Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Tarification progressive de l'énergie — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

D'après l'administration de Bercy, la gestion du système imaginé nécessitera 1 600 postes équivalent temps plein. Le texte ne comporte aucun chiffrage, mais je fais le pari qu'au final, c'est le consommateur qui va régler l'addition.

Une bonne campagne de communication à destination de nos compatriotes sur les réductions de consommation d'énergie et une révision des mesures incitatives – que vous annoncez d'ailleurs, madame la ministre – auraient sans doute produit un résultat identique sans pour autant créer une suradministration préjudiciable.

De même, et c'est encore plus grave, le dispositif crée de facto des inégalités criantes entre les consommateurs. Je ne pourrai évidemment les citer toutes, mais certaines doivent être rappelées ici. Surprenante régression par rapport au texte initial, il n'est plus tenu compte de l'âge des personnes ni de leur état de santé. Les personnes malades, par exemple, qui ont des équipements médicaux spécifiques seront ainsi directement pénalisées, comme Laure de la Raudière vient de le rappeler. De même, certaines personnes exerçant des activités professionnelles à domicile ne sont plus prises en compte.

Les personnes âgées qui vivent seules, en zone rurale notamment, seront également pénalisées par rapport aux personnes actives qui vivent en zone urbaine. Les personnes qui vivent dans des logements mal isolés ou qui ne peuvent les rénover pour des raisons tant financières que réglementaires – je pense en particulier à la réglementation relative aux monuments historiques – seront pénalisées. Vous avez rejeté tous nos amendements sur ce sujet.

Le texte prévoit de prendre en compte la localisation géographique de la commune dans le calcul du volume de base attribué au foyer. Mais qu'en est-il si des différences de climats existent au sein d'une même commune ? Le coefficient de modulation prévu apporte-t-il une réponse suffisante et transparente ? De quelles voies de recours disposent nos concitoyens ?

Notre système de tarification actuel, héritage du Conseil national de la Résistance, repose toujours sur un principe simple : le prix du kilowattheure est le même pour tous sur tout le territoire national. La présente proposition de loi instaure, certes de manière déguisée, une rupture d'égalité entre les consommateurs.

Quel changement de posture, monsieur Brottes, vous qui étiez à nos côtés pour défendre, par exemple, le prix unique du timbre ! Est-ce le passage soudain de l'ombre à la lumière qui vous aveugle tant ?

Mes chers collègues de la majorité, je vous invite solennellement à porter un regard lucide sur ce texte. En affichant que son objectif est de déterminer si un consommateur consomme trop ou non par rapport à ce qu'il devrait consommer, comme il est écrit dans l'exposé des motifs, vous mettez le doigt dans un engrenage et une logique idéologique qui ne correspondent pas aux principes de liberté et d'égalité qui vous sont chers, encore moins à la règle de justice que vous portez en bannière.

J'ai trop de respect pour vous, et pour vous en particulier, monsieur Brottes, pour croire que vous souscrivez à cette idée d'un autre temps, qu'il appartiendrait à l'État, à l'administration ou à tout organisme quel que soit son nom, de fixer, de décider, de décréter quel devrait être le niveau de consommation normal de tel ou tel foyer. Je me refuse à croire que vous partagez cette logique digne d'Orwell.

Comprenez enfin qu'en cherchant la perfection vous créez un système interventionniste tellement complexe qu'il va fabriquer mécaniquement de l'insatisfaction et un sentiment général d'injustice.

Alors, oui, il n'est pas trop tard pour remettre l'ouvrage sur le métier. Le bonus-malus devait initialement entrer en vigueur fin 2013. On nous indiquait alors que cette mesure si révolutionnaire était essentielle. Le texte actuel repousse ce terme au 1er janvier 2015 pour des raisons techniques, dites-vous madame la ministre. Pardonnez-moi, mais je pense que la majorité réfléchit aussi aux difficultés qu'elle pourrait rencontrer lors des élections municipales.

Mais alors, puisque l'urgence d'hier ne semble plus être l'urgence d'aujourd'hui, pourquoi aller aussi vite ? Est-ce en raison de la complexité du mécanisme qu'il faudrait près de deux ans pour le mettre en oeuvre ? Cela n'est vraiment pas sérieux et ce fait plaide également pour un retour en commission.

Entre la première mouture du texte et cette nouvelle version, la problématique des locataires, pourtant loin d'être négligeable, a purement et simplement disparu. Pourquoi ? Comment ? Mystère ! Peut-être un amendement de dernière minute, dont le Gouvernement a le secret, viendra-t-il combler cette lacune ; toujours est-il que le texte actuel n'y fait plus référence alors que le sujet demeure.

Dans la même logique, les tranches pour l'application du bonus-malus ont été élargies, avec au passage un accroissement du malus et une baisse du bonus. Pourquoi ? Là aussi, il serait bon de connaître la logique qui sous-tend la mesure.

En réalité, le texte qui nous est aujourd'hui soumis constitue une véritable bombe à retardement. S'il définit sommairement les modalités de mise en oeuvre du bonus-malus et modifie ainsi en profondeur un système de tarification de l'énergie que nous connaissons en France depuis près de soixante-dix ans, les bornes qu'il assigne au pouvoir réglementaire sont tellement larges et floues que cela revient en pratique à donner un blanc-seing quasi-total à l'administration.

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