Intervention de Luc Chatel

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Chatel :

… et vous cherchez donc un certain nombre d'artifices pour habiller cette abrogation.

J'en viens aux résultats, à l'examen des chiffres de la loi Ciotti depuis son entrée en vigueur.

Je voudrais prendre pour exemple les chiffres de l'année 2011-2012, qui sont à notre disposition. Précisément 79 149 signalements d'absentéisme ont été reçus par les autorités académiques et 60 000 premiers avertissements ont été adressés aux familles.

À la suite de ce premier avertissement – qui correspond au courrier de l'inspecteur d'académie que j'évoquais tout à l'heure ou à la rencontre avec les autorités du lycée ou de l'inspection d'académie, et qui permet la présentation aux parents des différents dispositifs d'accompagnement et la responsabilisation –, les deux tiers des élèves concernés par les signalements, soit 40 000 élèves, sont retournés à l'école. Il n'a été nécessaire de pratiquer un deuxième signalement qu'auprès de 21 964 familles. Par conséquent, à l'issue de la première étape du dispositif, on mesure déjà l'efficacité de la loi par le fait que les deux tiers des enfants concernés par un signalement retournent à l'école.

Allons plus loin : à l'issue du deuxième signalement, on s'aperçoit que la demande de suspension des allocations familiales n'intervient que dans 1 418 cas et, à la fin, on ne compte que 619 suspensions effectives sur 79 149 signalements d'absentéisme reçus par les autorités académiques. Cela signifie que, au total, moins de 1 % des cas ont abouti à une suspension des allocations familiales ; en d'autres termes, 99 % des cas ont eu pour résultat un retour à l'école, ce qui veut dire que cette loi est efficace. En abrogeant cette loi, vous allez donc empêcher que 80 000 élèves retournent à l'école grâce à un système progressif, un système à la fois d'accompagnement, de prévention, de suivi, de suspension, de pédagogie et de suppression, uniquement si nécessaire ; une riposte graduée, mais efficace.

C'était très important de rappeler ces chiffres, parce qu'ils montrent à quel point vous nous présentez une vision partielle et partiale des choses pour justifier la suppression de cette loi.

Enfin, je rappelle que le dispositif Ciotti n'est qu'un axe de la mobilisation du gouvernement précédent dans la lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire.

Je voudrais revenir sur toutes les mesures de dialogue avec les familles que prône le Gouvernement : j'entends votre message sur ce sujet, qui a toujours été une priorité du gouvernement précédent, lequel ne s'est d'ailleurs pas contenté d'un message mais est passé à l'acte. Je présenterai donc quelques exemples des dispositifs d'accompagnement existant dans ce domaine.

Tout d'abord, la proposition de loi prévoit de supprimer le contrat de responsabilité parentale introduit par la loi Borloo en 2006, qui aurait été vidé de son sens par la loi Ciotti. Nous pensons que la loi Ciotti permet au contraire à ce contrat de mieux fonctionner grâce à l'articulation créée avec le conseil général et l'inspection d'académie et aux responsabilités accrues confiées à ce dernier. Nous avions en effet pour notre part évalué le dispositif du CRP, après non pas dix-huit mois mais cinq ans, et cette évaluation partielle nous avait conduits à faciliter la mise en oeuvre, fluidifier la connexion et renforcer les responsabilités de l'inspecteur d'académie.

Les dispositifs que nous avons mis en place sont tous fondés sur le dialogue avec les familles. Vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre rapport, madame la rapporteure, en indiquant que l'éducation nationale avait multiplié les actions de remédiation, qu'elles étaient aujourd'hui nombreuses et obtenaient, pour la plupart d'entre elles, des résultats.

Je mentionnerai à ce sujet quelques exemples. La création de 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire dans les établissements les plus sensibles, qui, au quotidien, repèrent les absences, a permis de créer un lien direct, rapide et journalier entre le lycée ou le collège et les familles.

Le système de repérage des absences fréquentes avec le logiciel SDO, suivi de l'orientation, mis en place dans tous les établissements depuis 2011, permet aux parents d'élèves d'avoir une information en temps réel. En tant que parent d'élève, il m'est arrivé, quand mon fils était en retard au lycée, de recevoir un SMS. Cette information directe des parents permet une responsabilisation et un suivi accentué de l'accompagnement de leurs enfants.

La mallette des parents est un dispositif qui repose sur des rencontres entre les parents et le chef d'établissement, les enseignants et les conseillers principaux d'éducation, avec des modules de formation pour les parents en informatique et en langue. Il a montré son efficacité dès son expérimentation dans l'académie de Créteil et a été étendu à tous les établissements dès 2010. On a constaté une baisse générale de l'absentéisme et une réduction des exclusions temporaires dès lors que les parents sont impliqués dans le projet éducatif.

J'avais été très intéressé par la mise en place du dispositif d'école des parents, qui concerne des parents éloignés de l'école car ils n'en n'avaient pas été proches par le passé. Chaque fois que l'on associe les parents au fonctionnement de l'établissement scolaire, la responsabilisation est au rendez-vous, l'implication est plus forte et les résultats scolaires s'améliorent.

Je veux également citer les dispositifs relais qui reposent sur une coopération avec le ministère de la justice, les collectivités territoriales et les associations. Ils prennent en charge temporairement, par très petits groupes, des élèves absentéistes, perturbateurs ou en voie de désocialisation.

Je tiens enfin à mentionner les microlycées, ces structures scolaires de quatre-vingts à cent élèves qui proposent un accompagnement sur mesure permettant à des jeunes déscolarisés de reprendre leurs études pour préparer le baccalauréat ou un projet de formation. Il en existe aujourd'hui un dans chaque académie.

Tous ces dispositifs sont fondés sur la personnalisation, concept que nous avons toujours retenu car nous pensons qu'il est le mieux adapté à cette lutte contre la démotivation qui peut malheureusement aboutir à l'absentéisme et donc à la déscolarisation, à la désocialisation et à l'exclusion scolaire.

Vos accusations, madame la ministre, celles de Mme la rapporteure ou de Mme Cartron, ne tiennent donc pas, on le voit.

Nous avions mis en place un dispositif qui alliait prévention, accompagnement des familles, responsabilisation et mise en place de suspension progressive. Dix-huit mois après son entrée en application, ce dispositif a un impact considérable puisque moins de 1 % des élèves concernés voient les allocations familiales de leurs parents suspendues, ce qui veut dire que dans 99 % des cas cette loi est efficace.

Vous vous apprêtez donc à supprimer un dispositif efficace, qui lutte contre un fléau majeur de notre société, en utilisant des arguments qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Surtout, madame la ministre, vous vous apprêtez à soutenir cette proposition de loi sans prévoir la moindre alternative pour lutter contre l'absentéisme scolaire.

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