Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 9 décembre 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Le groupe UDI aborde cette discussion avec circonspection.

Je commencerai par citer les dispositions qui nous paraissent acceptables. L'article 1er de la proposition de loi organique propose un simple ajustement, tout à fait pertinent. Il nous paraît également normal que la liste des élus ayant présenté un candidat soit publiée intégralement, comme le prévoit l'article 3 : le parrainage doit être assumé publiquement. Que des élus de la République, ayant reçu mandat de leurs concitoyens, parrainent des candidats sans rendre aucun compte était une anomalie. Nous approuvons également l'article 5. Nous sommes plus dubitatifs sur l'article 8, relatif aux électeurs français inscrits à l'étranger. Nous y reviendrons dans le débat.

Vous proposez également des mesures visant à empêcher une diffusion prématurée des résultats. Personne ne peut évidemment se satisfaire de la façon dont ces résultats ont été connus lors des dernières échéances. Nous sommes prêts à accompagner cette disposition – même si je ne suis pas certain qu'elle soit suffisante : il faudra en dresser un bilan.

J'en viens maintenant aux mesures qui nous paraissent très discutables, à commencer par l'article 2 de la proposition de loi organique, relatif aux modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel. À part pour assurer le confort du Conseil et lui éviter l'attroupement des journalistes rue de Montpensier, je ne vois pas l'intérêt d'un tel dispositif. Bien sûr, cela ne poserait aucun problème aux candidats des grands partis. Cela en poserait en revanche de très sérieux aux candidats qui ne disposent pas d'un fort appareil politique. Or il y en a toujours eu ! Certains peuvent bien nous paraître décalés, voire farfelus ; mais ils ont convaincu cinq cents maires de les présenter, et ils doivent pouvoir s'exprimer. Leur rendre difficile de savoir combien de parrainages ils ont obtenus, et donc leur compliquer la tâche, ne nous paraît pas acceptable.

Vous m'objecterez vraisemblablement, monsieur le rapporteur, qu'il suffira que le Conseil constitutionnel informe les candidats en temps réel de la réception des parrainages ; mais, pour être informé, je ne vois pas de meilleur moyen que de recevoir soi-même le parrainage.

J'observe enfin qu'il peut arriver que des maires souhaitent donner sa chance à un candidat sans pour autant aller jusqu'au bout de leur démarche, si ce candidat a déjà recueilli suffisamment de signatures. C'est au candidat qu'il revient de gérer les parrainages.

La mesure que vous proposez apparaît donc comme une curiosité.

L'article 4 – qui vise à substituer un principe d'équité à la règle actuelle de l'égalité – nous paraît en revanche franchement inquiétant. Aujourd'hui, dans l'audiovisuel français, hors campagne électorale, l'équité est totalement inexistante, ce qui est déjà très mauvais pour la démocratie. On donne l'impression aux citoyens qu'il n'y a aucun renouvellement des discours et des messages, et je crois même qu'une telle situation n'est pas étrangère à ce qui s'est passé dimanche dernier.

Il existait jusqu'à présent à un seul moment, très court, une égalité de temps de parole. Et cela ne concernait que des candidats ayant réussi à passer l'obstacle des 500 parrainages – ce qui, convenons-en, n'est pas une mince affaire ! Si les parrainages n'existaient pas, on pourrait comprendre l'instauration d'un principe d'équité. Mais ce filtre initial est bien là, et alors il faut une période d'égalité du temps de parole, qui ne devrait d'ailleurs pas durer quinze jours mais du moment où le candidat s'est qualifié jusqu'au jour où les électeurs se prononcent. Le système de parrainage prend acte du sérieux de la candidature, et de l'égalité des candidats entre eux, puisque l'on attribue à chacun 800 000 euros pour financer sa campagne. L'accès aux médias doit lui aussi être égal.

La vie politique française a longtemps été très bipolaire ; depuis peu, elle est malheureusement plutôt tripolarisée. Au cours des cinq ans qui séparent deux élections présidentielles, les médias se concentrent déjà énormément sur les formations politiques principales, et on peut le comprendre, même si des changements seraient souhaitables. Mais interdire de facto, au moment où les Français doivent pouvoir entendre des messages différents, l'égalité des temps de parole, n'est pas acceptable. Les Français ne sont pas des imbéciles ! Ils savent très bien reconnaître les candidats farfelus.

On nous dit que les télévisions renonceront à organiser des débats. C'est un leurre. Les médias organisent des débats en fonction de l'audience qu'ils en espèrent. Ils le font à l'occasion des primaires, et ils le feront à l'occasion des présidentielles – ils peuvent d'ailleurs parfaitement organiser des groupes de candidats. Nous avons vu comment cela se passait pour les élections régionales.

Cette disposition justifierait à elle seule un vote contre ce texte. L'égalité des temps de parole, pour quatre à cinq semaines, ne devrait pas déranger – sauf si l'on veut favoriser les candidats dits principaux, et donc empêcher tout renouvellement du système politique français.

Vous proposez également, monsieur le rapporteur, de réduire à six mois la période de prise en compte des dépenses électorales. Vous nous aviez consultés en tant que parti politique : je vous avais alors indiqué que cette mesure nous paraissait nécessaire pour l'élection présidentielle mais aussi pour toutes les autres. Je présenterai un amendement en ce sens. Nous savons tous que la réglementation actuelle pose problème ; comment comptabiliser des dépenses effectuées quand les candidats ne savent même pas encore qu'ils le seront ?

Je vous proposerai aussi un amendement visant à interdire qu'une liste choisisse de s'intituler en utilisant le nom de quelqu'un qui ne figure pas sur la liste. C'est un phénomène que nous connaissons depuis 1989, et qui constitue une tromperie vis-à-vis des électeurs. Nous devrions profiter de ce véhicule législatif pour modifier cette disposition. Il est totalement anormal que sur un bulletin figure en gros caractères le nom de quelqu'un qui n'est pas candidat, tandis que les noms des véritables candidats sont imprimés en très petits caractères.

Enfin, nous devrions réfléchir à l'ouverture d'une possibilité d'appel pour les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne. Vous prévoyez de permettre à cette dernière de recourir à des techniciens et des experts. C'est une très bonne chose. Mais, pour avoir vu quelques aberrations, ici et là, au fil des années, je pense que les candidats doivent pouvoir se défendre deux fois. Aujourd'hui, le jugement d'un expert décide de l'inéligibilité, de fait, d'un élu coupable d'une peccadille, d'une erreur – voire tout simplement confronté à des contradictions ou des évolutions de la jurisprudence de la Commission nationale des comptes de campagne. Nous savons tous ici que les interprétations de cette commission varient ! Ce véhicule législatif pourrait constituer une bonne occasion pour instaurer une instance d'appel, qui ne soit pas le juge, mais où chacun pourrait s'expliquer et faire la démonstration de sa bonne foi.

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