Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, après la TVA sociale et le forfait d'aide médicale d'État, et avant que n'arrive le tour du conseiller territorial, voici venue la dernière heure de l'emblématique loi Ciotti, qui renouait avec la possibilité de suspendre les allocations familiales pour les familles d'élèves coupables d'absentéisme chronique.

Avant même d'ouvrir ce débat, nous savons déjà que la principale raison de sa suppression est qu'elle émane de l'ancienne majorité de droite. Pour autant, je n'en serai pas moins critique à l'égard d'une loi qui se voulait essentiellement une loi d'affichage, même si elle portait en elle une idée judicieuse.

La procédure est longue, si bien que la réponse est souvent tardive et mal adaptée à la durée d'une année scolaire ; elle est par ailleurs complexe, et les acteurs sont peu sensibilisés, et surtout peu incités, à faire jouer le mécanisme. La loi Ciotti n'avait pas encore un an et demi, que le Sénat entamait déjà sa suppression. Les seules données partielles dont nous disposons ne peuvent permettre d'analyser objectivement son efficacité réelle, pas plus dans un sens que dans l'autre.

Supprimer la loi Ciotti enverrait un mauvais signal aux familles et aux élèves. La sanction financière, même si elle est rarement mise en oeuvre, a pour objectif de responsabiliser les parents. Elle intervient, ne l'oublions pas, après les étapes successives d'avertissement, d'aide et de suivi, si bien que la suspension effective des allocations est survenue dans moins d'1 % des cas.

Si l'école est gratuite, c'est au prix d'un effort financier national colossal, puisque l'éducation nationale est le premier budget de l'État. Cela implique des contreparties, et l'obligation d'assiduité doit en être une de la part des élèves, sous le contrôle de leurs parents. La gratuité déresponsabilise. J'en veux pour preuve le fait que les taux d'absentéisme les plus bas sont dans le privé : ils s'élèvent à moins de 0,5 %, contre 14 % en moyenne dans les lycées professionnels, et 6 % dans les lycées généraux.

Les allocations familiales ont pour vocation d'aider les familles à élever leurs enfants. En échange, les familles doivent jouer le jeu et faire preuve de l'autorité et de l'organisation nécessaires pour que leurs enfants aillent à l'école.

Je réfute l'argument du sermonnage des parents. Il n'en demeure pas moins que la perspective d'une telle sanction peut être un élément déclencheur, une motivation supplémentaire des parents pour trouver des solutions aux causes de l'absentéisme de leur enfant, car jamais l'école ne pourra les supplanter dans leur rôle de conseil, d'autorité et d'éducation.

Je suis assez gênée par l'analyse un peu simpliste de la ministre, qui nous explique que cette loi stigmatise les pauvres dépassés par la crise de leurs ados. Évidemment, je reconnais que l'absentéisme est un fléau aux multiples visages. Mais la situation familiale est loin d'en être la seule cause, et la politique éducative menée depuis trente ans, dégradant chaque année un peu plus notre pays au sein des classements internationaux, est la première des responsables.

L'apparition d'un taux d'absentéisme significatif au collège n'est certainement pas sans lien avec les carences accumulées par les élèves en primaire. Entre multiplication des matières et pédagogisme expérimental – que la droite a aussi défendus –, la formation en primaire ne permet plus aux élèves d'acquérir les savoirs fondamentaux indispensables pour la poursuite réussie du parcours scolaire, entraînant ainsi retards, dispersion, voire décrochage.

De la même manière, le taux particulièrement inquiétant en première année de lycée professionnel est évidemment lié au fonctionnement de la filière elle-même. Avec une orientation trop précoce et souvent par dépit, ces filières sont malheureusement trop souvent utilisées comme filières « poubelles » pour les élèves n'ayant pas le niveau d'un cursus général, au lieu de relever d'un vrai choix pédagogique.

Ce malaise démotive les élèves et pose la question de la revalorisation de ces filières et de leurs diplômes par un rehaussement des exigences scolaires, afin de proposer une véritable alternative au cursus scolaire théorique classique et non une solution de secours à la déscolarisation.

Même en filière d'enseignement général, la politique du chiffre a voulu le bac pour tous, entraînant l'affaissement de l'ensemble du cursus scolaire et un diplôme qui n'a plus de valeur en soi mais n'est plus qu'un droit de passage vers l'enseignement supérieur. Ce n'est pas un objectif très motivant pour les lycéens, il faut bien l'admettre.

Pour beaucoup, les élèves ont compris bien avant vous que leur formation, sans diplôme supérieur, ne leur permettra plus de répondre aux exigences d'un marché du travail où la concurrence est de plus en plus rude, et ne voient dès lors plus l'utilité de se rendre en cours.

Ce projet de loi devrait nous inciter à tirer les leçons des échecs de la politique éducative et chercher les solutions en amont qui nous éviteraient les sanctions en aval. Il vous faut repenser le modèle dans son ensemble et ne pas traiter l'absentéisme uniquement dans sa dimension sociale. Donnez aux élèves les moyens et l'envie de travailler. Contrairement à votre conception, cela ne passe pas par moins d'évaluation, moins de règles, par plus de pédagogie, de personnalisation, d'apprentissage en s'amusant ou d'enseignement ludique, mais par l'autorité et le respect des enseignants, un nombre limité d'enfants par classe, une orientation intelligente, des filières variées mais performantes, une évaluation ambitieuse pour des diplômes valorisés.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce texte, bien que je pense que la loi Ciotti n'est qu'une réponse bien limitée aux chantiers nécessaires pour l'école.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion