Intervention de Hervé Pellois

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 21h45
Lutte contre le gaspillage alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Pellois :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lutter contre le gaspillage alimentaire, ce n’est pas seulement réduire nos déchets, c’est également lutter contre la perte de pouvoir d’achat. Vingt à trente kilos de nourriture sont jetés chaque année par chacun d’entre nous, ce qui représente la coquette somme de 12 à 20 milliards d’euros gaspillés pour notre seul pays. C’est plus que le déficit de la sécurité sociale.

Mais lutter contre le gaspillage, c’est aussi agir contre le réchauffement climatique – madame la ministre et monsieur le rapporteur ont rappelé des chiffres effrayants en matière de rejets de gaz à effet de serre. On gaspille également des ressources en eau, qui nous sont précieuses, sans compter qu’on cultive des terres inutilement : 28 % des terres agricoles servent ainsi à produire des aliments qui finiront à la poubelle.

Lutter contre le gaspillage, c’est également mettre fin à la destruction de denrées alimentaires encore consommables, alors que des personnes, aujourd’hui, ne mangent pas à leur faim quotidiennement. Comment justifier que 30 % de la production alimentaire mondiale soit jetée, quand 11 % de la population est encore sous-alimentée ? Tels sont les enjeux économiques, écologiques et éthiques auxquels cette proposition de loi répond.

Elle est le fruit d’un long travail, de la persévérance de notre rapporteur Guillaume Garot et de l’engagement de tous les groupes politiques. Elle nous touche tous en tant que citoyens, ce qui nous permet aujourd’hui de présenter un texte faisant consensus. Les amendements que nous avions présentés initialement, dans le cadre du débat sur la loi de transition énergétique, ont été votés à l’unanimité. C’est pourquoi nous présentons de nouveau ces mêmes dispositions, mais dans un cadre normatif différent. C’est un texte de consensus, qui a vocation à concerner chacune et chacun d’entre nous.

Quatre articles sont au coeur de la proposition de loi. L’article 1er établit une hiérarchie des actions à engager pour chaque acteur de la chaîne alimentaire. Prévenir la production d’invendus doit être la première d’entre elles. Si cela n’est pas possible, il conviendra alors de valoriser l’alimentation produite en la dirigeant prioritairement vers la consommation humaine ou, le cas échéant, vers une valorisation destinée à l’alimentation animale. Enfin, si aucune de ces actions n’est envisageable, les acteurs concernés devront avoir recours au compost pour l’agriculture ou à la valorisation énergétique, notamment par méthanisation.

Afin de faciliter la mise en oeuvre de la valorisation des aliments produits pour la consommation humaine, il a été décidé qu’une convention, actuellement en cours d’élaboration par les partenaires de terrain, devra lier chaque grande surface à une ou plusieurs associations de solidarité. C’est donc une avancée considérable que nous entérinons aujourd’hui et je tiens, à mon tour, à saluer le travail des associations que nous avons reçues à plusieurs reprises. Elles participent pleinement à la lutte contre le gaspillage alimentaire tout en mettant en oeuvre des actions de solidarité indispensables pour notre pays.

L’article 2 modifie le régime juridique des producteurs du fait de produits défectueux. En effet, en cas de retour de produits abîmés ou mal calibrés au producteur, ce dernier ne pouvait en faire don, notamment pour les produits à marque de distributeurs. Ce sera désormais possible. Enfin les deux derniers articles insèrent des mesures touchant à l’éducation et à la responsabilité sociétale des entreprises, intégrant ainsi tous les acteurs, ou presque, concernés par le gaspillage alimentaire.

Si ces mesures sont indispensables, elles ne sauraient se suffire à elles-mêmes, car si la loi est un outil utile, elle doit également délivrer un message. La proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire a cette fonction. Elle incite à oeuvrer à la responsabilisation de chaque acteur et à inscrire davantage notre modèle de développement dans une logique de circuits courts. Les pertes de produits alimentaires en France se trouvent essentiellement au niveau de la production, de la distribution et du consommateur.

C’est donc d’abord notre propre comportement en tant que citoyens que nous devons interroger, puisqu’il nous faut repenser notre façon de consommer. En tant que citoyen, agir pour le climat dans le contexte de la COP21, ce n’est pas seulement prendre son vélo ou les transports en commun pour aller au travail : c’est aussi éviter le gaspillage alimentaire à sa propre échelle. Trop d’aliments terminent à la poubelle. Plus de la moitié provient de repas non consommés, de fruits et de légumes passés. S’il est une action que tout Français peut entreprendre pour lutter contre le réchauffement du climat, c’est bien celle-ci. Nous sommes responsables du gaspillage à travers notre façon de consommer et de faire nos courses. Pour changer nos habitudes, il convient d’être attentifs aux dates limites de consommation.

Le vote, l’été dernier, de la suppression de l’obligation d’inscrire une date limite d’utilisation optimale sur les denrées non périssables facilite cette démarche. Il convient également de bien conserver nos aliments et de ne pas acheter plus que ce dont nous avons besoin : en effet, nous achetons encore beaucoup trop de produits frais qui ne se conservent que quelques jours et que nous ne consommons pas. Les initiatives du type doggy bag, lancées par les restaurateurs et qui permettent de récupérer les restes de notre assiette, nous invitent également à modifier nos façons de consommer et de nous nourrir. Cette habitude, qui est bien ancrée en Italie, aux États-Unis et en Asie, devrait pouvoir se développer chez nous.

La distribution peut, elle aussi, aller plus loin dans la réduction du gaspillage. Si le conventionnement du don des invendus alimentaires représente une avancée considérable, il n’a d’effet qu’en aval. Or, il nous faut également réduire les quantités données en amont, assouplir les règles de calibrage ou effectuer des démarques plus appropriées, ce qui ne fera d’ailleurs que renforcer la qualité du don pour les denrées restantes.

En élargissant le 30 novembre dernier le champ des réductions d’impôts, afin de permettre aux producteurs de donner des fruits, légumes et pommes de terre transformés, le Gouvernement a voulu, cette fois, responsabiliser un peu plus les producteurs. Il existe bien entendu des modes de ventes directes mais elles sont encore trop marginales. Développer les circuits courts, rendre le consommateur plus attentif aux contraintes du producteur, encourager l’agroécologie, conforter les produits de terroir, renforcer la consommation de proximité : telles sont les initiatives que nous devons développer pour agir pour notre planète.

C’est donc bien à la responsabilisation de chaque acteur de la chaîne alimentaire qu’il nous faut oeuvrer à terme : responsabilité non seulement du producteur, de l’industriel, de la grande surface, du commerçant et de l’association qui reçoit les dons, mais aussi du consommateur. C’est seulement ainsi que nous parviendrons à réduire fortement le gaspillage alimentaire en France.

Je finirai mon intervention en exprimant la même inquiétude que vous, madame la ministre. Le nouveau paquet sur l’économie circulaire présenté, le mois dernier, par la Commission européenne, ne prévoit pas d’objectif de réduction du gaspillage alimentaire. Il requiert simplement des États une surveillance et une évaluation des mesures de prévention de ce gaspillage, alors que l’ancien paquet prévoyait une réduction d’au moins 30 % entre 2017 et 2025. Les politiques nationales et européennes doivent converger vers un même objectif.

Je compte donc sur la mobilisation de nos collègues eurodéputés, et sur vous, madame la ministre, pour que la lutte contre le gaspillage alimentaire ne soit pas un objectif uniquement national, mais bien européen et mondial.

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