Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Désormais, elle n'aura plus aucune obligation. Nous reviendrons à un système totalement individualise où, grosso modo, chacun fera ce qu'il veut, c'est-à-dire où chacun pourra ne rien faire.

Lorsque le chef d'établissement constatait l'absentéisme de l'élève pendant au moins quatre demi-journées d'absence non justifiées sur un mois, il le signalait à l'inspecteur d'académie. Si après le premier avertissement, l'absentéisme persistait, une demande de suspension des allocations familiales était adressée à la CAF qui avait l'obligation de procéder à cette suspension.

Loin de stigmatiser les familles, ce dispositif permettait au contraire d'installer un dialogue avec elles et de les accompagner socialement grâce aux contrats de responsabilité parentale. Si la convocation par l'inspection académique permettait de régler la situation une fois sur deux, c'était bel et bien parce que la menace pesant sur le versement des allocations constituait un mécanisme efficace, de nature à faire réagir les parents en leur faisant prendre conscience de la gravité du problème. La véritable stigmatisation, c'est bien l'échec scolaire, et non les mécanismes de prévention de cet échec !

Ma conviction est que les parents ont une responsabilité considérable en matière d'assiduité scolaire. Alors, cessez de penser, sur certains bancs de cet hémicycle, que l'absentéisme est une fatalité sociale. La culture de l'excuse ne peut pas être mobilisée à chaque occasion.

Les parents ont également une responsabilité plus large dans le comportement de leurs enfants, par les valeurs et règles de civilité qu'ils leur transmettent.

Récemment d'ailleurs, la cour d'appel de Versailles a confirmé l'expulsion de quatre familles d'une cité HLM de Boulogne-Billancourt en raison des troubles et des trafics de stupéfiants dont s'étaient rendus coupables leurs enfants dans l'enceinte de la résidence. La justice a fondé sa décision de bon sens sur la nécessaire responsabilisation des familles dans l'exercice de l'autorité parentale. Cessons donc d'y mettre de l'idéologie et regardons la réalité en face, sans oeillères, avec pragmatisme.

Malheureusement, avec une certaine mauvaise foi, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, vous avez soutenu que les études dont on dispose ne permettent pas d'évaluer le dispositif. Pourquoi donc cette volonté de supprimer, dans la précipitation, un dispositif deux ans à peine après sa création et un an à peine après sa mise en application ? Il s'agit tout simplement d'une abrogation à la hussarde !

Le bon sens ainsi que le principe d'évaluation des politiques publiques auraient voulu qu'avant même de proposer l'abrogation d'un dispositif entré en vigueur en janvier 2011, avec la circulaire d'application publiée par Luc Chatel, on prenne le temps de l'évaluer, en toute transparence, en toute indépendance, sans esprit de suspicion ou de volonté purement polémique.

Madame la ministre, mes chers collègues, la transparence dans l'évaluation des politiques publiques est essentielle.

Dans un communiqué de presse daté du 25 mai dernier, Vincent Peillon déclarait : « Les rapports de l'Inspection générale de l'éducation nationale ont désormais vocation à être publiés. Cette transparence contribuera utilement au débat public sur la réussite éducative. »

J'ai déjà évoqué, madame la ministre, votre fameuse note d'étape. Je vous le redis, vous nous parlez maintenant en dissimulant mal votre gêne sur ce point. Car nous savons qu'elle confirme ce dont nous sommes convaincus : pour certaines tranches d'âge, la menace de la suppression des allocations familiales s'avère particulièrement efficace pour lutter contre l'absentéisme scolaire.

Alors, après les mensonges et les caricatures assenés systématiquement sur cette question, il est important de rappeler quelques chiffres incontestables – Luc Chatel l'a déjà fait ce matin avec beaucoup de pertinence. Entre janvier 2011 et mars 2012, sur le plan national, la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire a conduit à près de 80 000 signalements émanant de la communauté éducative et d'elle seule, madame la ministre, à 60 000 avertissements émanant des autorités de l'éducation nationale, à 22 000 seconds signalements, et, c'est vrai, à 1 400 demandes à peine de suspensions d'allocations familiales et à 619 suspensions effectives. En somme, plus de 79 000 d'élèves en situation d'absentéisme ont retrouvé le chemin de l'école grâce à cette loi. Vous considérez que c'est négligeable, c'est votre droit. Telle n'est pas notre appréciation.

Je comprends, madame la ministre, que ces chiffres puissent vous gêner.

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