Intervention de Sophie Dessus

Réunion du 30 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Dessus, rapporteure pour avis pour les crédits du programme « Patrimoines » :

En travaillant sur le programme « Patrimoines », j'ai souhaité redéfinir ce que ce terme signifiait. Spontanément, le mot évoque la mémoire, mémoire de sites, de monuments, de documents ; mémoire révérée, mais en général figée dans son histoire. Pourtant, depuis une trentaine d'années, la notion de patrimoine a évolué, et suite au travail de personnalités telles qu'André Malraux ou Jack Lang, l'on n'hésite plus à considérer, selon la formule de Christian de Portzamparc, que « respecter le passé, c'est le faire revivre ».

J'ai en conséquence choisi de particulièrement m'intéresser dans mon avis budgétaire aux sites industriels « recyclés ».

Madame la ministre, la refonte du label « patrimoine du XXe siècle » nous amènera-t-elle à jeter un autre regard sur le patrimoine, environnement qui nous est familier mais que nous ne savons pas toujours regarder et que nous avons bien trop souvent défiguré ?

Ne l'oublions pas, le patrimoine c'est aussi ce qui est créé aujourd'hui et rentrera dans l'histoire demain ! Quelle marge de manoeuvre laissons-nous à nos artistes, en particulier à nos architectes, pour qu'ils aient la liberté de créer ce qui sera le patrimoine du XXIe siècle ?

Bien sûr, et heureusement, il y a Frank Gehry et son vaisseau amiral, mais quelle sera la place de la création architecturale dans la future loi que vous avez si justement consacrée « à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine » ? Permettra-t-elle de lutter contre ce que Rudy Ricciotti appelle le « salafisme architectural » ou la « pornographie réglementaire » ? L'appel de Jack Lang sera-t-il entendu, qui nous demande de déclarer la guerre à la routine stérile et d'utiliser le patrimoine comme un levier de l'aménagement du territoire et de l'urbanisation ? La révision des normes, en plus de libérer une créativité indispensable, permettrait de favoriser la diversité dans le respect de tous et de chacun. Elle se traduirait par des économies, et relancerait les chantiers et le BTP.

Pour en venir aux crédits du programme, je relève la stabilité de l'ensemble après deux ans de forte baisse. On peut même parler d'une très légère hausse de 0,6 %, soit 4,4 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires, ce qui est loin d'être négligeable dans un contexte de fortes contraintes marqué par la planification d'une baisse des dépenses publiques de 50 milliards sur trois ans. Cette stabilité confirme l'intérêt du Président de la République pour la culture. Il nous l'a encore rappelé dernièrement lors de l'inauguration du musée Picasso en affirmant que : « Le talent d'une nation se mesure à la place qu'elle accorde aux artistes. »

Quelques questions demeurent toutefois sur les variations budgétaires. Je relève par exemple une baisse de 1,3 % des crédits de restauration consacrés aux monuments historiques appartenant à l'État. Prévoyez-vous leur stabilisation à moyen ou long terme ? Ces crédits sont nécessaires à la sauvegarde du patrimoine, atout majeur de l'attractivité de la France et, en conséquence, du développement de son économie touristique ?

Une baisse est à noter également, qui peut paraître importante, des crédits consacrés aux archives et aux célébrations. Ce recul de 8,7 % concerne-t-il plus particulièrement les projets de numérisation des archives ou des reports sur ce programme, ou s'agit-il seulement de revoir à la baisse le budget des célébrations nationales ? Autant il était important d'insister en 2014 sur les commémorations relatives à la Grande Guerre, autant il me semble que les Français ne devraient pas trop nous en vouloir si l'anniversaire de la naissance de Pépin le Bref, né en 715, était célébré avec un faste des plus raisonnables. (Sourires.)

J'ai par ailleurs constaté que les crédits de l'Institut national de recherches archéologiques préventives étaient en forte progression. Cette évolution marque votre volonté de compenser la baisse des rentrées de la redevance d'archéologie préventive. Selon vous, quel peut-être l'avenir du financement de l'INRAP ? Quelles sont les perspectives de rendement de la RAP ?

Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous pour libérer l'architecture de la standardisation normative actuelle qui l'étouffe, « laminoir qui vous pèle l'âme jusqu'à l'os », selon Rudy Ricciotti, qui sait de quoi il parle. C'est à nous tous, amoureux du patrimoine et de son environnement, qu'il revient d'exaucer René Char : « Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. »

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