Intervention de Denis Jacquat

Séance en hémicycle du 27 novembre 2015 à 21h30
Modernisation du système de santé — Article 46

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat :

Je m’exprimerai au nom du groupe Les Républicains, mais aussi, plus précisément, au nom de Jean Leonetti, dont je défendrai l’amendement no 261 .

Actuellement, si une personne décédée éligible au don d’organe n’a pas fait connaître expressément sa volonté, en particulier son refus, en s’inscrivant sur le registre prévu à cet effet, elle est présumée consentante au don d’organe. Pour autant, le code de la santé prévoit de consulter la famille pour s’assurer que la personne n’a pas fait part de son refus et obtenir son autorisation de procéder au prélèvement. Dans ce genre de situations dramatiques – car il s’agit toujours de décès brutaux et accidentels – le dialogue qui s’instaure entre les familles et l’équipe médicale est souvent essentiel au deuil.

Si l’intention de favoriser le don d’organe est louable – et nous la partageons –, cela ne peut pas se faire à n’importe quel prix. En supprimant, de fait, le temps de dialogue indispensable avec la famille, on prend le risque de brutaliser les proches qui sont déjà en état de choc. Il est vrai que les refus de dons sont nombreux en France – bien plus, par exemple, qu’en Espagne. Pourtant, notre législation est similaire. Il existe donc bien un problème dans notre pays à ce sujet, mais ce problème ne vient manifestement pas de notre législation.

C’est d’autant plus vrai que les 32 % de taux de refus correspondent à une moyenne et que ce taux varie considérablement d’une région à l’autre, voire d’un établissement à l’autre. Il y a donc tout lieu de penser qu’il s’agit bien plus d’un défaut de formation de certaines équipes que d’une mauvaise législation. Or, si l’on supprime la consultation obligatoire des familles, ces équipes, qui sont déjà mal formées, le resteront, aux dépens de familles déjà éprouvées.

Quelles actions l’Agence de biomédecine a-t-elle menées et mène-t-elle pour comprendre et réduire les différences de taux de refus entre régions, qui varie de 21 % à 63 %, du simple au triple ? Quelle politique d’information des citoyens est mise en oeuvre pour faire prendre conscience à chacun de l’importance du don d’organe ?

Le Journal officiel du 25 novembre a publié l’arrêté du 29 octobre 2015 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d’organes à finalité thérapeutique sur personne décédée. Parmi ces dispositions, le paragraphe IV-1-1 précise que le rôle de l’équipe médicale en charge du patient au moment du diagnostic, est d’annoncer le décès aux proches. Le paragraphe IV-1-2 précise que l’unité fonctionnelle médicale de coordination hospitalière doit s’assurer que le donneur potentiel n’est pas inscrit sur le registre national automatisé des refus, et participer systématiquement à l’accueil et à l’accompagnement des proches du donneur potentiel, selon les modalités prévues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Curieusement, il semble que plus personne ne parle de prélèvement d’organes aux proches.

La réponse apportée par ce texte revient à écarter toute discussion réelle avec la famille ou avec des proches. Qui pourra accepter, sans que cela entraîne des réactions profondes, d’être mis devant le fait accompli du prélèvement des organes de son proche, parce que celui-ci n’avait pas, de son vivant, inscrit son refus de donner ses organes sur le registre national informatisé ?

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