Intervention de Matthias Fekl

Séance en hémicycle du 11 janvier 2016 à 21h30
Débat sur l'évaluation de la politique d'accueil touristique

Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je veux tout d’abord remercier le groupe RRDP d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat, qui permet de faire un point très précis sur la politique touristique à partir du rapport documenté et très approfondi de Jeanine Dubié et Philippe Le Ray en juillet 2015.

Comme nombre d’entre vous l’ont souligné, le Gouvernement a décidé de faire de la politique touristique une priorité, tout simplement parce que le tourisme est un secteur essentiel, stratégique, pour notre pays. Vous avez été nombreux à rappeler les chiffres relatifs à l’emploi et à la richesse nationale, je ne m’y attarde donc pas, si ce n’est pour souligner une nouvelle fois l’importance de ce secteur pour la France.

C’est un enjeu majeur pour notre pays, et ce dans un contexte de concurrence mondiale de plus en plus exacerbée. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, il y a un milliard de touristes dans le monde aujourd’hui et, en 2030, ils seront presque deux fois plus nombreux, 1,8 milliard d’après ses projections. C’est la raison pour laquelle le Quai d’Orsay, autour de Laurent Fabius, est totalement mobilisé sur ce sujet.

De nombreuses décisions ont été annoncées par Laurent Fabius lors des Assises du tourisme au mois de juin 2014 puis le 8 octobre 2015 à l’occasion de la Conférence annuelle sur le tourisme, avec plusieurs objectifs, notamment accueillir 100 millions de touristes en France en 2020, c’est-à-dire demain, et augmenter les recettes issues du tourisme, y compris les recettes par touriste accueilli dans notre pays car, comme l’a souligné M. Foulon, la France est devancée en ce domaine par plusieurs pays.

La plupart des améliorations évoquées dans les rapports que vous avez cités, notamment celui qui sert de base à ce débat, rejoignent totalement les préoccupations du Gouvernement, et un certain nombre de décisions très précises ont été prises. Permettez-moi d’y revenir ici, de manière pas trop fastidieuse, je l’espère.

Plusieurs grands axes structurent notre travail : renforcer l’attractivité de la destination France dans le contexte mondial qui a été évoqué, faciliter le parcours des touristes et ses conditions, la qualité d’accueil, et accompagner les entreprises, les salariés et tous les acteurs de ce secteur.

Concernant les mesures visant à renforcer l’attractivité des destinations françaises, nous avons pris un certain nombre de décisions visant à mieux structurer l’offre. C’était indispensable.

Vingt contrats de destination ont ainsi été signés au Quai d’Orsay au cours des derniers mois, avec la volonté de bâtir des marques lisibles dans le monde entier et de les structurer comme telles, avec une multiplicité d’acteurs qui, à chaque fois, doivent se fédérer pour porter ces contrats de destination. Cela fait partie des critères pour être retenu.

Des pôles d’excellence ont été constitués et ils sont au travail, dans l’oenotourisme, cher à nombre d’entre vous, Mme Got en a parlé, le tourisme de nuit, le tourisme de savoir-faire, le tourisme de montagne l’été et l’écotourisme.

Des stratégies spécifiques ont été mises en place pour l’appui et le développement du tourisme d’affaires – secteur à part entière, très important –, du tourisme des croisières fluviales et maritimes, ou du tourisme dans les outre-mer.

Sur ce point, madame Sage, je vous remercie pour votre contribution aux travaux du Conseil de promotion du tourisme. Beaucoup de choses ont été engagées et nous les suivons, Laurent Fabius et moi, avec la ministre des outre-mer, selon la philosophie que vous avez indiquée, à savoir que les outre-mer font évidemment pleinement partie de la France et sont donc totalement concernés par la politique touristique mise en oeuvre pour notre pays.

De nombreuses actions d’envergure ont été menées dans le cadre de la convention entre Atout France et le ministère des outre-mer.

Des études sur l’hôtellerie, sur des diagnostics, des besoins chiffrés aussi pour bien connaître la réalité ont été menées. Une évaluation des nouvelles formes d’hébergement en développement, notamment la location chez l’habitant, a été conduite. Des analyses de marchés ont été effectuées, notamment pour mieux identifier les besoins des clientèles.

Par ailleurs, j’associe dans mes déplacements internationaux les destinations ultramarines qui le souhaitent. À titre d’exemple, lors de mon déplacement en Afrique du Sud, les représentants du tourisme de l’île de La Réunion étaient présents. Plus récemment, ceux de la Polynésie française ont été invités à m’accompagner en Chine. Il s’agit à chaque fois de présenter l’offre auprès des prescripteurs, et c’est possible pour tous les territoires d’outre-mer qui le souhaitent.

Enfin, un travail très important est engagé pour renforcer les destinations de la Caraïbe française et renforcer les liens avec ces pays autour de la mise en place d’offres de croisières multidestinations.

Comme vous le soulignez, 27 propositions ont été identifiées dans le cadre du Conseil de promotion du tourisme. Les premières actions sont d’ores et déjà en train d’être mises en oeuvre et devraient s’accélérer au cours de ce semestre.

Je citerai à titre d’exemple le renforcement de l’attractivité des territoires ultramarins à travers l’assouplissement des conditions d’obtention de visa touristique et la signature de contrats de destination, la restructuration progressive du cluster outre-mer d’Atout France en lien avec les acteurs de terrain, chantier en cours, la valorisation de l’offre gastronomique ultramarine, dans le cadre notamment de l’opération « Goût de France », l’accroissement des dessertes aériennes, la création d’une section spécifique sur le site France.fr, et, enfin, un point précis sur les outre-mer dans les nouveaux outils de financement de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque publique d’investissement.

Lorsque les spécificités des outre-mer l’exigent, un ajustement est fait ; sinon, ce sont les politiques de droit commun qui s’appliquent, comme en France métropolitaine. Mais nous avons toujours la volonté d’associer pleinement les outre-mer à cette politique ambitieuse.

Nous avons aussi mis en place des mesures pour renforcer la promotion des destinations et des marques territoriales. Il a déjà été question des contrats de destination. Je souligne aussi l’importance de l’opération gastronomique « Goût de France » qui a remporté un très grand succès et qui, suite à la décision de Laurent Fabius, sera reconduite en 2016.

Nous mettons également en place avec Atout France le nouvel outil Internet de promotion de la destination France : le site France.fr. Nous avons bon espoir de pouvoir bientôt disposer du site France.com. Ce seront des portes d’entrée simples, faciles d’accès et compréhensibles pour le monde entier. Pour qu’Atout France puisse assurer concrètement ces missions, le Gouvernement, sur la proposition de Laurent Fabius, a décidé de renforcer ses moyens, en abondant son budget notamment grâce aux recettes des visas, à hauteur de 5 millions d’euros.

Par ailleurs, puisque vous avez été plusieurs à interroger le Gouvernement à ce sujet, j’en viens aux actions spécifiques post-attentats. Bien évidemment, les attentats tragiques qui ont frappé notre pays en 2015 ont également eu un impact touristique. La première mesure prise est relative à la sécurité. Elle a été renforcée sur l’ensemble du territoire, qu’il s’agisse ou non de sites touristiques. De nombreuses décisions spécifiques ont également été prises en faveur du tourisme.

Des messages en sept langues ont été communiqués dès le 20 novembre, pour répondre aux questions les plus fréquemment posées dans le monde entier par les opérateurs, les professionnels du tourisme ou les publics susceptibles de vouloir venir en France. Ils ont été massivement relayés par Atout France et nos ambassades, ainsi que par tous les professionnels et postés sur les sites Internet destinés aux voyageurs.

Un plan de communication pays par pays a été défini. Il sera déployé pendant toute l’année 2016 avec des actions ciblées en fonction des tendances de réservation des clientèles et sur tous les types de support, notamment sur les réseaux sociaux. C’est du sur-mesure en fonction des préoccupations et des questions qui se font jour dans les différents pays. Nous répondrons très précisément, en visant en priorité les professionnels et les relais d’opinion.

Laurent Fabius et moi-même recevons régulièrement des délégations étrangères et rencontrons les prescripteurs en France ou lors de nos déplacements à l’étranger. Cette semaine, Laurent Fabius interviendra au China Workshop, salon des tours opérateurs chinois, tandis que j’accueillerai au Quai d’Orsay une délégation de grands acteurs du tourisme japonais, l’un des marchés qui a le plus annulé ses séjours suite aux attentats.

S’agissant des mesures visant à améliorer la qualité de service et d’accueil de l’offre touristique, nous avons fait en sorte de faciliter la venue des touristes et leur parcours. C’est la démarche des visas en 48 heures qui existe déjà pour de nombreux pays, notamment en Chine. Laurent Fabius a annoncé ce matin la mise en place progressive des visas en 24 heures pour les groupes de touristes venant de Chine. À leur arrivée, les touristes pourront constater que l’accueil à Roissy a été amélioré de manière très importante, même si des progrès restent à faire. Des équipes d’accueil sont déployées. Le Wi-fi est gratuit depuis le mois de juillet. Le réaménagement de la gare du Nord est également en cours, ce qui n’est pas un luxe.

Une diffusion de messages de bienvenue est aussi prévue dans les gares et les aéroports, y compris par SMS, notamment pour les touristes chinois qui y trouveront un certain nombre d’informations dès leur arrivée en France. À moyen et long terme, le Charles-de-Gaulle Express devra relier Roissy et la capitale. Les travaux commenceront au début de l’année 2017. Nous les attendons depuis longtemps, car ils sont plus que nécessaires.

Dans le cadre du parcours des touristes, je voudrais souligner le renforcement de la sécurité sur les principaux sites touristiques parisiens. Les résultats sont significatifs, puisque la délinquance a diminué de 20 % pour les vols avec violence et de 30 % pour les vols à la tire. Une attention particulière est apportée au plan « Qualité tourisme » porté par l’État, qui se traduit par l’attribution de la marque « Qualité tourisme ».

Nous lancerons dans les mois à venir des campagnes visant à améliorer encore la qualité de l’accueil en France, notamment dans le cadre de l’Euro 2016. Des démarches comme celle de la High Hospitality Academy, au lancement de laquelle j’avais participé, sont tout à fait exemplaires. Des actions sont également prévues, en lien avec le ministère de la culture, en 2016, pour améliorer encore l’accueil dans les établissements culturels, lesquelles convergent tout à fait avec les propositions formulées dans le rapport de Jeanine Dubié et de Philippe Le Ray.

Laurent Fabius a également annoncé plusieurs mesures concernant la formation, sur laquelle vous avez beaucoup travaillé, madame Got. En lien avec la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, une Conférence des formations d’excellence du tourisme a été créée. Elle devrait permettre de mettre en réseau les principales écoles et universités proposant des formations dans le secteur touristique. Les statuts de l’association ont été déposés et le financement d’amorçage est assuré. L’association se chargera aussi de la création de la nouvelle chaire d’enseignement supérieur et de recherche consacrée au tourisme.

Atout France développe divers moyens pour assurer des cours en ligne ouverts à tous, avec un ciblage prioritaire sur l’accueil et les langues. Pour bien accueillir, il est essentiel de se faire comprendre par les clientèles étrangères.

Ces mesures sont efficaces, selon l’étude de TCI Research pour 2015. Toutes ces mesures et tous ces efforts, mis bout à bout, sont payants en termes d’amélioration de l’accueil et de la qualité de service. Votre rapport, madame Dubié, avait pour titre : L’Accueil : un blason à redorer. Nous y avons travaillé et je voudrais souligner que le diagnostic publié aujourd’hui par le cabinet TCI Research permet de constater que les mesures prises par le Gouvernement portent leurs fruits.

Il reste bien sûr de nombreux points à améliorer, comme le constate cette enquête, notamment sur les achats dans les magasins, sur le rapport qualité-prix et sur l’association des citoyens français à l’ensemble de ces démarches. Mais, là encore, les priorités que vous avez soulignées, les décisions que vous avez proposées et celles mises en oeuvres vont dans le bon sens.

Enfin, s’agissant des mesures visant à faciliter la vie des entreprises et des salariés du secteur, une grande partie de la stratégie mise en place à la suite des Assises du tourisme a consisté à encourager le dynamisme des entreprises du secteur. Nous avons agi pour simplifier le cadre législatif et réglementaire, avec l’ordonnance du 26 mars 2015, ratifiée en juin, et le décret du 18 août 2015. Au-delà de la simplification, d’autres textes ont modifié le droit du tourisme, qu’il s’agisse de la réforme de la taxe de séjour ou de la révision des modalités de calcul de la garantie financière des agents de voyages et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours.

Monsieur Foulon, vous avez interrogé le Gouvernement sur la loi NOTRe. Sur ce dernier point, lors du Conseil national de la montagne en date du 25 septembre dernier, le Premier ministre a demandé au secrétaire d’État à la réforme territoriale, M. Vallini, de mener une concertation afin d’identifier d’éventuels freins à la mise en oeuvre de cette loi en matière de promotion du tourisme et, le cas échéant, d’émettre des propositions pour en faciliter l’application.

Je sais que vous êtes nombreux sur ces bancs à vous interroger sur ce sujet que vous suivez très précisément. La dernière réunion de concertation avec les associations d’élus a eu lieu cet après-midi. Mon souhait est naturellement que nous puissions trouver de bonnes solutions pour permettre la meilleure promotion possible de ces territoires.

S’agissant de l’investissement et de la diversification de l’offre d’hébergement, un fonds d’investissement conjoint de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque publique d’investissement a été annoncé par Laurent Fabius lors de la première conférence annuelle du tourisme du 8 octobre. La Caisse des dépôts et BPI France ont travaillé à un grand fonds d’investissement pour le tourisme d’un montant consolidé d’environ 1 milliard d’euros. Les services du Quai d’Orsay sont en contact régulier avec ces deux établissements financiers et ils procèdent actuellement à l’identification de projets susceptibles d’être financés.

Le plan d’investissement d’avenir, PIA 3, est lui aussi mobilisé. Le commissaire général à l’investissement, M. Schweitzer, travaille également avec les services du Quai d’Orsay à la définition d’une enveloppe financière qui sera dévolue spécifiquement au tourisme. Sur la question de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs en montagne, le Gouvernement a fait de ce sujet une thématique essentielle de sa feuille de route pour la reconnaissance de la montagne, lors du Conseil national de la montagne à Chamonix à la fin de l’année 2015.

Sur le tourisme social, monsieur Carvalho, le Gouvernement a également renforcé son action en faveur du tourisme de tous les Français. C’est un sujet que suit plus particulièrement ma collègue Martine Pinville, mais vous avez raison d’en souligner toute l’importance. De multiples actions ont été mises en oeuvre pour favoriser le départ en vacances du plus grand nombre possible de nos concitoyens. L’Agence nationale des chèques-vacances a notamment augmenté le déploiement de ces chèques dans les entreprises de plus de 50 salariés. En 2012, on comptait 3,7 millions de bénéficiaires pour plus de 4 millions aujourd’hui. Elle a également développé la diffusion du chèque-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés.

De nouveaux instruments ont été mis en place comme le dispositif en faveur des jeunes, « Départ 18 :25 ». Le Gouvernement a aussi poursuivi les travaux en faveur de l’investissement. Le fonds « Tourisme social investissement » est aujourd’hui pleinement opérationnel. Il a pour vocation d’accompagner les opérateurs de tourisme social qui souhaitent rénover ou reconfigurer leurs centres de vacances ou de loisirs.

Il vise à participer au financement d’environ 300 millions d’euros de travaux sur dix ans, conformément à l’évaluation des besoins du secteur. Un dispositif d’assistance ingénierie a été mis en place par Atout France afin d’accompagner les porteurs de projet. Enfin, la BPI modernise un prêt spécifique à la rénovation, destiné initialement aux structures hôtelières, qui sera maintenant ouvert aux structures de tourisme social.

Le Gouvernement poursuit et poursuivra sa politique en 2016 pour consolider une offre de tourisme plus inclusive. Nous continuerons de soutenir les acteurs traditionnels qui fédèrent le tissu associatif du tourisme social, comme l’UNAT, l’Union nationale des associations de tourisme. La direction générale des entreprises vient de lancer, en partenariat avec la Caisse des dépôts et le ministère des affaires sociales, une étude sur le tourisme social, qui devrait aboutir mi-2016 à des décisions opérationnelles avant mise en oeuvre.

Par ailleurs, l’État souhaite développer la marque « Tourisme et Handicap ». Un travail important de simplification du dispositif, au profit des structures touristiques candidates, va s’achever au premier semestre. La marque « Destination pour tous » va être relancée début 2016 avec un nouvel appel à candidatures. Un important travail de préparation et d’amélioration de l’offre accessible a été mené avec les territoires pouvant prétendre au label.

Enfin, je ne peux pas conclure sans évoquer l’enjeu majeur de l’économie collaborative. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus précisément, mais le numérique a transformé la façon dont les touristes voyagent et consomment, et il continuera de le faire. La numérisation et l’émergence de ce qu’on appelle l’économie collaborative touchent tous les secteurs. Tenter de freiner ce mouvement serait illusoire et même impossible.

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