Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Participation de fonds français au financement de daech — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, Daech, issu d’une branche dissidente d’Al-Qaïda, est devenu peu à peu, depuis 2014, l’organisation terroriste la plus puissante et dangereuse au monde. Elle est dangereuse par son idéologie macabre, puisque, sous couvert de principes islamiques, elle prône une doctrine mafieuse et criminelle, s’appuyant sur le djihadisme salafiste pour asservir les populations tombées sous son contrôle.

Elle est dangereuse aussi par son exportation du terrorisme, car depuis sa base arrière en Syrie et en Irak, Daech nous touche régulièrement en plein coeur. Les événements tragiques que nous vivons depuis le début de l’année l’illustrent bien sombrement.

Cette dangerosité, Daech la tire de sa puissance territoriale tout d’abord, puisque l’État islamique étend son influence sur environ la moitié des territoires irakien et syrien, en contrôlant les principaux points de communication et les axes stratégiques que sont les villes, les fleuves et les postes frontières. Ambitionnant d’établir à terme un califat allant du Levant à l’Irak, il continue son expansion terroriste et vise désormais Alep et Bagdad, poussant à l’exode plus d’un demi-million de réfugiés.

Sa puissance terroriste provient également de sa force combattante composée de plusieurs dizaines de milliers d’individus venus d’Irak et de Syrie pour la plupart, et aussi d’Occident.

« Mais c’est surtout grâce à des réserves de plus de 2 000 milliards de dollars que Daech peut financer ses exactions barbares. Les recettes tirées du pétrole restent, certes, importantes puisqu’elles devraient atteindre environ 600 millions de dollars en 2015, mais elles ont fortement diminué depuis l’an dernier, d’abord parce que les prix se sont effondrés de moitié en 2015. Par ailleurs, depuis août 2014, la coalition occidentale a mené environ 10 000 frappes aériennes contre Daech – intensifiées depuis les attentats de Paris – ciblant particulièrement les raffineries, les oléoducs et les camions de transport.

Daech produit du pétrole pour ses propres besoins, totalement autosatisfaits, parvenant à en vendre sur ses terres, y compris à ses opposants en Syrie, et à en exporter, alors qu’il est pourtant sous embargo – les frontières avec la Syrie et l’Irak étant poreuses, surtout celle avec la Turquie, au nord de la Syrie.

Pour compenser la baisse des recettes tirées du trafic de ressources naturelles, l’État islamique a considérablement augmenté ses activités crapuleuses. Les extorsions représentent désormais son plus gros poste de recettes. Il taxe tout : les biens de consommation, les télécoms, les retraits d’argent, les salaires, les pillages des sites archéologiques ainsi que les péages et les droits de passage. Outre les extorsions, l’État islamique pratique des confiscations, en s’appropriant tout ce que les habitants qui ont fui ont laissé derrière eux, l’esclavage sexuel, le trafic d’organes, le trafic d’êtres humains, ainsi que le kidnapping, dont les rançons représenteraient 4 % de son budget global.

Enfin, Daech a réussi à mettre la main sur le secteur financier, puisque dès juin 2014, en prenant Mossoul, la deuxième ville d’Irak, il a pris le contrôle de plusieurs banques privées et publiques, dont la succursale de la banque centrale d’Irak, faisant ainsi main basse sur 425 millions de dollars en argent liquide, et, côté syrien, du système bancaire avec les banques de dépôt.

L’État islamique a donc fortement diversifié ses ressources financières. Il est important, pour l’éradiquer, de s’y intéresser sérieusement. Les pays membres du G20 ont d’ailleurs été appelés, le 16 novembre dernier, à renforcer le combat contre le financement du terrorisme, en sus de l’action militaire.

En ce sens, la décision prise, mardi dernier, par la Conférence des présidents de notre assemblée, de créer une mission d’information portant sur les moyens dont bénéficie l’organisation terroriste Daech, est tout à fait justifiée. La mission d’information est en effet le format le plus adapté pour élargir le champ d’investigation, notamment dans la durée, contrairement à celui trop restreint qui nous est proposé aujourd’hui par la proposition de résolution demandant la création d’une commission d’enquête relative à la participation de fonds français au financement de Daech.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne soutiendra pas cette proposition de résolution ; il votera même contre. L’exposé des motifs, dans sa formulation et dans ses accusations, est indigne…

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