Intervention de Denis Baupin

Réunion du 8 décembre 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Permettez-moi, monsieur le ministre, d'appeler votre attention sur une entreprise française quasi-publique qui vient de sortir du CAC 40. En 2015, le titre EDF a perdu 42 % de sa valeur boursière. Vous vous apprêtez à lui faire racheter une partie d'Areva, qui est une entreprise en faillite. EDF ne parvient pas à faire aboutir son projet d'EPR à Flamanville, mais voudrait dans le même temps investir dans un projet de centrale nucléaire au Royaume-Uni pour plus de 30 milliards d'euros – même si les agences de notation ont annoncé qu'elles dégraderaient sa note si cette décision était prise. Les salariés d'EDF, qui en sont actionnaires, sont eux aussi opposés à la construction de cette centrale. En outre, EDF annonce depuis des années qu'elle entend lancer un programme de « grand carénage » pour 110 milliards d'euros, selon l'évaluation de la Cour des comptes. Le président-directeur-général d'EDF lui-même a annoncé que les coûts d'entretien du parc nucléaire passeraient de 3 à 5 milliards d'euros par an. Il a également exprimé son souhait de lancer la construction de trente à quarante EPR de nouveau modèle – il m'avait échappé qu'il était le nouveau ministre de l'énergie chargé de notre politique énergétique… Un tel chantier me semble difficilement compatible avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qu'a adoptée le Parlement sur proposition du Gouvernement. Le même président d'EDF annonce qu'il lui manque chaque année 4 milliards de liquidités.

Ma question est donc la suivante : combien de signaux d'alarme devront se déclencher pour que l'on prenne conscience que les choix industriels de cette entreprise posent problème ? Vous connaissez mon point de vue sur ces choix : je les déplore sans jubilation aucune, tant le nombre de salariés concernés est élevé et tant l'enjeu de l'alimentation de notre pays en électricité et, plus généralement, en énergie est considérable. À la COP21, les annonces se multiplient en faveur du développement des énergies renouvelables. La France et l'Inde ont, avec une centaine d'autres États, lancé l'alliance internationale pour l'énergie solaire – même si c'est Engie, et non EDF, qui y participe pour la France. Le marché mondial des énergies renouvelables est devenu colossal : des centaines de gigawatts sont en prévision dans le secteur de l'énergie solaire et dans celui de l'énergie éolienne. De surcroît, la baisse des coûts est très significative. En clair, le moment n'est-il pas venu pour EDF de passer des vieilles énergies aux énergies nouvelles ?

Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie auquel travaillent le ministère de l'écologie et le Conseil national de la transition écologique prévoit qu'en 2023, les secteurs solaire et éolien produiront 47 gigawatts ; en 2030, soit sept ans plus tard, EDF envisage de produire cinq à six gigawatts dans ces mêmes secteurs. Ne serait-ce pas le rôle de l'entreprise nationale d'électricité que de prendre une part plus importante à la transition énergétique ? On comprend évidemment que cela lui soit difficile compte tenu de toutes ses autres dépenses liées au grand carénage, à la centrale britannique et au rachat d'Areva, notamment. J'ai pourtant entendu la ministre chargée de l'écologie déclarer qu'il serait sans doute moins onéreux de produire des énergies renouvelables que de prolonger l'exploitation de centrales nucléaires en fin de vie. Parviendra-t-on enfin à ouvrir ce débat en France, comme c'est le cas ailleurs – je pense aux entreprises E.ON et RWE en Allemagne ? Acceptera-t-on enfin d'abandonner le minitel alors que le reste du monde adopte internet ? En clair, monsieur le ministre, l'État actionnaire va-t-il rappeler à EDF que son acronyme signifie Électricité de France, et non Nucléaire de France ?

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