Intervention de Guillaume Garot

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 21h45
Lutte contre le gaspillage alimentaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chers collègues, ce soir, je veux partager avec vous la fierté d’un travail collectif, la fierté d’un beau travail législatif qui dotera la France de règles claires contre le gaspillage alimentaire.

Ce travail, nous l’avons mené ensemble depuis des mois, en pleine harmonie avec la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, dont je veux saluer la détermination et l’aide précieuse sur le sujet.

Ce travail, nous l’avons mené dans un esprit de cohésion républicaine, chacun ayant pu apporter sa pierre à l’édifice. Je veux saluer en particulier l’apport de Jean-Pierre Decool, qui s’était engagé sur ce thème, à travers une proposition de loi dont nous avons repris des aspects importants dans le texte qui vous est soumis ce soir. Je veux aussi remercier Brigitte Allain, Hervé Pellois, Dominique Potier de leur collaboration active, tout comme Frédéric Lefebvre, qui avait défendu, avec la ténacité qu’on lui connaît, un amendement dans le cadre de la loi Macron.

Mais vous me permettrez surtout, ce soir, de rendre hommage à tous ceux et à toutes celles qui, depuis des années, agissent au quotidien pour réduire le gaspillage alimentaire. Ils sont militants associatifs ; ils sont agents de restauration dans les collectivités ; ils sont élus locaux ; ils sont directeurs de supermarchés ; ils sont industriels, agriculteurs ou simples consommateurs ; ils sont citoyens engagés, en particulier sur les réseaux sociaux, et ils ont en commun de ne plus supporter le gaspillage alimentaire.

C’est aussi avec eux, c’est aussi pour eux que nous présentons ce texte de loi, pour ôter les verrous qui freinent les initiatives sur le terrain et pour bâtir un cadre légal contre le gaspillage. Ils ont été des pionniers ; ils ont ouvert le chemin que nous devons, nous législateurs, élargir et prolonger.

Notre combat contre le gaspillage, c’est d’abord un combat contre l’absurde : produire pour détruire, fabriquer pour perdre. Un non-sens : vingt à trente kilos de nourriture, toujours consommables, jetés chaque année par chacun de nous, en pure perte.

Notre combat vise à redonner de la valeur à l’alimentation, qui porte considération au travail de celui qui la fabrique, du producteur jusqu’au cuisinier.

Notre engagement, c’est un engagement pour une société de la responsabilité et de la solidarité ; c’est l’engagement pour produire autrement et pour consommer autrement.

Notre défi, c’est le défi alimentaire. Il est planétaire : il faudra nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, avec toujours une seule planète, alors qu’aujourd’hui, au plan mondial, nous gaspillons, nous perdons un tiers de ce que nous produisons. Pour nourrir chacun, il faut commencer par ne pas gaspiller l’alimentation et donc ne pas gaspiller les ressources.

Nous sommes là au coeur des enjeux de la COP21 car le gaspillage alimentaire est l’équivalent du troisième émetteur de gaz à effets de serre, après la Chine et les États-Unis. C’est donc un enjeu écologique majeur, autant qu’un enjeu économique pour notre pays comme pour chacun de nous, comme consommateurs, puisque ce gaspillage représente près de 100 euros jetés par chacun, chaque année, à la poubelle.

Le vote de cette loi confirmera ainsi le rôle moteur que joue la France dans le développement durable sur la scène internationale, alors que la conférence Paris Climat 2015 est actuellement réunie au Bourget. Notre texte s’inscrit dans cette nouvelle impulsion publique pour l’écologie.

Je tiens en ce sens à saluer une nouvelle fois la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, défendue ici même en juillet dernier par le Gouvernement, qui supprime notamment l’obligation d’inscription de la DLUO – date limite d’utilisation optimale – sur les produits alimentaires non périssables. Trop souvent, les consommateurs et les grandes surfaces, parfois mal informés, jettent en quantité ces produits alors que la date inscrite sur leur emballage ne signifie en aucune façon un danger pour la santé, mais juste une perte des qualités organoleptiques.

Les dispositions relatives à la lutte contre le gaspillage présentes dans cette proposition de loi affirment ainsi la nécessité d’une stratégie nationale cohérente, qui devra être poursuivie dans les années à venir : c’est notre responsabilité et c’est bien autour de ce principe de responsabilité que nous devons construire une politique publique contre le gaspillage. L’alimentation n’est pas une marchandise comme les autres : chacun, du producteur jusqu’au consommateur, doit mesurer et assumer la responsabilité qui est la sienne pour redonner de la valeur à l’alimentation.

La puissance publique doit agir en ce sens. C’est ce que nous faisons ce soir, et ce que nous devons continuer à faire au-delà même du cadre législatif, car tout ne relève pas de la loi : l’action réglementaire, qu’elle soit européenne ou nationale, est capitale, tout comme le champ contractuel, c’est-à-dire les relations entre les différents acteurs. Nous devons tous veiller à faire converger ces actions, en particulier les actions publiques.

Sur le fond, le texte que je vous propose ce soir est composé de quatre articles. Le premier vise à inscrire dans la loi la hiérarchie des actions à mettre en oeuvre pour prévenir le gaspillage et valoriser les surplus alimentaires. Cet article généralise les dons alimentaires des grandes et des moyennes surfaces vers les associations caritatives à travers une convention qui prévoira les modalités du don.

Je tiens à rappeler qu’il est crucial qu’un tel encadrement du don alimentaire existe. Il ne s’agit pas d’autoriser un don alimentaire sans garantie, sans garde-fou, à la fois pour celui qui donne – la grande surface – et pour celle qui reçoit – l’association.

Seules les associations qui bénéficient de l’habilitation délivrée soit par le ministère, soit par le préfet, seront autorisées à traiter avec les grandes surfaces et pourront ensuite redistribuer les dons, parce qu’elles assurent une gestion que nous considérons comme responsable et sécurisée. Ces associations attendent de recevoir un don de qualité parce qu’elles considèrent, de façon parfaitement légitime, qu’elles n’ont pas à être des centres de tri des invendus des grandes surfaces.

En outre, je tiens à le souligner, cet article prévoit des sanctions financières afin de dissuader la destruction volontaire des denrées encore consommables – ce que l’on appelle communément la « javellisation » – encore trop souvent pratiquée, malheureusement, par bon nombre de grandes surfaces. Voilà donc ce qu’il en est de l’article 1er.

L’article 2, quant à lui, modifie le régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits sous marque distributeur – les MDD – en l’occurrence refusés par le distributeur.

Aujourd’hui, ces produits refusés pour des raisons diverses par les supermarchés avant la mise en rayon – je le précise – ne peuvent pas être donnés librement par le fabricant et finissent le plus souvent à la poubelle car ce dernier ne peut pas disposer de la propriété intellectuelle de la marque.

Pour permettre le don et éviter un gaspillage invisible mais néanmoins très conséquent, le texte propose de lever ce frein juridique.

Quant à l’article 3, il propose de mieux intégrer la lutte contre le gaspillage dans les programmes scolaires.

Le respect de l’alimentation, vous le savez aussi bien que moi, n’est pas inné. Le rôle de l’école doit être de compléter l’éducation parentale en sensibilisant quotidiennement les élèves au respect des denrées et aux conséquences du gâchis alimentaire.

Même si ce n’est pas stricto sensu inscrit dans le texte, son esprit est bien tel : nous considérons que cette éducation à l’alimentation pourra être faite à la cantine en valorisant l’origine ainsi que la qualité des produits et en faisant le lien – j’y reviens – avec le travail de ceux qui produisent, transforment et cuisinent les aliments. C’est aussi un aspect très important de la question dès lors que l’on souhaite mettre en valeur le travail autour de l’alimentation.

Plus largement, et nous en sommes j’en suis sûr ici tous convaincus, l’éducation contre le gaspillage prend tout son sens dans l’éducation à l’alimentation.

Je rappelle que cette notion a été élaborée dès la loi d’avenir pour l’agriculture du mois de janvier 2014. D’une certaine façon, cette proposition de loi s’inscrit dans sa continuité en mettant en avant la nécessité d’une éducation à l’alimentation, aujourd’hui, en France, selon les modalités que je viens de vous indiquer.

Enfin, l’article 4 insère la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le champ de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la RSE.

Le gâchis, bien sûr, ne concerne pas seulement les consommateurs – même s’ils sont finalement les premiers gaspilleurs, nous le savons bien – mais l’ensemble de notre appareil productif, lequel doit pouvoir désormais intégrer les exigences qu’imposent une consommation et une production plus responsables, à chaque maillon de la chaîne alimentaire.

Cet article visera donc à faciliter la création et la diffusion des programmes de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les entreprises. De ce point de vue, le champ qui doit être labouré est très vaste.

Pour conclure, chers collègues, je dirais qu’avec ce texte – si vous le votez ce soir, bien entendu –, la France deviendra le pays le plus avancé et le plus volontariste d’Europe contre le gaspillage alimentaire.

Nous nous inscrivons dans la démarche qu’a initiée ici même Ségolène Royal avec la loi de transition énergétique, qui place la France en tête de tous les pays du monde pour changer nos modes de production et engager notre pays dans l’économie du XXIe siècle.

Oui, nous pouvons revendiquer ce texte comme une avancée qui relève finalement d’un choix de société, contre les dérives de la surconsommation et pour une société et une économie du développement durable !

Ce texte, répétons-le ce soir, est une étape, un cadre pour agir mais rien ne sera possible sans la prise de conscience de chacun de nous en tant que consommateur et, surtout, en tant que citoyen : nous sommes les acteurs d’un monde aux ressources limitées.

Alors, donnons à notre pays des outils efficaces contre le gaspillage ! Avançons pour donner force et cohérence à l’action publique de l’État et des collectivités locales dans les territoires !

Surtout – je termine sur ce point – continuons à appuyer toutes les initiatives, tous ces trésors de générosité et d’inventivité qui s’épanouissent en France pour bâtir un monde que nous voulons plus juste et plus humain !

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