Intervention de Marie-Jo Zimmermann

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Jo Zimmermann, rapporteure :

Il appartient aujourd'hui à notre commission d'émettre un avis sur votre nomination, monsieur Brice, pour exercer un nouveau mandat de directeur général à la tête de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Conseiller des affaires étrangères hors classe, vous avez exercé des fonctions variées dans les services diplomatiques, aussi bien à l'administration centrale que dans des postes à l'étranger. Vous avez également travaillé deux ans comme rapporteur extérieur à la Cour des comptes et exercé des fonctions de conseiller dans différents cabinets ministériels. Vous avez été nommé une première fois directeur général de l'OFPRA, après avis favorable de notre commission, par décret du Président de la République du 19 décembre 2012.

À présent que votre premier mandat touche à sa fin, le Président de la République envisage de vous renouveler dans vos fonctions. C'est à ce titre que vous revenez devant nous, dans le cadre de la procédure définie par le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Le Président de la République ne peut en effet procéder à votre nomination que si l'addition des votes négatifs au sein de la commission compétente de chaque assemblée ne dépasse pas trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Créé en 1952, l'OFPRA est un établissement public administratif de l'État placé sous la tutelle du ministre chargé de l'asile, mais bénéficie d'une indépendance fonctionnelle. Il a compétence pour reconnaître la qualité de réfugié ou pour accorder le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes qui sollicitent l'asile dans notre pays. Il exerce en outre, à leur égard, une mission de protection juridique et administrative. Enfin, il a compétence, dans le cadre de la procédure dite de l' « asile à la frontière », pour donner un avis motivé au ministre de l'Intérieur, préalablement à la décision de celui-ci d'admettre ou non sur le territoire français un demandeur placé en zone d'attente.

Ces missions prennent évidemment aujourd'hui une ampleur et une acuité décuplées, compte tenu de la crise des migrants, qui s'est particulièrement aggravée depuis l'été 2015 et que les difficultés de notre pays en matière de sécurité publique rendent plus complexe encore. Les dix-huit derniers mois ont été marqués par une croissance exponentielle des migrations aux frontières de l'Union européenne. Alors que les 625 000 demandes d'asile enregistrées dans l'Union en 2014 apparaissaient déjà comme un chiffre important, elles seront très largement dépassées au cours de l'année 2015. Concernant la France, si la demande d'asile a légèrement diminué en 2014 – de 2,4 % –, le ministre de l'Intérieur nous a indiqué, lors de la commission élargie du 22 octobre dernier, qu'elle augmenterait de 8 % en 2015, sous réserve, a-t-il pris soin de préciser, de l'exactitude de ses projections.

Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant que vous puissiez nous faire part aujourd'hui du bilan de votre action à la tête de l'OFPRA. Dans quelle mesure le contrat d'objectifs et de performance (COP), signé il y a bientôt trois ans, a-t-il été rempli ? Quels ont été les résultats du plan d'action adopté en 2013 et mis en oeuvre, pour l'essentiel, en 2014 ? Ce plan prévoyait notamment la mutualisation de certaines demandes d'asile entre les quatre divisions géographiques de l'OFPRA. Les efforts accomplis en termes de « productivité », en particulier, ne risquent-ils pas d'être réduits à néant par l'augmentation de la demande d'asile et par l'allongement de la durée des entretiens menés avec les demandeurs, consécutif à la transposition des directives européennes ?

Vous nous exposerez la façon dont vous envisagez, si vous êtes renouvelé dans vos fonctions, de répondre aux défis auxquels l'office se trouve confronté.

Vous nous direz aussi ce que la loi relative à la réforme du droit d'asile, que notre assemblée a adoptée le 29 juillet dernier, a changé dans l'organisation et le fonctionnement de l'établissement que vous dirigez. Je songe notamment à l'objectif de diminution des délais de traitement et de résorption des dossiers en instance. Je songe également au recours plus large à la procédure dite « accélérée », qui a pris la suite de la procédure « prioritaire ». Je pense enfin aux nouvelles garanties entourant l'examen de la demande d'asile, notamment à la généralisation de l'obligation de convoquer le demandeur à un entretien, au cours duquel il peut être assisté par un avocat ou par le représentant d'une association habilitée.

Vous nous direz certainement aussi un mot, monsieur le directeur général, de l'état d'esprit des personnels qui ont travaillé sous votre autorité depuis trois ans, ainsi que de l'évolution de leur statut et de leurs conditions de travail, de leur formation et de la façon dont ils appréhendent l'augmentation de la demande d'asile.

Sur l'ensemble de ces points, vos explications et les échanges que vous aurez avec les membres de notre commission permettront de compléter les réponses écrites que vous avez bien voulu me faire parvenir en réponse au questionnaire que je vous ai adressé. Ces réponses ont été transmises à mes collègues et figurent sur le site internet de l'Assemblée nationale.

De ces réponses écrites, je retiens en particulier trois points saillants.

Premièrement, l'OFPRA apparaît soucieuse de nouer un dialogue avec les autres acteurs de l'asile, en particulier avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pour les contrôles de qualité, avec la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour intégrer sa jurisprudence, avec les partenaires associatifs en vue d'améliorer la formation du personnel sur les besoins spécifiques de protection – notamment pour les mineurs, les femmes qui ont subi des violences et les victimes de la traite des êtres humains – et avec les interprètes en vue de la conclusion d'une charte garantissant leur compétence et leur neutralité.

Deuxièmement, la réactivité est aujourd'hui un impératif pour l'OFPRA, ce qui l'a conduit à développer des missions foraines dans les régions, mais aussi à envoyer des équipes en Égypte, en Jordanie et au Liban pour y traiter les dossiers de demandeurs syriens.

Troisièmement, l'augmentation de la demande d'asile depuis l'été 2015 constitue un point de vigilance. Elle a d'ores et déjà entraîné l'arrêt, en septembre dernier, du mouvement de résorption du stock des dossiers en instance. Ce stock est même reparti à la hausse en décembre.

Les éclaircissements que vous allez nous donner dans quelques instants compléteront vos explications écrites et permettront à notre commission d'être pleinement éclairée pour exprimer un avis quant à votre possible renouvellement dans vos fonctions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion