Intervention de Général Pierre de Villiers

Réunion du 25 novembre 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées :

S'agissant de la relation avec les Russes, il faut procéder par étapes et se mettre d'accord pour combattre ensemble notre ennemi commun. Une fois ce point politique réglé, nous pourrons organiser une coordination militaire. Aujourd'hui, nous n'en sommes pas là : nous avons un excellent état-major à CENTCOM, qui fonctionne bien, ainsi que des états-majors spécifiques pour les opérations navales et aériennes. Mais la Russie n'est pas intégrée à ce processus. Et s'il y a un mémorandum entre la Russie et les États-Unis permettant une déconfliction pour éviter que les avions en vol ne se télescopent, il n'y a pas à ce stade de coordination sur les cibles. Pour ma part, j'ai abordé avec mon homologue russe un point de coordination technique pour éviter que nos groupes navals et nos aéronefs ne se heurtent en Méditerranée orientale. Il y a des échanges avec les Russes depuis que le Charles-de-Gaulle est arrivé dans la zone et il y aura même des échanges croisés d'équipes sur les bateaux des deux pays de façon à se coordonner techniquement.

Sur le recrutement, je ne peux que me réjouir de ce qui se passe. Notre jeunesse attend un supplément d'âme, un cadre, une espérance, qui est en l'occurrence le service de la France. Les récents événements ont ravivé le sentiment patriotique. Pour les armées, rien n'a changé : nous n'avons jamais cessé d'avoir les couleurs du drapeau français dans chaque régiment, base aérienne ou sur les bateaux. Il est important pour nous de voir se lever ce drapeau et nous ne sommes pas dans l'effet de mode. Reste qu'il faut réfléchir au fait de savoir pourquoi des jeunes viennent chez nous et pourquoi d'autres partent chez Daech.

Ma parole est assez rare dans les médias, car c'est avant tout la parole politique qui doit porter. Mon temps est principalement consacré à l'action et ma responsabilité est de fédérer les armées derrière la mission qui m'est confiée. Cela suppose un gros travail en interne, pour que les gens comprennent qu'il faut une véritable obéissance active, dans laquelle l'adhésion l'emporte sur la contrainte – ce qui nécessite un engagement plein et entier des chefs et de moi-même.

De fait, la loi fondamentale de l'Allemagne doit être prise en compte dès lors qu'il s'agit de coopérer avec ce pays, en tout cas pour les opérations. J'espère que l'appel au titre de l'article 42-7 du Traité sur l'Union européenne sera suivi d'effets en termes de moyens. En tout cas, les militaires coopèrent entre eux et je suis très proche de mon homologue allemand. Il demeure qu'il faut une volonté politique pour avancer.

Monsieur Meunier, je n'ai pas d'éléments suffisamment précis pour vous dire ce qui s'est passé avec l'hélicoptère russe. Je comprends qu'il s'agissait d'hélicoptères destinés à récupérer les pilotes, mais je ne sais pas qui a tiré, quels sont les dégâts et ce qui s'est passé. Cela illustre mon propos sur la complexité – on ne dispose pas d'informations précises sur les gens qui étaient au sol à cet endroit-là – et doit inciter à la prudence.

Quant à la réserve RO2 dont vous parlez, monsieur Voisin, on y réfléchit dans le cadre du projet Réserves 2019. Le délai de cinq ans me paraît déraisonnable : je milite plutôt pour un délai de deux ans. Et je voudrais que la territorialisation des réserves soit un des principes majeurs de la nouvelle doctrine sur le territoire national. Le service national avait quelque chose d'exceptionnel : il était un lien avec la Nation et un creuset national. La territorialisation est un moyen de recréer ce lien.

Je suis bien placé pour savoir combien beaucoup veulent le rétablissement du service national. Partout où je vais, c'est pratiquement le premier sujet abordé. Cela étant, il s'agit d'un projet politique.

Enfin, une des ressources financières principales de Daech est en effet le pétrole. Il faut bien évidemment bombarder les sources d'approvisionnement de cette organisation mais ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Pour des raisons écologiques et éthiques, il n'est pas question de bombarder n'importe quoi n'importe comment. Je ne veux pas de dégâts collatéraux. En outre, il ne faut pas détruire l'infrastructure du pays – ce qui nous a coûté cher dans d'autres situations. La coalition a commencé à agir dans ce domaine. Il faut bien sûr couper les racines financières de Daech, qui reposent aussi sur l'impôt, lequel dépend de la confiance de la population. Cette confiance sera un des enjeux majeurs des semaines à venir : il faut que la population comprenne qu'elle doit basculer dans le camp de la coalition et de la communauté internationale. Je pense que petit à petit nous tarirons les ressources financières et humaines de Daech. Je n'ai pas de doute sur notre victoire militaire, mais elle ne sera pas à court terme, car chaque mètre doit être gagné et, tous les cent mètres, il y a des pièges à déminer, ce qui est très long, comme l'illustrent les opérations menées à Ramadi.

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