Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 15h00
Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du texte, issu de la commission mixte paritaire, relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. C’est un texte compliqué techniquement et administrativement, mais, comme cela a été dit, il est aussi très important, puisqu’il s’agit de la première pierre de la « République numérique » annoncée ce matin en Conseil des ministres. Or nous sommes tous soucieux que notre pays soit à la pointe du développement de l’économie numérique.

La pierre angulaire de ce texte est la consécration du principe de la gratuité de l’accès aux données numériques publiques. Pour ce faire, le Gouvernement, afin de changer la législation française en la matière, nous présente un ensemble cohérent de trois textes sur l’open data ; les deux autres seront le projet de loi sur la République numérique et le projet de loi sur l’écosystème numérique. Ces trois textes permettront une réutilisation automatisée des données publiques, dès le recueil et la production des informations, afin d’assurer la fluidité de la circulation de l’information entre le collecteur, le producteur et l’utilisateur. Si nous avons déploré l’absence d’un projet global sur le numérique, nous comprenons toutefois les raisons de ce choix.

Afin de mettre la législation française en conformité avec nos obligations européennes, le texte qui nous est présenté aujourd’hui transpose la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, nous évitant ainsi d’être condamnés à une amende ; se trouvent ainsi modifiées les dispositions de la directive du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public.

Le présent texte s’intéresse à toutes les données détenues et créées par l’administration. Il s’agit de tous les documents produits ou reçus par l’État, les collectivités territoriales, ainsi que les autres personnes de droit public ou de droit privé, dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public administratif ; ne sont pas concernées les informations issues du service public industriel et commercial. L’objectif est de permettre la réutilisation de ces informations à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle elles ont été produites ou perçues. Il en va ainsi de la rediffusion de documents produits par l’administration ou de l’utilisation d’informations en vue d’élaborer d’autres produits pour le développement d’une activité économique.

Déjà, par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, la France reconnaissait à toute personne le droit d’obtenir communication des documents détenus par une administration dans le cadre de sa mission de service public, quels que soient leur forme ou leur support. Dès son titre Ier, les principes de la liberté d’accès aux documents administratifs et de la réutilisation des informations publiques étaient posés. La directive du 26 juin 2003 avait par la suite doté la France d’un véritable droit à la réutilisation des informations publiques.

Le but du présent texte est de permettre la mise à disposition d’office des documents au public, c’est-à-dire en dehors de toute demande d’information adressée à l’administration. Cet accès facilité est une chance pour l’administration dans le cadre de sa recherche d’efficacité, d’effectivité et de rentabilité. Ouvrir à tous les données ne comportant pas d’informations à caractère personnel ou protégé avant même qu’une demande ne soit formulée épargnera en effet à l’administration la répétition d’opérations de communication individuelle et limitera ainsi les coûts pour le contribuable.

En tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable sur le programme no 170, « Météorologie », j’émettrais cependant une objection – pour ne pas dire une critique.

Cette politique d’ouverture permettra de développer de la valeur, de la richesse et aussi du partage. À titre d’exemple, c’est en partie grâce à l’échange de données météorologiques que le système d’alertes précoces appelé « CREWS », dont j’ai assisté au lancement dans le cadre de la COP21, a vu le jour, à la suite d’une étroite collaboration entre la France, qui fut le moteur, l’Australie, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Japon et le Royaume-Uni. Il permettra d’informer, de prévenir et de préserver les territoires les plus menacés par la montée des océans consécutive au dérèglement climatique, donc de sauver des vies humaines.

Toutefois, la mise à disposition gratuite de données qui, pour certaines d’entre elles, étaient payantes, va provoquer une perte de revenus immédiate pour plusieurs opérateurs, comme Météo-France. Or, dans le même temps, l’afflux de demandes obligera ceux-ci à mettre en place des infrastructures de transmission adaptées. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire, soit aujourd’hui, soit ultérieurement, comment l’État prendra sa part des coûts induits, vu le contexte budgétaire difficile que connaissent de nombreuses agences publiques, dont Météo-France ?

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera néanmoins le présent projet de loi, car, comme le disait dans l’Épître à Huet Jean de La Fontaine – né à Château-Thierry : « Ne pas louer son siècle est parler à des sourds. »

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