Intervention de Henri Guaino

Réunion du 14 janvier 2013 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Guaino :

Permettez-moi, madame la rapporteure, sans avoir été un opposant d'hier – je n'étais pas opposé au PACS, je ne suis pas intervenu dans le débat à l'époque –, d'être un opposant d'aujourd'hui. Je ne suis pas seul dans ce cas au sein de mon parti.

Permettez-moi également, moi qui n'ai jamais eu le moindre problème avec l'homosexualité ni exercé la moindre discrimination vis-à-vis des homosexuels, de m'opposer au projet sans être homophobe.

Ayant été élevé moi-même par deux femmes, je ne considère pas que deux personnes de même sexe ne puissent donner à un enfant l'amour qu'il mérite. Là n'est pas le sujet.

Contrairement à l'image caricaturale qu'on a voulu en donner avant la manifestation, les Français qui étaient dans la rue hier – plus d'un million – étaient des gens simples, des familles qui ont payé leur voyage pour venir parfois de très loin. Ils n'ont pas manifesté contre l'homosexualité. Ils n'ont pas manifesté contre le droit de chacun de vivre sa sexualité à sa façon, ni même contre le droit, pour les homosexuels, de s'unir et de faire reconnaître leur union par la société.

Or, en ouvrant aux couples de même sexe la possibilité se marier, vous prenez le risque de diviser les Français. N'avez-vous pas reconnu, madame la rapporteure, que des difficultés sont apparues qui n'existaient pas avant l'ouverture du débat ?

La reconnaissance de l'amour homosexuel est une revendication légitime, tout comme l'égalité des droits entre les couples. Mais il n'est nul besoin de dénaturer le mariage et de bouleverser la filiation pour y répondre.

Contrairement à ce que vous soutenez, madame la présidente, personne ne propose de changer le mot « mariage ». Le mariage n'est pas un nom, c'est une institution, comme le disait aussi M. Jospin. Et cette institution a à peu près la même nature et la même fonction dans toutes les sociétés depuis qu'il y a des sociétés organisées, c'est-à-dire, selon les anthropologues, depuis 200 000 ans. Elle existait avant l'Église, avant la religion chrétienne, avant le judaïsme, avant toutes les religions que nous connaissons aujourd'hui. La République et le Consulat l'ont reprise dans le code civil et l'ont laïcisée. Elle est même devenue, aux yeux de certains juristes, un principe fondamental reconnu par la loi. Partout et toujours, le mariage a été l'union d'un homme et d'une femme souhaitant avoir des enfants, dans le but principal de mettre de l'ordre dans la filiation.

Lorsque vous évoquez l'égalité des droits, de quels droits s'agit-il ? Que le Gouvernement le veuille ou non, qu'il l'assume ou non, l'ouverture du mariage à tous revient uniquement à étendre le droit d'avoir un enfant à tous les couples, y compris à ceux qui, par nature, ne peuvent pas en avoir, donc à remettre en cause les principes de la filiation. Je vous invite à relire les propos de Mme Guigou défendant le PACS en 1998 : sous les applaudissements du groupe socialiste, si j'en crois le compte rendu analytique de l'époque, elle expliquait pourquoi il ne fallait surtout pas toucher au mariage et à la famille, mais s'en tenir au couple.

L'adoption de ce projet de loi créerait une pression considérable en faveur de l'utilisation et de la légalisation de toutes les méthodes imaginables de procréation médicale. Elle exposerait au risque d'introduire dans la procréation des relations marchandes de client à fournisseur, désastreuses pour la dignité des femmes et pour l'enfant qui, de sujet de droit, deviendrait un objet de droit et dont l'intérêt serait subordonné au contrat passé entre parents biologiques et parents sociaux.

Le Gouvernement nie ce risque. Dont acte. Nous pensons pour notre part qu'il faut le prendre très au sérieux. Aucune digue juridique ne tiendrait bien longtemps dès lors que le mariage pour tous serait instauré.

Le texte modifie une bonne centaine d'articles du code civil pour en effacer notamment les mots de « père » et de « mère ». Et sans doute, pour ne pas laisser s'installer une inégalité entre les enfants qui ont un père et une mère et les autres qui n'en ont pas, décidera-t-on ensuite que plus aucun enfant n'aura ce droit. Il n'y aura plus que les parents 1 et 2. Ce bouleversement sans précédent de nos représentations sociales est un risque considérable.

C'est pourquoi il appartient au peuple de trancher la question. La légitimité du Parlement est ici insuffisante. Nous n'avons pas reçu mandat pour provoquer un tel bouleversement.

S'agissant d'un autre de ses engagements, la participation des étrangers aux élections municipales, le Président de la République devra respecter des règles très contraignantes. Pourquoi donc, sur le sujet du mariage, refuser de donner la parole au peuple ?

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