Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Information de l'administration et protection des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’adoption, la semaine dernière, dans le cadre de la « niche » du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à rendre automatique l’incapacité pénale d’exercice pour les personnes condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d’images pédopornographiques, nous abordons à nouveau le sujet grave de la lutte contre la pédophilie et de la protection des mineurs.

Quelques mois après les affaires de pédophilie survenues dans des établissements scolaires, notre devoir de législateur est d’améliorer notre droit afin d’éviter que de tels drames ne se reproduisent. Pour cela, il était avant tout nécessaire d’analyser les circonstances dans lesquelles l’autorité judiciaire et l’éducation nationale ont pu partager des informations relatives à ces condamnations, d’étudier les conditions de nomination de ces enseignants et de déterminer si les services de l’éducation nationale avaient été informés.

Tels étaient les objectifs de l’enquête administrative diligentée par les ministres de la justice et de l’éducation nationale. Le rapport d’étape remis en mai 2015 a permis de constater que, ni dans l’Isère, ni en Ille-et-Vilaine, l’éducation nationale n’avait pris connaissance des condamnations, quelques années plus tôt, de ces deux enseignants. Dans l’Isère, l’éducation nationale n’avait appris la condamnation de l’enseignant survenue en 2008 que lorsque celui-ci a été placé en garde à vue pour les faits de viol commis en 2015 ; avant cette date, rien dans le dossier administratif de l’intéressé ne semblait de nature à alerter son administration. En Ille-et-Vilaine, l’éducation nationale n’a été prévenue de la condamnation de l’enseignant survenue en 2006 que par l’ex-compagne de celui-ci.

En outre, il semble évident que la législation actuelle ne garantit pas systématiquement la mise à l’écart de certains milieux professionnels des personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur. Ces affaires ont donc mis en lumière des failles de notre droit, que nous devions rapidement corriger en améliorant dans les meilleurs délais la législation relative aux infractions sexuelles commises contre les mineurs.

Le parcours n’aura pas été sans embûches. Une proposition de réforme avait d’abord été introduite dans le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. La disposition concernée avait finalement été, comme vingt-six autres articles, déclarée contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait considéré qu’elle ne présentait pas « de lien, même indirect » avec l’objet du projet de loi. Le groupe UDI vous avait d’ailleurs mis en garde contre les dangers de la « surtransposition », dans un texte qui aurait dû se limiter à une stricte transposition du droit européen.

Le présent projet de loi apparaît, enfin, comme un véhicule législatif adapté pour remédier aux dysfonctionnements qu’ont révélés ces affaires. Nous espérons qu’il entrera rapidement en vigueur.

En vertu de ce texte, le procureur de la République sera tenu d’informer l’administration des condamnations et de certaines mesures de contrôle judiciaire prononcées à l’encontre de personnes exerçant une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs. Il aura également la faculté d’informer l’administration des mises en cause dès lors qu’elles résulteront d’indices graves et concordants, des poursuites engagées et des mises en examen prononcées.

En outre, le texte met en place un régime général, applicable à toutes les personnes exerçant des activités soumises à contrôle par l’administration et mises en cause pour des infractions pénales : le procureur de la République pourra alors informer l’administration ou les organismes de tutelle non seulement des condamnations non définitives, mais aussi des mises en examen ou des poursuites engagées. Sur ce point, je proposerai par voie d’amendement que la possibilité soit transformée en obligation : il s’agirait de garantir l’application de cette mesure dès lors qu’une personne serait mise en cause ou condamnée.

Par ailleurs, nous retrouvons dans ce texte la disposition adoptée la semaine dernière à l’initiative de notre collègue Claude de Ganay. Aujourd’hui, selon le code de l’action sociale et des familles, l’incapacité pénale d’exercice n’est automatique que lorsque la personne a été condamnée pour un crime, ou à une peine d’emprisonnement d’au moins deux mois sans sursis pour un délit. Cela peut aboutir à des situations inacceptables : des individus reconnus coupables de délits sexuels envers des mineurs et n’ayant été condamnés qu’à des peines de prison avec sursis peuvent continuer à travailler avec des mineurs. Rendre l’incapacité d’exercice indépendante de la nature et du quantum de la peine prononcée permet de rendre le prononcé de cette peine plus systématique. C’est donc une disposition utile.

Outre ces dispositions, le projet de loi apporte plusieurs modifications à notre droit, dans différents codes, notamment le code de l’éducation et le code du sport, afin de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités impliquant un contact avec des mineurs.

Mes chers collègues, ce projet de loi comporte des dispositions essentielles, nécessaires à l’amélioration de la protection des mineurs. De même que nous avons voté la proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains, le groupe UDI votera bien évidemment en faveur du présent projet de loi, fruit d’un travail de co-construction entre le Gouvernement et les parlementaires sur un sujet qui dépasse les clivages partisans.

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