Intervention de Luc Chatel

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Chatel :

Le deuxième phénomène à l'origine de la proposition de loi Ciotti remonte à 2010. À la suite à de graves incidents survenus en milieu scolaire, le Gouvernement a organisé des états généraux de la sécurité à l'école, ayant pour but de mieux cerner et comprendre la violence et le décrochage scolaires, d'identifier les leviers de prévention les plus efficaces et de définir les modes d'action les plus appropriés pour assurer un environnement de sécurité au sein des établissements scolaires. En effet, pour permettre aux élèves de travailler dans des conditions correctes, il faut d'abord assurer la paix.

Tirant les enseignements de ces états généraux, le Gouvernement, avec le soutien de l'ancienne majorité, a engagé une politique dans quatre directions parallèles. La première – sur laquelle j'insiste, car vous semblez l'oublier, mesdames et messieurs les membres de l'actuelle majorité – était la responsabilisation des parents d'élèves ; je rappellerai dans un instant l'ensemble des dispositifs à l'oeuvre dans ce domaine. La deuxième était la sécurisation des établissements scolaires, un axe majeur. La troisième était une politique de ressources humaines conçue pour mettre en place des équipes éducatives stables, soudées et sans doute mieux formées, adaptées à la réalité que l'on rencontre dans chaque établissement scolaire ; nous avons ainsi mis en place l'expérimentation du dispositif CLAIR, devenu ECLAIR, qui, en dotant certains établissements d'une autonomie renforcée, leur permettait de mieux s'adapter, de mieux prendre en compte la réalité locale. Enfin, la quatrième direction correspondait à la création d'« établissements de réinsertion scolaire » pour les élèves perturbateurs.

Et c'est alors que nous avons réfléchi avec Éric Ciotti pour tenter de déterminer comment une disposition spécifique sur l'absentéisme scolaire pourrait trouver sa place parmi ces quatre axes issus des états généraux sur la sécurité à l'école. Nous sommes convenus du dépôt d'une proposition de loi, défendue par Éric Ciotti, basée sur un principe majeur que je tiens à rappeler car, comme je l'ai déjà dit, votre mauvaise foi vous a conduits à ignorer cet aspect de la loi : je veux parler de l'aspect gradué du dispositif. Cette notion de progressivité dans la riposte, contribuant à l'équilibre du texte entre prévention, suspension et pédagogie, est essentielle.

Je veux rappeler le principe de la loi en vigueur, basé sur des étapes successives qui constituent la mise en oeuvre pratique du principe de progressivité. Premièrement, lorsque le chef d'établissement constate l'absentéisme de l'élève, selon le critère de quatre demi-journées d'absence non justifiées sur un mois, il le signale au directeur départemental des services académiques.

Deuxièmement, l'inspecteur d'académie – le directeur départemental – adresse un avertissement à la famille, par lequel il informe celle-ci des outils d'accompagnement parental existants. Il ne s'agit donc pas uniquement d'un courrier exposant la sanction de suppression des allocations familiales. Le directeur saisit parallèlement le président du conseil général pour l'éventuelle mise en place d'un contrat de responsabilité parentale.

Troisièmement, si, au cours de la même année scolaire, le chef d'établissement constate la persistance de l'absentéisme selon les mêmes critères, l'inspecteur d'académie saisit le directeur de la Caisse des allocations familiales, qui a l'obligation de suspendre le versement de la part des prestations familiales afférentes à l'enfant.

Ce qui est très important, c'est que la reprise du versement des allocations familiales intervient si l'inspecteur constate que l'enfant est à nouveau assidu pendant au moins un mois de scolarisation et que ce rétablissement est rétroactif sauf, naturellement, s'il y a eu des absences injustifiées depuis l'absence ayant donné lieu à la suspension.

On voit donc bien qu'il y a différentes étapes dans cette procédure et que, dans chacune d'elles, les outils d'accompagnement des parents sont présentés et proposés aux familles. Le président du conseil général est saisi dès la phase d'avertissement et peut prendre contact avec la famille pour lui proposer la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale.

Cette démarche de dialogue existe également en amont : la loi énonce que le projet de l'école et le règlement intérieur doivent être présentés aux parents d'un nouvel élève, afin de nouer une relation de confiance entre les parents et l'école. Cela vise à faire en sorte que la communauté éducative ne soit pas un vain mot et qu'il y ait véritablement une logique de projet d'établissement scolaire, une vraie dynamique.

Alors oui, je n'ai pas peur de le dire ce matin, le présent texte est inepte. Pourquoi ? Cette proposition intervient seulement un an et demi après la mise en oeuvre de la loi sur la lutte contre l'absentéisme scolaire. Ses auteurs lui reprochent son caractère injuste et stigmatisant pour les familles fragiles, les plus touchées par le phénomène de l'absentéisme, ce qui est véritablement une posture partisane. J'aimerais bien disposer d'études très précises sur le lien entre familles fragiles et absentéisme scolaire ; l'absentéisme scolaire, mesdames, messieurs les députés, concerne toutes les couches de la société. Ce fléau mine l'ensemble des familles de France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion