Intervention de Mathieu Hanotin

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathieu Hanotin :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, la lutte contre l'absentéisme scolaire est un sujet très sérieux qui mérite d'être abordé avec lucidité et sérénité. Malheureusement, la précédente majorité avait choisi de le traiter sous l'angle de la stigmatisation. Avec cette proposition de loi, nous voilà enfin revenus à la raison. Nous allons abroger cette loi qui était non seulement stigmatisante, comme je viens de le dire, mais encore absolument inefficace contre l'absentéisme, ainsi qu'il vient d'être rappelé par nos collègues.

Les chiffres sont connus : 300 000 élèves sont régulièrement absents au cours de l'année scolaire. Chaque année, 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans aucune qualification. Dans les collèges classés éducation prioritaire de mon département, la Seine-Saint-Denis, on atteint 8 % de demi-journées perdues chaque année à cause de l'absentéisme. Dans les collèges « ambition réussite », ce chiffre se porte à 10 %, alors qu'il est de 5,5 % pour les collèges hors ZEP. La mise en place de cette loi, force est de le constater, n'a en aucun cas fait baisser l'absentéisme.

Face à cette situation, est-ce en infligeant une sanction financière aux parents que l'on permettra aux enfants de reprendre le chemin de l'école et de la réussite scolaire ? Nous ne le croyons pas. Bien au contraire, cette mesure, quand elle est appliquée, ne fait qu'ajouter de la difficulté à la difficulté.

Mes chers collègues de l'opposition, vous êtes dans votre rôle. Nous n'attendons pas de M. Ciotti qu'il reconnaisse son erreur et qu'il soutienne la proposition de loi visant à abroger ce dispositif.

Au regard des quelques chiffres que je viens de vous donner, que représentent les 600 familles qui ont effectivement été sanctionnées ? À peine 0,5 % des élèves absentéistes ! Et 77 % d'entre eux ne sont pas retournés en cours après la sanction. Qui plus est, la grande majorité des familles concernées vit dans un seul département : les Alpes-Maritimes. Qu'est-ce qu'une loi que tous les départements, de droite comme de gauche, sauf un, n'appliquent pas, et qui ne traite que moins de 1 % des situations ? C'est une loi inutile et inefficace.

Cette mesure allait à rencontre de toutes les politiques éducatives menées par les collectivités, en matière de lutte contre l'absentéisme, contre le décrochage et contre l'échec scolaire. L'ensemble de la communauté éducative avait exprimé son opposition franche.

En fait, il s'agissait pour la précédente majorité d'une opération de communication destinée à faire oublier une politique éducative uniquement fondée sur des objectifs purement comptables, et totalement dénuée d'ambition.

Les chiffres le montrent : il s'agit d'un échec cuisant. C'est votre droit, chers collègues de l'opposition, de vous entêter dans cette erreur ; mais c'est notre devoir à nous, députés de la majorité, de la réparer.

Que certains parents soient dépassés, c'est malheureusement une réalité. Les sources de leurs difficultés sont très souvent faciles à identifier : difficultés économiques, travail en horaires décalés, familles monoparentales. Faut-il les sanctionner, alors que ces familles sont surtout des victimes de la crise ? Ou faut-il d'abord trouver les moyens d'accompagner ces parents ? La sanction ne doit exister que lorsque le manquement aux obligations éducatives des parents est manifeste et incontestable.

La réponse à l'absentéisme scolaire doit d'abord être éducative. Appuyons-nous sur les exemples qui fonctionnent, sur les politiques éducatives mises en oeuvre par les collectivités locales en partenariat avec l'État. On peut imaginer, par exemple, la mise en place d'un suivi individuel des élèves. Dans les établissements les plus confrontés au problème, une personne pourrait être en charge à plein temps de ce suivi, organiser des rendez-vous réguliers avec les élèves et les parents, assurer des visites au domicile des élèves… Toutes les solutions pour lutter contre l'absentéisme doivent être envisagées. À l'occasion des discussions sur le projet de loi de refondation de l'école, nous allons aborder cette question. En effet, la lutte contre les décrochages scolaires, dont l'absentéisme est l'un des symptômes, est au coeur de nos ambitions pour l'école. Lutter contre l'absentéisme scolaire fait partie de nos priorités. Nous allons nous saisir de cette question avec volontarisme.

En abrogeant la suppression des allocations familiales pour sanctionner l'absentéisme, nous souhaitons envoyer un signal clair : les mesures stigmatisantes, c'est fini ! L'école mérite mieux. La République mérite mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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