Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 8 décembre 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

Je vais m'efforcer, monsieur le ministre, de faire preuve de la même impertinence que celle à laquelle vous nous avez habitués depuis votre prise de fonctions – et qui n'est pas pour me déplaire. À propos de votre projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, vous êtes ainsi capable, dans la même phrase, d'expliquer qu'il faut valoriser les métiers, l'apprentissage et les qualifications, et de parler de « petits métiers » du bâtiment. J'ignore ce qu'est un « petit métier », monsieur le ministre, de même que j'ignore ce qu'est un « petit élu » ou un « grand élu » : seuls comptent les élus. Qu'est-ce donc qu'un « petit métier » du bâtiment ?

À vous écouter, j'ai le sentiment que vous voulez instaurer un nouveau statut de l'auto-entrepreneur – l'auto-entrepreneur 2, en quelque sorte. Le statut initial constituait un marchepied vers la création d'entreprise et servait à détecter de nouveaux talents et à apporter un complément de revenus à des personnes en activité ou à la retraite qui souhaitaient compléter leurs faibles revenus. Encore faudrait-il encadrer davantage ce statut pour qu'il ne concurrence pas les professionnels que sont les artisans.

Sur la question des métiers, le message du Gouvernement est contradictoire : il retarde d'une année l'âge d'ouverture des droits à l'apprentissage et, dans le même temps, instaure un arsenal contraignant qui entrave l'accueil d'apprentis dans les entreprises.

Autre impertinence de votre part : vous avez expliqué que le régime social des indépendants, le RSI, était une « erreur ». Certes, « nous avons fait des réformes d'aménagement en créant des médiations, en simplifiant les délais de paiement, en allant même expérimenter de l'autoliquidation », avez-vous poursuivi, « mais toutes ces réformes, c'est de l'aménagement d'un régime en place ». Toutefois, « il faut collectivement que nous y réfléchissions parce que le monde de demain sera un monde de plus de mobilités » – sur ce point, je suis d'accord avec vous. Or, c'est précisément ce que disait M. Bernard Tapie dans les années 1980 et 1990, en annonçant que les jeunes devaient être mobiles et avoir plusieurs métiers. Voici donc plus de deux décennies que cela dure ! Selon moi, la véritable priorité du RSI est de protéger les artisans et les commerçants. S'il y a une tâche à laquelle il faut s'atteler, c'est de lancer un plan de soutien d'urgence aux entrepreneurs indépendants, car ils se trouvent aujourd'hui dans la même situation de crise où se trouvait le monde agricole en avril et en mai. Il faut affecter les cotisations sur un compte spécial en attendant de remettre l'ensemble du dispositif à plat, puis instaurer un taux unique et simplifier l'assiette de recouvrement, car le système actuel s'apparente à un bazar sans nom. S'il est une « opportunité » nouvelle que votre projet de loi devrait saisir, c'est bien celle du RSI ! On peut très bien vouloir libérer, libéraliser, oxygéner même, mais en la matière, le problème est réel.

Enfin, vous souhaitez à juste titre que la France soit au rendez-vous du numérique. Quelle est concrètement la coordination des services de l'État dans ce secteur crucial ? Aujourd'hui, les territoires denses, qui font l'objet d'appels à manifestations d'intérêt, sont déjà connectés aux grandes infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires, ainsi qu'aux réseaux de téléphonie mobile et d'internet. Les territoires ruraux, en revanche, ne sont pas connectés et, au nom du redéploiement des services de l'État, ils perdent des services publics. Et voilà que nous ne sommes pas capables d'anticiper en faveur de ces territoires délaissés pour les doter en priorité d'infrastructures numériques ! Cela servirait pourtant l'intérêt des populations bien sûr, mais aussi à préserver leur lien avec les services publics qui ont physiquement disparu, malgré l'existence des maisons de services au public. Diantre ! Accélérons le déploiement du numérique dans les territoires périphériques ! En Bretagne, M. Le Drian promet le très haut débit pour tous en 2030 seulement… En 2015, le monde tourne déjà à mille à l'heure : il faut prendre en priorité des mesures concrètes pour déployer le numérique dans les territoires éloignés, que les nouvelles technologies peuvent contribuer à rapprocher des services publics.

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