Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite que nous puissions aujourd'hui abroger les errements de la majorité gouvernementale précédente en matière de lutte contre l'absentéisme scolaire.

L'absentéisme scolaire est un phénomène complexe, illimité, qui touche en moyenne de 1 à 1,5 % des effectifs. C'est un phénomène aux formes et aux causes multiples qui ne saurait faire l'objet d'une réponse répressive univoque, inégale et inefficace, comme celle proposée dans la loi de 2010.

Nul, je pense, ne conteste dans cet hémicycle le principe d'une obligation d'assiduité scolaire incombant à chaque élève inscrit dans un établissement. L'école est obligatoire de six à seize ans, et pour ma part je suis favorable à l'extension de cette obligation de trois à dix-huit ans.

Mais, si nous avons combattu les dispositions de la loi Ciotti, ce fut à partir d'une idée simple et démontrable : on ne peut s'attaquer aux racines de l'absentéisme scolaire en se focalisant sur la responsabilité parentale sans traiter des causes sociales et de celles internes à l'éducation nationale ; on ne peut s'attaquer à l'absentéisme en faisant le lien entre absentéisme et délinquance, comme cela a été envisagé dans la loi LOPPSI 2 de 2010. Par conséquent, la réponse répressive n'est ni juste, ni adaptée. La logique d'intimidation, de riposte graduée, avec la suppression des allocations familiales aux parents d'élèves absentéistes n'est pas acceptable.

Les études de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance l'ont démontré : rien dans les statistiques disponibles ne prouve une véritable efficacité de ce dispositif dans la diminution du taux d'absentéisme scolaire. Je pourrais même témoigner de l'inanité du dispositif, dans un territoire profondément touché par la précarité comme la Seine-Saint-Denis.

Contrairement à ce que certains peuvent penser en stigmatisant sans cesse le manque de responsabilité des familles, pour beaucoup de familles en difficulté, souvent des familles monoparentales, l'école est une chance pour leurs enfants. J'avais eu l'occasion de le dire en commission : quand je vois ces femmes déplacées d'hôtels en hôtels par le SAMU social et qui se lèvent à l'aube pour revenir à la ville dont elles sont issues afin d'y scolariser leurs enfants, je me dis que, loin de leur donner des leçons, il faut leur rendre hommage.

Le dispositif actuel laisse en réalité planer la menace d'une double peine sur des familles souvent en grande difficulté. La lutte contre la précarité, le chômage, la pauvreté sont, au contraire, un élément clé du combat pour l'école.

L'absentéisme scolaire est un problème réel, que déplore l'ensemble de la communauté éducative, un problème d'autant plus sérieux qu'il représente un temps d'enseignement perdu d'environ 3,5 %. Sa résolution doit être vue comme un objectif à part entière de la politique éducative. C'est, je crois, la volonté du ministre de l'éducation nationale, et nous soutiendrons toute initiative en ce sens dans le cadre de la réforme de l'école prévue cette année.

Il faut poser également la question des moyens mis à la disposition des établissements scolaires pour lutter contre ce phénomène. Nous avons soutenu la progression des crédits accordés à votre ministère dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Mais cet effort devra se poursuivre sur plusieurs années en matière de recrutement comme de formation des maîtres, pour recréer les conditions de l'école de la réussite pour chacune et chacun après des années de casse de la droite.

Au-delà des enseignants, c'est d'un plus grand nombre de personnes qualifiées dans l'accompagnement éducatif des élèves dont l'école a besoin. Je pense en particulier aux postes de conseillers d'orientation psychologues, d'assistantes sociales, d'infirmiers, qui sont essentiels dans les établissements. Leur rôle est crucial dans la prévention des absences chroniques des élèves concernés, et ils sont plus largement un puissant moyen d'écoute et de conseils aux jeunes en situation de décrochage scolaire et à leur famille.

La question de l'orientation constitue, ensuite, l'une des causes majeures de l'absentéisme. Il faut revoir en particulier les conditions d'orientation des élèves vers le lycée professionnel dans lequel sévit davantage – trois fois plus – l'absentéisme scolaire que dans la voie générale. De même, en ce qui concerne l'absentéisme lourd, l'absence non justifiée des élèves au-delà de dix demi-journées par mois varie de 1,6 à 4 % dans la voie professionnelle. On en connaît les causes : la dévalorisation de l'enseignement professionnel, les affectations ne répondant pas au souhait du jeune, la méconnaissance des métiers ouverts par telle ou telle formation, ou encore la dévalorisation des métiers de l'industrie.

Pourtant, on ne peut penser la relance économique de notre pays sans parler industrie, formation professionnelle, formation continue. C'est ce que porte notre proposition de sécurité d'emploi et de formation tout au long de la carrière professionnelle. J'attends donc, madame la ministre, que vous puissiez nous faire part de vos intentions quant à la valorisation de la filière professionnelle et sur les moyens à lui accorder.

Enfin, il faut savoir faire confiance aux familles et soutenir à chaque fois que nécessaire des parents qui connaissent des difficultés dans leur rôle éducatif. Cela relève des travailleurs sociaux, dans les maisons des parents qui existent dans de nombreuses communes, mais il est nécessaire également, madame la ministre, de favoriser l'ouverture de l'école aux parents dans le cadre de la refondation de l'école. Cela demande que les enseignants, l'équipe éducative, aient du temps à consacrer au rapport aux familles.

Il faut également valoriser l'implication des parents à travers les associations de parents d'élèves, en faisant de ces associations de vraies co-auteurs de l'école de l'égalité dont la France a besoin.

Bien plus qu'une réponse unique et inefficace, la lutte contre l'absentéisme suppose donc à l'évidence une vision large et des moyens d'actions transversaux suffisants.

Vous évoquez, monsieur Ciotti, un positionnement idéologique : j'assume pour ma part ne pas avoir la même idée que vous de la société.

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