Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 15 décembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, à l’issue de la commission mixte paritaire, des désaccords subsistent – Mme la rapporteure générale l’a dit. Le désaccord est profond au sujet de la réforme de la fiscalité écologique.

J’évoquerai brièvement quelques dispositions ayant fait débat, que le Sénat a adoptées en première lecture, et que j’approuve. À cause de la COP21, vous avez une vision à trop court terme de la réforme de la fiscalité écologique ; vous allez ainsi conduire certaines filières économiques de notre pays, dont dépend un nombre important d’emplois, dans une impasse. Après ces mesures, il faudra mettre en place un plan Marshall pour remédier au problème de l’emploi !

Nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2015, qui a été – à mon sens – profondément amélioré par nos collègues sénateurs, contre l’avis du Gouvernement. Le Sénat a joué parfaitement son rôle d’opposition constructive : la majorité sénatoriale a largement remanié ce collectif budgétaire qui clôt l’année 2015 et signe indiscutablement l’échec de la politique budgétaire soutenue par votre majorité. Pardonnez-moi de doucher l’optimisme dont vous avez fait preuve en concluant votre intervention, monsieur le secrétaire d’État, mais telle est la réalité !

Permettez-moi de revenir sur les dispositions adoptées par le Sénat : réduction d’un centime d’euro par litre du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, applicable aux essences hors supercarburant SP 95-E 10 en 2016 ; baisse de 1,27 euro par 100 kilogrammes du tarif de TICPE applicable au gaz de pétrole liquéfié utilisé comme carburant, pour le budget 2016 ; préservation de l’écart de fiscalité entre l’essence et le gaz naturel véhicule, dit GNV, suite à la modification par le Gouvernement des valeurs de TICPE sur le gazole et l’essence ; suppression de l’article 30 ter, qui prévoyait la déductibilité de TVA au profit des véhicules à essence – c’est là une mesure de bon sens que le Sénat a adoptée – ; suppression de l’article 12 sexies qui prévoyait des mesures de coordinations avec l’article 32 bis du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, au motif que ce dernier ne remet pas en cause l’avantage fiscal lié aux services à la personne ; réforme du régime de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, qui deviendrait ainsi une taxe ; suppression de l’application rétroactive d’un taux spécifique de TVA de 2,1 % pour la presse en ligne à compter du 12 juin 2009.

Je ne vous ai pas entendu parler, madame la rapporteure générale, de ce dernier point. Je ne sais pas si tous mes collègues ont bien compris de quoi il s’agit : en première lecture, l’Assemblée nationale a ajouté à ce projet de loi de finances rectificative une disposition visant à appliquer rétroactivement un taux de TVA spécifique à certains médias en ligne. Cette mesure prendrait effet à la date du 12 juin 2009. À aucun moment, dans aucun débat sur une loi de finances, je n’ai vu une telle confusion !

Je poursuis l’énumération des dispositions adoptées par le Sénat : extension de l’exonération des dons reçus par un militaire, un policier, un gendarme, un pompier ou un douanier blessé dans l’accomplissement ; suppression de l’article 35 undecies qui obligeait les entreprises réalisant plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires à publier en ligne les informations relatives à leur chiffre d’affaires, leur bénéfice, les impôts qu’elles paient et les subventions qu’elles reçoivent. À ce sujet, il me semble tout à fait normal que le ministère des finances, ou plus précisément la direction générale des finances publiques, dispose de ces informations, mais qu’elles soient diffusées auprès du grand public affaiblirait l’ensemble des entreprises françaises, et donc notre système économique, dans un contexte de concurrence internationale.

J’espère – peut-être cet espoir est-il vain, monsieur le secrétaire d’État – que la majorité tiendra compte de ces avancées, et ne les remettra pas systématiquement en cause au seul prétexte qu’elles émanent de l’opposition actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez pris conscience de l’imperfection du texte dont nous avons débattu en première lecture. En effet – je le rappelle pour mémoire – vous avez déposé tant d’amendements à l’Assemblée nationale que le texte initial a triplé de volume ! Voilà la réalité !

Monsieur le secrétaire d’État, les faits sont têtus : il est temps de changer de cap. Laissez-moi vous rappeler certains de ces faits, certains des records de l’année 2015 qui ne vous plairont pas : le taux de croissance sera en France de 1 %, contre 1,5 % dans la zone euro – vous semblez considérer que cette performance est bonne, mais nous ne pouvons vous en donner acte ; le taux de chômage est de 10,6 %, niveau le plus élevé depuis 1997 ; la réduction du déficit effectif se limite à 0,1 % du PIB ; le solde structurel ne baisse que de 0,4 %, moins que prévu par nos engagements européens ; la dette atteindra 96,3 % du PIB, soit 0,7 % de plus qu’en 2014.

Monsieur le secrétaire d’État, la Cour des comptes vient de publier ses prévisions. Elles sont bien loin de conforter votre optimisme. Quand prendrez-vous la mesure de la situation de notre pays ? Elle a réduit de 0,1 % sa prévision de croissance pour ce trimestre, le dernier de l’année, dont la dynamique passerait de 0,4 % à 0,3 %. Elle prévoit, de plus, que le taux de croissance de la France pour l’année 2016 sera de 1,5 % – sachant que d’autres économistes se montrent plus prudents, voire alarmistes, et tablent sur un taux de croissance de 1,3 % ou même 1,2 %.

La Banque de France est elle aussi bien pessimiste : « les perspectives de reprise de l’activité et de l’inflation restent sujettes à des aléas à la baisse », écrit-elle. Certes, selon elle, l’activité a repris en 2015, grâce à la baisse du prix du pétrole et à la dépréciation de l’euro, mais ces facteurs externes devraient jouer moins favorablement en 2016 et 2017. Vous faites donc courir un risque à notre économie. Autrement dit, toujours selon la Banque de France, « les effets positifs du contre-choc pétrolier sur la croissance du pouvoir d’achat des ménages devraient se dissiper progressivement » – cela, malheureusement, nous le constaterons aussi bien que vous.

La Banque de France et la Bundesbank ont publié simultanément leurs prévisions respectives. Le contraste de part et d’autre du Rhin est particulièrement éloquent ! Comme je l’ai dit, la Banque de France a abaissé sa prévision de croissance pour les années 2016 et 2017, passant de 0,4 % du PIB à 0,3 % ; la Bundesbank, quant à elle, a relevé de 0,2 % sa prévision pour 2017. Cela fait une différence de 0,5 %.

Le Sénat a corrigé vos erreurs, monsieur le secrétaire d’État. Les modifications qu’il a réalisées améliorent sensiblement ce projet de loi de finances rectificative. Accepterez-vous enfin de considérer objectivement les propositions de l’opposition ? Accepterez-vous de ne modifier qu’à la marge la rédaction de ce projet de loi de finances rectificative issue du Sénat ? Ferez-vous de 2016 l’année du rebond, c’est-à-dire l’année ou la croissance se traduira – enfin – par des créations d’emploi ? Ces créations d’emploi sont très attendues, car la baisse du chômage est nécessaire à notre pays, qui est en souffrance.

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