Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 9h30
Répression de la négation des génocides et des crimes contre l'humanité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons beaucoup parlé de droit aujourd’hui. Certains orateurs qui m’ont précédé ont expliqué, avec beaucoup de talent, leurs divergences. L’important est que nous partageons l’objectif de la proposition de loi : il n’est pas possible que, faute de toute protection juridique, ceux qui nient un génocide reconnu par le Parlement bénéficient dans la vie de tous les jours d’une totale liberté d’expression orale ou écrite.

Bien que nul ne conteste ce point, d’aucuns usent de toute une série d’arguties juridiques pour expliquer qu’en réalité, il faudrait attendre. Alors que le génocide arménien a été reconnu il y a quatorze ans par le Parlement français, nous continuons à débattre de l’incrimination de sa négation ! Quatre années ont d’ailleurs été perdues. Je m’en étonne, compte tenu des engagements qui avaient été pris.

Je me permets de donner mon sentiment.

Le point principal est l’absence d’éléments d’extériorité qui s’ajouteraient à la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement français. Le tribunal de Nuremberg a reconnu le génocide juif. Il n’y a pas eu de tribunal pour le génocide arménien, et pour cause. Celui-ci pâtit d’une double inégalité : non seulement il n’a pas bénéficié de la même protection pénale que le génocide juif, mais c’est sur la base de cette absence de protection qu’on se fonde aujourd’hui pour expliquer l’impossibilité d’incriminer sa négation. La proposition de loi vise à rééquilibrer la situation.

Je rappelle que la notion de génocide est apparue en droit international public en 1948. Il n’était donc pas possible qu’il soit utilisé lorsque les acteurs du système international prenaient des positions caractérisées dans les années quinze ou vingt. La rapporteure l’a très bien expliqué : on rencontre à l’époque le terme de crime, ou de crime de guerre. C’était ainsi qu’on désignait alors des faits qui ont été ensuite labellisés comme génocides.

On ne peut donc pas exciper de la non-utilisation du terme pour affirmer qu’il n’y a pas eu de reconnaissance extérieure du génocide. D’ailleurs, il n’est pas vrai qu’on ne puisse citer aucun texte. En droit international public, l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice reconnaît à la coutume internationale exactement le même niveau juridique qu’à une convention ou un traité.

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