Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 21h45
Lutte contre le gaspillage alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, alors que se concluent les négociations sur le climat à quelques kilomètres d’ici, voter la proposition de loi pour lutter contre le gaspillage alimentaire est tout à fait opportun. Je saisis d’ailleurs l’occasion de ce débat pour déplorer que l’alimentation ne fasse pas partie de l’agenda de la COP21, celle-ci représente pourtant plus d’un quart des émissions à effet de serre, transport compris.

Par ailleurs, je veux dire et redire, dans chaque instance et dès que l’occasion se présente, que les ressources de notre planète ne sont pas inépuisables. On n’a pas de planète B, disent certains. Aussi, les ressources qui la composent sont précieuses. Nos terres nourricières sont toujours davantage grignotées, tous les habitants de cette Terre n’ont pas accès à l’eau, et nous surconsommons les énergies fossiles pour produire les matières premières agricoles. L’enjeu du gaspillage alimentaire se trouve là.

S’il était un pays, le gaspillage alimentaire serait le troisième pollueur mondial ! Après la Chine et les États-Unis. Vous connaissez ce chiffre : 30 % de gaspillage alimentaire. Il est donc urgent de mettre en place une économie circulaire, qui veille à l’écoconception des produits, et à leur deuxième vie : recyclage, réutilisation, valorisation. Nous n’avons pas assez de marges de manoeuvre pour continuer à gâcher !

Humainement, il n’est pas acceptable de laisser des personnes mal nourries dans notre pays et sous-nourries dans beaucoup d’autres, pendant que certains abandonnent par paquets des aliments tout à fait consommables.

C’est en partie à ce problème que s’attaque la proposition de loi que nous examinons ce soir. En effet, l’objet principal de ce texte est de contraindre la grande distribution à donner à des associations agréées des produits encore consommables retirés des rayons. Il va même plus loin, en fixant une hiérarchie des usages du produit. Ainsi, quand ces produits alimentaires ne sont pas consommables par les humains, ils doivent être orientés vers les filières d’aliments pour animaux. Ensuite, il est proposé de les retourner à la terre via le compost et, pour finir, ces produits pourront être méthanisés pour produire de l’énergie ou de la chaleur. Ce schéma de pensée me paraît fondamental, et préfigure nombre de réflexions dans les autres domaines : hiérarchiser les usages, penser le produit du début à sa fin.

Les grandes surfaces ont certes évolué en la matière, aidées par la presse. Elles restent cependant un des acteurs clés, car leurs pratiques génèrent indirectement un gaspillage alimentaire par les contraintes qu’elles imposent aux producteurs – calibrage, forme parfaite des produits – ou encore par des méthodes de marketing ayant pour cible le consommateur – offres de promotion, rayons surchargés – qui conduisent à la surconsommation.

Les articles suivants complètent le dispositif en incluant le gaspillage alimentaire d’une part, dans l’éducation à l’alimentation des jeunes, d’autre part, dans le logiciel de développement durable des entreprises. Les grandes entreprises françaises seront amenées à réaliser annuellement un rapport sur les mesures qu’elles prennent en matière de responsabilité sociale et environnementale. Nous les avons beaucoup entendues lors de la COP21 parler de leurs engagements ; dorénavant, elles devront en faire la preuve.

Vous l’aurez compris, le groupe écologiste se retrouve totalement dans cette proposition de loi, qu’il a d’ailleurs votée cet été, au moment de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et que j’ai personnellement suivie.

Après la censure du Conseil constitutionnel, et alors que la ministre de l’écologie proposait dès le lendemain une convention volontaire avec la grande distribution, il me semblait indispensable que ce texte d’initiative parlementaire et ayant reçu un soutien sur tous les bancs de l’Assemblée, soit à nouveau inscrit à l’ordre du jour et, surtout, gravé dans le marbre de la loi.

Je tiens à saluer le travail de Guillaume Garot, qui a porté ces dispositions avec exigence et justice et qui a su travailler dans un esprit de coopération et d’union. Parmi les pistes d’amélioration, non pas du texte, mais de la politique publique en la matière, je me permets d’évoquer plusieurs chantiers.

D’abord, il est nécessaire d’assurer un meilleur suivi des objectifs et de lutter contre le gaspillage alimentaire, via une agence, comme en Grande-Bretagne. Pour le moins, il serait bienvenu que le Gouvernement présente un rapport annuel sur ce phénomène que chacun identifie comme le scandale de notre siècle. C’est l’objet d’un amendement de mon collègue Hervé Pellois, que je soutiendrai.

Ensuite, je tiens à rappeler que toute la partie amont ne doit pas être négligée. Les pertes aux champs ou lors du processus de transformation des produits agroalimentaires sont beaucoup plus importantes qu’on ne le croit. D’où, la nécessité de revoir les dates limites de consommation et, pourquoi pas, les normes de calibrage.

Enfin, il faut ouvrir plusieurs chantiers entre les ministères de l’écologie et de l’agriculture, les collectivités et la société civile : associations, entreprises, bénévoles doivent s’engager.

Je pense par exemple à la détermination d’un plan d’action collectif et concerté pour les prochaines années ou à la multiplication des actions de sensibilisation et prise de conscience, notamment dans les cantines scolaires. Les associations de solidarité qui récupèrent et distribuent les denrées et qui sont amenées à se professionnaliser, ont également besoin d’une clarification des grilles d’évaluation des produits donnés. Ce travail devra se faire dans un cadre interministériel.

Je veux saluer ces bénévoles qui démontrent leurs capacités en matière de logistique et de mise en oeuvre d’une organisation économe exemplaire qui n’a d’égale que leur détermination, leur ferveur et leur solidarité.

Œuvrer pour une alimentation plus saine et durable, c’est aussi former nos jeunes à la citoyenneté. Éviter de jeter 30 % de matière gaspillée, c’est autant d’argent économisé à réinvestir dans la fourniture en produits bio, locaux et de proximité.

Par la proximité et la pédagogie, nous pouvons redonner de la valeur à nos aliments et rappeler que la nourriture ne tombe pas du ciel : nous la devons au travail des femmes et des hommes qui cultivent, puis préparent et cuisinent, tout en respectant la nature. Le rôle des cantines et de la restauration collective est essentiel. La lutte contre le gaspillage alimentaire est aussi un moyen d’éduquer nos enfants et les adultes au « manger mieux ».

Chaque acteur, à sa mesure et aidé par la loi, devra savoir répondre à cet appel citoyen. Donnons aux citoyens français la fierté de s’engager eux-mêmes, avec les collectivités locales et les entreprises, et de devenir écoresponsables.

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