte d'Ivoire, au Niger, au Tchad et au Togo, sans compter d'autres pays qui vont suivre. En conséquence, les premières troupes africaines devraient être en mesure d'arriver à Bamako d'ici la fin de la semaine.

Une réunion des chefs d'état-major de la CEDEAO se poursuit actuellement dans la capitale malienne et un sommet de l'organisation aura lieu à Abidjan le 19 janvier ; la France y sera représentée comme observateur par le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius. Il s'agit d'autant d'occasions de poursuivre la mobilisation africaine et de préparer le déploiement opérationnel de la MISMA.

La France se mobilise également, avec ses partenaires, pour accélérer la mise en place de l'opération européenne EUTM-Mali, qui apportera les indispensables soutiens en matière de logistique et de formation.

Catherine Ashton, dont je salue la contribution, a convoqué demain à Bruxelles une session extraordinaire du Conseil des ministres des affaires étrangères. La France souhaite que cette réunion permette de créer l'EUTM-Mali, d'en désigner le commandement et d'envoyer dans les prochains jours une équipe de précurseurs sur le terrain. Lors de cette réunion seront également examinées les réponses à apporter à la situation humanitaire, qui se dégrade sur le terrain et dans les pays voisins du Mali.

J'ai évoqué hier les mesures adoptées par le Gouvernement dans le cadre du plan Vigipirate. Elles ont pour but de renforcer la sécurité du territoire national, notamment dans les transports et dans les bâtiments publics, ainsi que dans les lieux de culte.

La même attention est portée à la situation de nos quelque 6 000 compatriotes qui résident au Mali et que nous avons encouragés, pour ceux dont la présence n'est pas indispensable, à quitter ce pays, sans pour autant procéder à leur évacuation. La présence de nos forces offre naturellement une protection à notre communauté, principalement installée à Bamako.

Enfin, comme je l'ai fait ces derniers jours, je souhaite évoquer la situation de nos otages et l'angoisse de leurs familles. Nous sommes évidemment totalement solidaires, mais, une fois encore, n'oublions pas que ceux qui détiennent nos otages sont ceux-là mêmes qui voulaient s'emparer de la totalité du Mali. Ne rien faire n'aurait en aucun cas contribué à la libération de nos otages.

Dans ces circonstances, je sais pouvoir compter sur l'unité de l'ensemble des forces politiques de notre pays pour soutenir l'action qui a été engagée par la France après la décision du Président de la République et du Gouvernement. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

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