Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Pénalisation de l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Cette mésaventure vient donc confirmer la pertinence du proverbe qui nous enseigne que l’enfer peut être pavé de bonnes intentions.

La faille juridique n’a été détectée par personne, jusqu’à ce qu’en juin 2015, confronté à une violation manifeste de la loi du 11 mars 1988 sur le financement des partis par une formation politique qui n’a pas plus la tête haute que les mains propres, le juge pénal se retrouve dans l’incapacité de lui appliquer les sanctions antérieurement prévues dans notre droit pour réprimer le financement illégal des partis par une personne morale.

Parce qu’il ne peut y avoir durablement de veine pour la canaille, le législateur a souhaité alors immédiatement intervenir. Dès le mois de juin, à l’initiative de notre excellent collègue Dominique Raimbourg, l’Assemblée nationale a introduit un dispositif rétablissant en substance le droit antérieur lors de la discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, adopté définitivement le 23 juillet dernier.

Cette disposition ne semblait pas sans lien avec l’objet du projet de loi puisqu’elle visait à renforcer la sécurité juridique des procédures pénales. Las, telle n’a pas été l’analyse du Conseil constitutionnel qui, saisi par plusieurs sénateurs, a jugé l’article en question sans « lien, même indirect, avec le projet de loi initial ».

« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise, modestement, à en terminer avec ce chemin de croix législatif. Elle a pour objet unique de rétablir les sanctions, à savoir un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, à l’encontre de tout bénéficiaire de dons consentis par une personne morale, quel que soit le montant du don, qu’il s’agisse d’une personne morale de droit français ou de droit étranger, y compris un État étranger.

Revenant sur l’un des seuls points du débat évoqué lors de l’examen en commission, je souhaite rassurer les quelques collègues qui s’interrogeaient sur le caractère intentionnel ou non de l’acceptation d’un don illégal. Je veux redire ici que l’objet de cette proposition n’est que de rétablir l’état du droit antérieur à 2013, qui réprimait le fait d’avoir accepté un don illicite.

Je rappelle en outre que, conformément à un principe général du droit pénal, l’élément intentionnel est bien nécessaire pour que l’infraction soit constituée. L’article 121-3 du code pénal dispose en effet qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

Je précise aussi que les mêmes sanctions demeurent, sans changement, applicables aux partis recevant des dons d’une même personne physique en méconnaissance du plafond de 7 500 euros par an.

L’un des mérites de la loi sur la transparence de 2013 est en effet, à mes yeux, d’avoir fixé ce nouveau plafond qui s’appliquait auparavant, non par donateur, mais par parti politique : une même personne pouvait donc donner chaque année 7 500 euros à autant de partis qu’elle le souhaitait – et cela s’est vu.

En tant que rapporteur, après avoir vérifié la solidité juridique du nouveau dispositif, je propose à l’Assemblée nationale de se prononcer de manière à permettre une adoption rapide de cette proposition de loi.

Cette suggestion me semble poser d’autant moins de difficultés que la rédaction issue des travaux du Sénat, en particulier d’un amendement du rapporteur Michel Delebarre, s’inspire très largement de celle que l’Assemblée avait retenue dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne en juillet dernier.

Nous sommes donc invités à nous prononcer sur un texte dont nous avons déjà eu l’occasion d’approuver, pour l’essentiel, le dispositif. Je remercie l’ensemble des groupes, qui ont fait le choix de ne déposer aucun amendement.

En conséquence, rien ne s’oppose à l’adoption, sans modification, de la proposition de loi. Celle-ci permettra de redonner au plus vite à notre droit toute son efficacité pour contribuer au respect de bonnes pratiques en matière de financement des partis politiques. Je crois que nous pouvons décider de cela simplement, rapidement et sans doute unanimement.

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