Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Pénalisation de l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, depuis 1988, les partis politiques bénéficient en France d’une aide publique, constituée depuis 1990 de deux fractions.

La première, calculée pour cinq ans, revient aux partis politiques ayant réuni un électorat suffisant lors des précédentes élections législatives. Ce montant est en principe proportionnel au nombre de suffrages obtenus par les partis politiques concernés au premier tour des élections législatives générales. En outre, pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, ce montant est d’autant plus réduit que l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe est important.

La seconde fraction repose sur le nombre de parlementaires qui déclarent se rattacher pour l’année au parti politique de leur choix bénéficiant de la première fraction.

À côté de l’aide publique, les partis politiques peuvent également bénéficier d’un financement privé. Mais, compte tenu du financement public, le juge constitutionnel a admis des limitations législatives à cette possibilité. Ainsi, le financement d’un parti politique par une personne morale, à l’exception d’un autre parti politique ou bien d’une personne physique, est interdit si le montant des dons cumulés excède 7 500 euros par an.

Or, l’article 15 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est venu modifier la prise en compte de ce plafond. En effet, auparavant, le plafond annuel de 7 500 euros s’appréciait par parti politique, ce qui permettait à une même personne de donner la somme maximale à plusieurs partis, y compris à des « micro-partis » collectant au profit d’un seul parti. Le législateur a décidé que ce plafond ne s’appréciait plus par parti politique, mais par donateur, quel que soit le nombre de partis bénéficiant d’un don de cette personne.

Cependant, la nouvelle rédaction de l’article 11-5 de la loi du 11 mars 1988, entrée en vigueur le 13 octobre 2013, a permis que la violation de la règle pour une personne morale ne soit plus sanctionnable. En plafonnant à 7 500 euros par an les dons des personnes physiques aux partis politiques, la modification établie en 2013 a en effet supprimé, « légistiquement », les sanctions des dons des personnes morales aux partis politiques, alors que les débats parlementaires attestent que telle n’était pas la volonté du législateur.

Résultat : au printemps 2015, dans le cadre d’une procédure judiciaire, les juges d’instruction se sont trouvés dans l’incapacité de poursuivre un parti politique – le Front national – pour financement par une personne morale. La nouvelle rédaction de la disposition ne pénalisait plus le financement d’un parti politique par une personne morale, puisqu’entrait dans l’incrimination de cet article le seul financement illégal par une personne physique.

En l’état du droit, le financement d’un parti politique par une personne morale reste illégal mais l’interprétation stricte de la loi pénale empêche d’incriminer ceux qui effectuent ou reçoivent un tel don. Cette impasse n’a pas manqué d’avoir un certain retentissement médiatique, d’où la nécessité de cette proposition de loi.

Madame la ministre, le présent texte vise ainsi à corriger la malfaçon législative opérée en octobre 2013, qui vient souligner la précipitation dans laquelle nous avions voté. Son article unique vise à redéfinir l’infraction, sans modifier les peines encourues, de telle sorte que soit passible de ces sanctions – 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement – le don d’une personne morale, au même titre que le don d’une personne physique, au-delà du plafond légal. De plus, afin d’éviter toute interprétation restrictive, sont également mentionnés explicitement les dons reçus d’États étrangers ou de personnes morales de droit étranger, desquels les partis ne peuvent recevoir ni contributions, ni aides matérielles.

Par ailleurs, l’article clarifie le régime des sanctions contre les donateurs, afin de garantir qu’un donateur, personne physique ou morale, soit punissable pénalement pour tout don versé en violation des mêmes dispositions.

La proposition de loi vise donc à réparer la lacune pour l’avenir, mais signalons que le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère fait obstacle à l’engagement de poursuites pénales pour des faits commis entre le 13 octobre 2013 et la date d’entrée en vigueur de la loi qui sera issue du texte en discussion.

Même s’il est regrettable que cette proposition de loi vienne illustrer la précipitation parfois dangereuse dans laquelle nous sommes obligés de mener nos travaux, le groupe Les Républicains votera ce texte, sachant que son adoption permettra au moins un rétablissement utile de l’incrimination.

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