Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30
Adhésion de la croatie à l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée ratifie ce matin le traité d'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne.

Ainsi que l'a indiqué mon collègue Axel Poniatowski, le groupe UMP votera en faveur de cette vingt-huitième adhésion à l'Union. J'en profite pour souhaiter la bienvenue à la Croatie et à ses représentants.

Cette adhésion constitue une double bonne nouvelle. D'une part, malgré toutes les difficultés que l'on connaît, elle signifie que l'attractivité de l'Union européenne demeure intacte à la périphérie de l'Union mais également dans le Caucase, ce qui est encourageant à un moment où le Royaume-Uni envisage d'en sortir. D'autre part, le traité confirme l'ambition première de l'Union européenne : la construction de la paix. Qui ne se souvient des circonstances extrêmement difficiles de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie en 1991-1992 que M. Baupin vient de rappeler, des tensions, y compris franco-allemandes, qui ont été suscitées à l'époque par la déclaration d'indépendance de la Croatie ?

Au fil des vingt dernières années et des différentes fonctions que j'ai occupées au sein de l'Alliance atlantique, de l'Union européenne ou lorsque j'étais en charge des affaires européennes au gouvernement, j'ai pu vérifier que la perspective atlantique mais surtout la perspective européenne demeurent un puissant levier de démocratisation, de pacification dans les Balkans, notamment en Serbie, au Kosovo, en Macédoine, en Bosnie, au Monténégro ou en Albanie.

Autre nouvelle encourageante : cet élargissement a été mieux préparé que les précédents, comme l'ont rappelé le rapporteur et le ministre. La conditionnalité a été plus rigoureuse que pour la Bulgarie ou la Roumanie, par exemple, ou même pour la Hongrie, dont l'on connaît les difficultés en matière de droits de l'homme notamment.

Reste que cette vingt-huitième adhésion vient en quelque sorte clore un cycle, celui des élargissements post-guerre froide, celui de l'Europe d'hier. Il est temps de profiter de ce débat pour nous projeter en avant, vers l'Europe de demain, et de nous interroger ensemble – formations politiques devant l'opinion publique qui s'éloigne de la machine européenne – sur l'avenir de nos institutions alors que nous sommes vingt-huit et peut-être bientôt trente, et surtout sur la vocation de l'Union européenne dans le monde.

Tel est le sens de la résolution que je déposerai avec d'autres collègues, Axel Poniatowski, Thierry Mariani et d'autres, conformément à l'article 24-1 de la Constitution et de l'article 136 de notre règlement. Nous voulons précisément poser ce type de questions.

Interrogeons-nous d'abord sur le fonctionnement. Saurons-nous fonctionner à vingt-huit comme nous le faisions à six ou à neuf ? Je pense aux modalités des prises de décision, de vote sur l'entrée dans la zone Schengen. À l'époque, j'étais le ministre qui a bloqué l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans Schengen car ces deux pays n'étaient pas prêts à garantir la frontière commune. Or la machine européenne les avait laissés approcher case après case de cette entrée considérée comme quasi automatique, ou même pour faire plaisir. Gardons-nous de faire les mêmes erreurs et de prendre des décisions inconsidérées pour faire plaisir, parce qu'il convient de cocher les cases – je pense par exemple à la présence de certains pays dans l'union monétaire.

Interrogeons-nous aussi sur certaines modalités institutionnelles. Si tous les pays de l'ex-Yougoslavie entrent dans l'Union, ils auront plus de commissaires à eux seuls que les pays fondateurs membres de l'Union. Est-ce normal ? D'ores et déjà Slovénie et Croatie ont deux commissaires alors que la France en a un et l'Allemagne un. Je ne dis pas cela pour être méchant mais parce que cela pose quelques problèmes au niveau des décisions.

Au-delà de ces sujets institutionnels, la vraie question est la vocation de l'Europe. Si c'est la paix, comme je l'ai dit tout à l'heure, laquelle ? La paix d'hier, celle de la guerre froide, a été construite sur la fin de la guerre froide et l'ancrage euro-atlantique des nouvelles démocraties dans l'Union. C'est très bien. Mais actuellement, qui ne voit que la sécurité de l'Europe a vocation à être confrontée au terrorisme et aux conflits à sa périphérie ? Dans ces conditions, on peut se demander si l'Europe fait ce qui est nécessaire.

Ce matin, une semaine après le début de l'intervention française au Mali, comment ne pas être choqué – le mot n'est pas exagéré – par le contraste ? Ce matin, nous élargissons l'Union à un vingt-huitième membre, ce qui est très bien. La semaine prochaine, 500 députés élus et tout le Gouvernement iront en grande pompe à Berlin pour fêter l'amitié franco-allemande, le cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée. À côté de cela, nous constatons l'extrême solitude de la France, de nos soldats qui sont les seuls à se battre en ce moment même en Afrique.

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